Histoires de Cor; La chute, la mère et l’enfant

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Histoires de Cor; La chute, la mère et l’enfant

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La chute, la mère et l’enfant
Par Cor van de Sande
D’après une idée originale de Cor van de Sande
© Cor van de Sande, 2013
Cette nouvelle est basée sur les personnages et les endroits introduits dans l’histoire
“My House, My Rules” by Cor van de Sande en 2012
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À Stéphanie, qui m’a fait confiance…
et j’aimerais aussi remercier mon ami Robert pour m’avoir suggéré le titre en français de cette histoire.


Épisode 1,

Mélanie pleurait. Elle se sentait complètement dépourvue mais les choses ne pouvaient continuer comme elles avaient commencées. D’où elle venait, c’était l’enfer et il n’était pas question qu’elle resta là encore une journée, ni même une minute.

La dernière crise, c’était une de trop… Butch avait toujours eu l’air de savoir où il s’en allait et Mélanie le trouva de son goût quand ils étaient en neuvième année ensemble. Elle-même était loin de se sentir aussi confiante ; depuis que ses parents sont morts dans le feu, quand elle avait huit ans, elle vivait avec sa tante dans un bloc crasseux au fond du cartier St-Henri. Ce n’aurait pas été son premier choix, mais personne n’avait demandé son avis.
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Pour un bout ça n’allait quand-même pas si mal, même si sa tante semblait avoir un nouveau chum à chaque fois que le chèque du BS était épuisé, et même si, il y a quatre ans, le dernier c’était installé pour de bon. Depuis ce temps-là, sa tante sortait plus souvent le soir, laissant le chum seul avec elle. Il n’avait pas de job mais il ne semblait jamais manquer de fric, lui. Plutôt, il traînait dans l’appart, buvait de la bière et passait la journée à regarder la télé. Parfois, le soir, il sortait, jamais très longtemps, laissant Mélanie seule dans l’appart. Depuis qu’elle avait commencé de porter des soutiens-gorge, ça avait changé, toutefois. Sa tante rentrait de plus en plus tard le soir et, le jour, elle semblait toujours à moitié perdue tandis que lui, il devenait de plus en plus "frotteux" avec elle. Finalement, elle n’en pouvait plus et elle alla voir Butch.

Butch, entretemps, avait quitté l’école et s’était trouvé une job chez le garage du coin. Il habitait une chambre que le proprio lui laissa contre la moitié de sa paie. Quand Mélanie lui avait tout raconté, Butch avait sacré, traité le chum à Tante Berthe de pimp et l’avait invitée de s’installer avec lui. Elle est tombée enceinte presque tout de suite.

Au début, Butch était tout excité et se promenait comme un coq dans une basse-cour mais, après que Fiston fut né, ça n’a pas duré… ça coûte cher les couches…, et le linge…, et le stock… Une chance que Fiston prenait ses repas à la source, sinon il lui aurait crié par la tête pour ça, également. Butch commença à rentrer plus tard, à sortir avec ses chums. Depuis quelque temps, il rentrait carrément paqueté comme un œuf tous les soirs. La boisson ne lui faisait pas, non plus, car pour la plupart des fois, il rentrait en maudit. La nuit dernière, non seulement il l’avait engueulée en n’en plus finir, il l’avait frappée en plus de ça.

Ce matin, tôt, pendant que Butch cuvait encore son vin, elle se leva doucement, fit sa valise, ramassa Fiston et, en sortant, chipa les clés du garage. Elle savait que, stationnées à côté, il y avait deux minounes que le proprio essayait de vendre à un taupin trop cave pour savoir qu’elles ne valaient plus rien. Elle ouvrit la porte du garage, coupa l’alarme et fouilla le comptoir.

Prenant les clés de la voiture la moins maganée des deux et les trente piastres qui restaient dans la caisse, elle fit le plein, rembarra le garage et glissa les clés dans la boite à lettres. Là, elle se retrouva quelque part dans les cantons de l’est, à rouler sur les routes secondaires, sans savoir où aller, ni ce qu’elle devait faire.

Tout à-coup, elle lâcha le gaz et piétina les freins…
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Épisode 2,
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… Chiottes ! La frontière ! Elle n’avait même pas de permis de conduire, sans parler de passeport. Pas question de passer par là. Allez, demi-tour et ça presse.

Elle regarda aux alentours et vit une entrée derrière elle. Elle mit la voiture en marche-arrière, du moins, elle essaya. Ça a prit trois fois avant que la "Clisse" de bagnole embraya. Doucement, elle recula dans l’entrée puis dut se battre encore une fois avec les vitesses avant qu’elle puisse avancer de nouveau. Sortant de l’entrée, elle rebroussa chemin et, à la première intersection, elle tourna à gauche, pourquoi?, elle ne saurait le dire.

À peine un kilomètre plus loin, la voiture commença à ralentir. Elle donna plus de gaz et le moteur accéléra mais la voiture, elle, continua à ralentir doucement. Maudite cochonnerie de "Clisse" ! Quoi, maintenant ? Heureusement, elle vit une grange sur le bord de la route, gara la voiture sur le bord près d’une voiture déjà stationnée là et ferma le moteur.

Elle a dû rester là un bon cinq minutes comme ça, sans bouger. Finalement, avec un gros soupir, elle ouvrit la porte, prit son gros foulard porte-bébé et se l’attacha autour du cou, fit le tour de la voiture pour sortir Fiston du lit de fortune qu’elle avait concocté sur le banc arrière avec quelques boites vides qu’elle avait trouvées au garage et la couverture, et coincé en place avec la valise, et continua à pied.

Elle marchait déjà depuis une bonne demi-heure quand Fiston commença à s’agiter. Il avait sans doute faim… et il avait besoin d’une nouvelle couche. Faudrait qu’elle mange un brin aussi, si ce n’était que pour assurer sa production de lait. Elle regarda autour d’elle… un peu plus loin, juste au-delà d’un petit pont, il y avait un verger. Excellent.

Redressant ses épaules, elle traversa le pont et rentra dans le verger. L’eau du ruisseau avait l’air propre ; au moins elle pouvait voir le fond aisément. Bon, elle suivit le ruisseau un peu pour être à l’abri de la route et étendit la couverte. Première étape, le nettoyer. Elle coucha Fiston et mouilla la débarbouillette dans le ruisseau. La couche maintenant. Une chance que Fiston n’était pas encore rendu aux solides, car Karine, son amie, lui avait dit que, rendu là, ça sentait vraiment, mais VRAIMENT moche. Cela fait, elle regarda autour de nouveau. Elle s’était levée tôt et elle n’avait pas arrêté depuis. Là, elle était rendue, Dieu sait où, seule dans un verger plein de pommes, loin de tout le monde. Elle s’étira, cueillit une pomme de l’arbre et, après l’avoir frottée contre sa blouse, croqua dedans. Elle se sentit fatiguée d’un coup. Encore un regard partout… personne et il faisait chaud. Bon, pourquoi pas ? Elle défit sa blouse, retira son soutien-gorge et s’installa à côté de Fiston.

Aa-a-a-ah… un sentiment de plénitude l’envahit ; elle était faite pour ça. Dans ces temps-là, elle aurait souhaité en avoir deux, un pour chaque sein. Karine était "pleine de marde” ; allaiter était cent fois meilleur que faire l’amour. Avec Butch, elle commençait juste à sentir quelque chose et lui, il avait déjà fini. Après ça, elle était toute collante et lui, il ronflait. Ça ne valait vraiment pas la peine d’en crier sur les toits.

« … Hello… Bonne jiourre… »*
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« Hein… ? Quoi… ? Euh…Oh. Bonjour. »

Mélanie se sentit encore plus prise de court, si cela était possible. Elle chercha rapidement sa blouse, se sentant nue devant cette femme, mais elle l’avait mise sous Fiston, afin lui de faire un appui. Se levant plutôt, elle le souleva en même temps et le tint devant elle pour cacher ses seins quelque peu. La dame sembla apercevoir son malaise.

« Don’t worry… ce n’est… rien ? C’est pas grave. Mon nom est Heather – ces pommiers sont à moi. L’auto, celle devant la grange… c’est à toi ? »

« Euh… oui… en quelque sorte. Moi c’est Mélanie. »

« My neighbour… mon voisin ? Il t’avais vu partir à pied et il m’a téléphoné. Est-ce que ça va ? »

« Euh… pas vraiment, non. Je suis partie de la maison. Je ne pouvais plus y rester. »

« Oh, I’m sorry. » Elle vit la petite valise par terre à côté de la couverture de bébé. « Où sont tes affaires ? »

« C’est tout ce que j’ai. Je suis partie vite. »

« Have you eaten? As-tu mangé ? »

Mélanie ne répondit pas mais son regard était éloquent.

« Come with me! » Quand elle vit Mélanie hésiter, elle insista encore « Come! »

Subjuguée, Mélanie déposa Fiston sur sa couverte et se tourna le dos pour enfiler soutien-gorge et blouse puis commença à refourrer tout son barda dans sa valise. Arrivée à la couche sale, Heather lui dit, sans équivoque, « Give that to me… allez, donne. »

Quand Mélanie eut ramassé Fiston de nouveau, Heather approcha, prit la valise de Mélanie de ses mains et se retourna vers la route. Sans plus aucune volonté, Mélanie suivit. Arrivées à la voiture, une Camry biénergie de construction récente, Heather envoya la valise sur le banc arrière, signa Mélanie d’embarquer côté passager et, envoyant des gravillons de tout côté, fit demi-tour d’un trait sans égard pour les faussés profondes de chaque côté de la route.

À peine un demi-kilomètre plus loin que la voiture que Mélanie avait abandonnée, Heather s’engagea dans une longue entrée ornée d’un portique élaboré et arrêta devant une grosse maison de ferme qui ne lui ressemblait guère que de nom.

« Come ! » répéta-t-elle de nouveau en sortant de la voiture. Elle se dirigea vers la porte de la cuisine et prenant les devants, signa Mélanie de s’assoir à la table tandis qu’elle sortit bol, assiette et cuillère et lui servit un gros bol de soupe aux légumes tellement consistante que la cuillère resta quasiment debout.

« Mange, » dit-elle encore.

Pendant que Mélanie, encore hésitante, s’approcha de son bol, toujours avec Fiston dans un bras, Heather continua à s’affairer, sortant beurrier, fromage, jambon tranché et pain maison. Finalement, elle sortit une cruche de lait et lui en servit un gros verre.

Quand tout fut servi et que Mélanie commença à se détendre, Heather sortit une tasse, l’installa sous une cafetière espresso et l’actionna. Tasse en main, elle s’assit devant Mélanie et dit « Bon, raconte-moi tout. Comment se fait-il que t’es seule sur la route avec un bébé, dans une voiture que j’oserais même pas sortir de mon driveway, sans bagage ni rien d’autre. »

Ça prit du temps, mais lentement, Mélanie se détendit et, à mesure qu’elle remplit son ventre, elle vida son sac. À la fin, repue, elle se recula dans sa chaise, incapable de manger quoi que ce soit de plus. Tout en lui versant encore un verre de lait, Heather résuma.

« Donc, si je comprends bien, t’as pas de place pour rester, t’as pas de job, t’as pas de linge et t’as pas d’argent. C’est bien ça ? »

Mélanie acquiesça, morose.

« Right, first things first... Ici, je n’ai pas de place, ni vraiment de travail pour toi. La semaine prochaine, les vendanges commencent et ça va être l’enfer. Tu ne serais qu’entre les pattes. Toutefois, je connais quelqu’un. Laisse-moi faire un appel. Je reviens tout de suite. »

Heather sortit de la cuisine par une porte qui menait de toute évidence vers un couloir. Mélanie l’écouta parler au téléphone.‡

« Yeah, hi…, it’s me. Look, I’ve a problem, I picked up a stray… No, a girl. From the looks of her, she’s barely seventeen, with a eight month old baby on her hands. She’s got one bag barely large enough to serve as a diaper bag and the clothes on her back. I’ve just fed her enough for three people. I was wondering if you could put her up? Weren’t you telling me you needed a barmaid? »

« … »

« I don’t know, we can only try. If she runs away screaming, I’m only out the one meal. If she works out, her outfit won’t cost you much, will it. From what she’s told me of her home life, this is one determined young lady. She might actually go for it. »

« … »

« Okay, I’ll bring her over. Give me a half-hour to prime her. »

« … »

« No, I don’t think I’ll tell her. She’d only try to find excuses to leave. I think the best would be for you to greet her in all your glory. »

« … »

« Yeah, right, sink or swim. Right, I’ll see you in a bit. »

___________
*Comme plusieurs le savent, dans ce coin du pays, avec le mélange de francophones et d'anglophones qui y habite, les conversations sont souvent un mélange d'anglais et de français, souvent même à l'intérieur d'une même phrase. Là où la compréhension risque de fléchir, j'inclue la traduction en bas de page.


« Salut, c’est moi. Écoute, j’ai un problème ; je viens de recueillir une brebis égarée… non, une fille. D’après son apparence, elle a à peine dix-sept ans avec un bébé de huit mois sur les bras. Elle a une valise à peine assez grande pour servir comme sac à couches et le linge qu’elle a sur le dos. Je viens de lui donner assez de bouffe pour trois personnes. Je me demandais si toi, tu pouvais l’abriter ? Ne me disais-tu pas que t’avais besoin d’une barmaid ? »
« … »
«Je ne sais pas, nous ne pouvons qu’essayer. Si elle se sauve en hurlant, ça ne m’aura coûté que le prix du repas. Si ça marche, son uniforme ne te coûtera pas grand-chose, n’est-ce-pas ? De ce qu’elle m’a décrit de sa vie antérieure, c’est une fille qui est déterminée à arriver à ses fins. Elle pourrait faire le plongeon. »
« … »
« D’accord, je l’emmène. Donne-moi une demi-heure pour la préparer. »
« … »
« Non, je ne crois pas que je vais le lui dire. Elle ne ferait que de trouver des raisons pour ne pas accepter. Je crois que la meilleure option serait que tu l’accueilles dans toute ta gloire. »
« … »
« C’est ça ; … pour les fins et pour les fous. D’accord ! Bon, bien, à bientôt. »
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Épisode 3,

Quand Heather revint à la cuisine, Mélanie essaya en vain de prétendre qu’elle n’avait pas écouté la conversation.

« J’aurais dû te demander, tu parles anglais, non ? »

Mélanie rougit. « Un peu, oui. Je comprends assez bien mais je n’ose pas le parler. J’ai peur qu’on rie de moi. »

« Excellent. Bien, comme tu as sans doute compris, je t’ai trouvé une job et une place pour rester. C’est du bon monde. Mes amis opèrent un… inn, tu sais… un… ah, oui, une auberge, dans le village à côté. Ils ont une petite chambre où tu peux rester, en retour, tu travaillerais comme barmaid et tu aiderais à faire les chambres. Quel âge as-tu ? »

« Dix-sept. »

« Bon. Sur les papiers d’embauche, tu marqueras dix-huit, d’accord. Ça c’est au cas que la Régie vient fouiner. Je pense pas qu’il y aura de problèmes mais on est mieux de pas demander pour le trouble. »

« As-tu fini ? Non, laisse ça ! Je ramasserai quand je reviens. Et finis ton lait ! Non, non, pas d’excuses, allez, wouste, au complet. Si c’est pas pour toi, c’est pour le bébé. Bon. Maintenant, ramasse tes affaires et on va y aller. »

Sortant vers l’auto de nouveau, Mélanie glissa sa valise sur le banc arrière et embarqua de nouveau côté passager en tenant Fiston contre son torse. Heather mit la voiture en marche et, en envoyant encore des gravillons partout, remonta l’entrée et continua sans arrêter dans la même direction que tantôt sur la route. Un demi-kilomètre au-delà du croisement menant vers la frontière, elle vit une vieille manse en pierres des champs beiges sur le bord de la route, en face d’une petite église.
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Heather tourna vers le stationnement et freina brusquement. Sortant de la voiture, elle se dirigea vers la porte. Là, elle stoppa et attendit que Mélanie la rejoigne. Elle indiqua à Mélanie de rentrer en premier.

Devant elle, elle vit un lobby d’un décor antique, truffé de boiseries vernis dans les tons de rouge sombre comme des noix de marronnier et de papier peint vert foncé. Au font, il y avait un comptoir d’accueil en bois travaillé et derrière une étendue de petits pigeonniers. À coté du comptoir il avait une petite porte ouvrant vers un couloir sombre et à côté d’elle, encore en bois sombre, un escalier vers le deuxième étage. Entre l’escalier et le comptoir, il y avait une porte double vitrée, fermée, et dans le mur opposé, une autre porte double, ouverte celle-ci. Heather indiqua à Mélanie de passer par là.

À peine avait-elle franchi la porte qu’elle figea sur place. Devant elle se trouvait un bar aménagé comme pour les pubs anglais dont elle avait vu des images dans des revues, mais, surtout, assise devant le comptoir, de toute évidence à les attendre, était une magnifique femme d’une trentaine d’années, avec un corps magnifique, des seins généreux et un sourire à rendre jaloux le soleil, et tout-à-fait nue… tout-à-fait ? Non, elle portait une délicate chainette en or autour de la taille.

Heather, qui suivait Mélanie, ne sembla aucunement surprise de voir la dame ainsi vêtue.

« Hello, Megan. This is Mélanie, the girl I was telling you about. Mélanie, je te présente Megan O’Brien. Elle est gérante de cette auberge. Son mari, Sean O’Shaughnessy, en est le propriétaire ainsi que du camping à côté. »

Megan se leva de son tabouret et offrit sa main à Mélanie. Mélanie reprit vie brusquement et laissa tomber sa valise pour prendre sa main.

« Est-ce un bar de tous nus, ici, » demanda-t-elle, un peu brusquement.
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Heather et Megan partirent à rire, toutes les deux. « Oh non, » répondit Megan dans un français impeccable, quoiqu’avec un accent un peu bizarre, un peu comme du français de France mais pas tout-à-fait, « pas dans le sens que toi, tu veux dire. Jamais je n’aurais accepté ça. »

« Alors, c’est quoi le…, » demanda Mélanie, indiquant vaguement le corps nu de Megan, incapable de continuer.

« C’est pourtant très simple ; » répondit Megan, « cette auberge, ainsi que tout le terrain avoisinant y inclus le camping, font partie du Sherwin’s Falls Naturist Resort, le Centre naturiste de Sherwin’s Falls. La nudité intégrale est obligatoire pout tout le monde ; le personnel, les clients, même les visiteurs. »

« Vous voulez dire que je dois me déshabiller complètement ? » s’étonna Mélanie, incrédule.

Megan sourit de nouveau. « Bien, si j’avais voulu être pointilleuse sur la sujet, oui, mais, comme tu vois, Heather non plus ne s’est pas encore déshabillée et elle vient ici régulièrement. »

« Alors, c’est quoi l’idée ? »

Megan rit de nouveau. « Ça, c’est plutôt difficile à expliquer dans quelques mots. En fait, il faut le vivre pour le comprendre vraiment, mais disons que quand les gens sont nus, ils sont plus respectueux, l’un vers l’autre. »

« Tiens, j’ai une idée. Heather m’a dit que tu n’as pas de place pour rester. Pourquoi tu ne resterais pas ici à l’auberge, ce soir. Fais le tour de l’endroit, promènes-toi librement. Ce soir, tu pourrais manger ici dans la salle à diner. Nous avons une invitée ici, nommée Bernadette, qui est aussi nouvelle maman. En fait, je crois même qu’elle m’avait dit qu’elle allait se baigner dans la mare, près de la chute. Pourquoi ne pas aller la joindre, je suis certaine que tu vas aimer. »

« Je vais y penser, » dit Mélanie, toujours incertaine.

Juste là, on entendit une voix de femme qui roucoula des mots doux. Megan regarda vers la porte et appela. « Bernadette, pourrais-tu venir ici pour un moment ? »

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Épisode 4,

Une jeune femme mince, la tête recouverte de "dreadlocks", apparut dans la porte avec un jeune enfant assis à califourchon sur sa hanche.

« Bernadette, voici Mélanie, » annonça Megan.

« Elle vient juste d’arriver et ne se sent pas encore très confortable avec notre choix vestimentaire. Je lui ai proposé d’aller se baigner dans la mare pour s’acclimater. Je me demandais si, peut-être, toi, tu pourrais l’accompagner et lui montrer le chemin ? »

Bernadette jeta un coup d’œil à Mélanie, vit le bébé et son visage éclata dans un sourire radieux.
« D’accord. Voudrais-tu me suivre, Mélanie ? »

Mélanie se sentit immédiatement des affinités avec cette jeune femme et décida de la suivre malgré ses doutes. Se tournant vers Megan, elle demanda « Où devrais-je laisser ma valise ? »

« Inquiète-toi pas de ça. On va la garder au comptoir. Quand tu reviendras, tu pourras la récupérer. »

Suivant la jeune mère, Mélanie passa par le lobby, emprunta le couloir à côté du comptoir et sortit dehors par une porte ouvrant sur un jardin aménagé avec un petit sentier en pierre des champs qui les mena vers une belle mare dans laquelle une impressionnante chute cristalline située juste en face d’elles, de l’autre côté de la mare, et qui s’écoulait à travers des rochers par-ci, par-là recouverts de mousse verdoyante.

Bernadette traversa d’un trait la petite plage et rentra dans l’eau. Mélanie, par contre, s’arrêta près d’un banc, déshabilla Fiston et, après une dernière hésitation, arracha presque ses vêtements. Laissant le tout sur le banc, elle reprit Fiston et se dépêcha d’entrer dans l’eau pareillement.

Bernadette prit son enfant et, après l’avoir saucé quelques fois, l’a laissé libre. Le bébé a immédiatement coulé sous l’eau.
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« Hé ! Il va se noyer ! »

« Bien, non…. Regarde. »

Effectivement, le bébé se laissa aller gaiment, agitant bras et jambes pour s’approcher de Mélanie.
« Il voulait s’approcher de ton garçon. Tous les bébés savent nager à la naissance. Ce n’est que vers l’âge d’un an qu’ils oublient si nous ne leur donnons pas la chance de pratiquer. »

Quand le bébé fut presque arrivé et sembla vouloir remonter à la surface pour respirer, Bernadette s’étira les bras, le prit de nouveau et lui sorta la tête de l’eau. Le bébé avait un sourire tout aussi enjoué que sa mère.

« En fait, les bébés préfèrent l’eau ; ils connaissent ça mieux que la terre et, en plus, c’est plus facile pour eux de se déplacer. N’est-ce pas, Orion ? Tu aimes ça, l’eau, hein ? » Et elle lui souffla des balounes sur la joue. Orion partit à rire.

« Je ne savais pas ça. Bien, je savais que Fiston aimait l’eau ; il était toujours heureux quand je lui donnais son bain, mais j’ignorais que les bébés savaient nager. »

« Essaye-le. Fais comme moi j’ai fait – sauce-le quelques fois pour l’apprivoiser, pour qu’il se rappelle de la sensation et laisse-le aller. Tu vas voir. »

Avec une certaine crainte, Mélanie fit comme Bernadette lui conseilla. Tenant ses mains proches pour vite le sortir s’il sentit un malaise, elle le laissa patauger sous l’eau. Après quinze secondes, elle n’en pouvait plus et lui sortit la tête de l’eau. Fiston n’était pas content – il voulait y retourner.

Elle le libéra une deuxième fois, plus longtemps cette fois-ci.

« Tu vois… ils adorent. Et c’est la même chose pour nous. Tiens, passe-moi ton gars et fais un plongeon. Nage sous l’eau un peu. Prends le temps de gouter l’eau qui glisse le long de ton corps, surtout ces parties qui ne sont pas habituées à sentir l’eau directement, comme tes seins, ton ventre. »

Après être remontée à la surface avec une expression de paix intérieure rayonnant sur son visage, elle demanda « Comment le savais-tu ? Que ces régions n’avaient pas senti l’eau glisser, je veux dire. »

« Elles ne sont pas bronzées. Ça veut dire que t’as l’habitude de porter un maillot une pièce. »

Mélanie jeta un coup d’œil au corps de Bernadette. Elle n’avait aucune marque, aucun endroit plus blanc qu’ailleurs.

Bernadette expliqua. « Moi, je ne porte jamais de vêtements si je peux l’éviter. J’ai passé la plus grande partie de ma vie en Europe, suivant mon père d’un pays à l’autre pour son travail. La majorité des pays d’Europe sont beaucoup plus ouverts à la nudité qu’ils le sont ici, en Amérique du Nord. Heureusement, il y a quand-même des endroits comme celui-ci où nous pouvons respirer comme du monde. »

« Ça te tenterais-tu de t’étendre au soleil un peu ? T’as l’air d’avoir un peu froid, » commenta Bernadette.

« Oui, tiens. C’est une bonne idée, » répondit Mélanie.

Elles restèrent ainsi, à parler de choses et d’autres, étendues sur la petite plage pendant qu’Orion et Fiston jouèrent dans le sable sur le bord de l’eau. Finalement, Bernadette regarda le soleil.

« Ça va bientôt être l’heure du souper. On est mieux de rentrer pour nous préparer. Manges-tu ici, » demanda Bernadette.

« Bien, je n’ai pas vraiment d’endroits ailleurs où aller. Megan était sensée avoir une petite chambre pour moi. »

« Chanceuse. C’est ma dernière nuit ici. Demain matin, tôt, je dois partir pour Montréal. J’ai un avion pour Madrid, demain soir. Pas que je n’aime pas Madrid – c’est une ville magnifique – mais ça veut dire que toute la routine ‘métro, boulot, dodo’ va recommencer. »

« Oh ? Que fais-tu ? »

« Je suis prof de langues. J’enseigne l’anglais et le français aux espagnols. »

« J’aimerais ça parler d’autres langues. Je comprends l’anglais assez bien mais je n’ose pas le parler. »

« Faut pas s’arrêter avec ça. Moi, j’en parle cinq, quoique mon allemand ne soit pas terrible. Le monde apprécieront que tu essayes de parler et ne te reprocheront aucunement que tu fais des erreurs. Regarde Heather… trouve-tu qu’elle parle bien le français ? »

« Oui. »

« Est-ce qu’elle fait des erreurs ? »

« B’en… oui, quelques unes mais moi, j’en fais autant. »

« Tu vois… savais-tu que juste ce printemps, elle était exactement comme toi ? Elle avait vécu toute sa vie ici au Québec parmi des anglophones. Elle n’osait pas parler français parce qu’elle était certaine que le monde allait rire d’elle. Maintenant, elle fonce et son français s’améliore du jour au jour. Bon ! Assez parlé… rentrons. »

« D’accord. Viens, mon gars, on rentre, j’ai faim. » Elle se leva, recueillit Fiston et se dirigea vers l’auberge.

« Hé, Mélanie… n’oublie-tu pas quelque chose ? »

Mélanie sembla perplexe. « Je ne crois pas, non. »

« Et ton linge… ? »

« … »
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roger
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Re: Histoires de Cor; La chute, la mère et l’enfant

Message par roger »

J'aime bien le personnage de Mélanie. Pour avoir vécu quelques années à Verdun, je peux témoigner qu'il est caractéristique du milieu où elle a passé ses premières années. J'ai hâte de voir la transformation qui va sans doute s'opérer au contact de ce nouveau milieu.
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Re: Histoires de Cor; La chute, la mère et l’enfant

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Épisode 5,

Mélanie était couchée dans son lit, dans la petite chambre de l’auberge. La pièce était vraiment petite… il y avait à peine la place pour un lit simple, une petite commode et une berceuse pour Fiston. De toute façon, Fiston partageait son lit ; c’était plus facile comme ça. La toilette et la salle de bain étaient au fond du couloir quoiqu’on ait installé près de la commode un petit lavabo sur pied. Elle se sentait fatiguée des bouleversements de la journée, mais elle était trop énervée pour s’endormir. Peut-être ‘énervée’ n’était pas tout-à-fait le mot juste, par contre. Elle n’arrivait pas à décider lequel convenait – excitée, anxieuse, soucieuse – tous avaient du vrai, mais aucun ne correspondait adéquatement à ce qu’elle ressentait actuellement.

Le souper, ce soir-là, avait été une révélation. La salle à dîner était, elle aussi, décorée dans les motifs d’une vieille auberge anglaise mais peut-être avec plus de touches ‘féminines’ si elle osait le dire ; de petits rideaux aux fenêtres, de petites lampes avec abat-jours sur les tables, des nappes et des serviettes en lin, des places à tables avec de la belle vaisselle. Et la coutellerie, elle n’avait jamais mangé avec de la coutellerie que se tenait aussi bien dans sa main.

Les convives commencèrent à arriver vers six heures, six heures et quart. Plusieurs étaient des résidents du village ou des environs. La plupart de ceux qui vinrent en auto étaient déjà nus et ceux qui vinrent à pied n’étaient habillés qu’en robe de chambre qu’ils laissèrent dans le petit vestiaire juste à côté de la porte de la salle à dîner. Les deux serveuses, des adolescentes habitant les environs, portaient de petits tabliers, surtout pour avoir un endroit où garder leurs stylos et leurs tablettes de commande. Tout était tout-à-fait ordinaire ; en fait la seule chose d’inusité était que chaque chaise était recouverte d’une nappe brodée du nom de l’auberge que les filles remplaçaient au moment de desservir les tables.

Le menu était simple, un plat du jour avec une option de rechange et un ou deux plats à la carte. Il y avait aussi de la soupe toute aussi consistante que celle qu’elle avait mangée chez Heather ce midi-là et des desserts faits avec des produits locaux du terroir.

L’ambiance du repas était ahurissante, si ce n’était que par sa normalité. De voir tous ces gens nus, des septuagénaires, des gens de la trentaine et la quarantaine, un ou deux ados et une bonne demi-douzaine d’enfants allant de l’âge de Fiston et d’Orion jusqu’à huit, dix ans, interagir comme si de rien n’était. C’était féerique, comme dans un rêve. Tous semblaient se connaître ; on se saluait de partout, quelques gens se donnèrent la main, d’autres se firent des accolades, c’en était étourdissant.

Mélanie ne pouvait s’empêcher de regarder les corps des gens, quoiqu’elle essayait de ne pas se faire remarquer. Il y en avait de toutes sortes, des corps fermes, des flasques, des gros, des minces, des lisses, des ridés, mais l’état du corps ne correspondait pas nécessairement avec l’âge de la personne. Elle prêta une attention particulière aux sexes des hommes – elle n’aurait jamais pensé qu’il pouvait y avoir autant de variétés possibles, quoiqu’elle admettait volontiers qu’elle n’était guère experte en la matière, le seul qu’elle avait vu avant étant celui de Butch.

Mélanie soupa à la même table que Megan, Heather et Bernadette. Pendant le repas, les quatre femmes parlèrent de choses et d’autres ; de l’historique de Sherwin’s Falls et de l’auberge, de comment Megan avait rencontré Sean, son mari, à l’Île du Levant, de combien il était difficile pour les pomiculteurs de faire de l’argent, de comment Sean avait gagné le Euro-Millions par défaut, de leur voyage autour du monde, de la création du centre naturiste et de comment les villageois avaient réagis et finalement accepté la présence du centre naturiste. Elle et Bernadette gardèrent leurs petits sur leurs genoux pour qu’ils tètent également à leur faim et les deux mères furent interrompues à plusieurs reprises, pendant le repas, pour se faire dire combien ce faisait chaud au cœur de voir les bébés téter avec une telle aisance.
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Les vendanges étaient terminées et le nombre de clients qui fréquentaient le pub par les soirs s’était rabaissé à son niveau ordinaire, quoique ce nombre n’avait jamais monté autant que ça, vu le code vestimentaire de l’endroit. Mélanie était de service derrière le comptoir et Fiston couché dans sa berceuse sur le coin du comptoir arrière. Il ne semblait aucunement dérangé par le bruit ambiant, même qu’il semblait aimer ce bruit de fond continu.

Mélanie sentit un client rentrer dans le pub et se tourna la tête pour voir qui c’était. Elle sourit. Farley Gee aimait ça prétendre qu’il était un ours mal léché mais, dans le fond, il n’était qu’un petit ourson de peluche. C’était son client préféré ; à tous les soirs, il venait pour sa consommation gratuite – tous les résidents de Sherwin’s Falls avaient droit à une consommation ou un repas gratuit par jour – c’était une entente que Sean O’Shaughnessy avait faite avec le village l’année précédente, quand il s’était installé ici – mais, malgré son air d’écossais bourru, Farley lui donnait toujours un pourboire plus grand que le prix de la consommation.

« Good evening, Farley. What will it be tonight, Scotch or beer, » demanda-t-elle.

« Evenin’. Lassie. You’re lookin’ peppy this fine night. I think I’ll be havin’ a Flyin’ Scotsman tonight, dear. »

Elle se retourna pour sortir une bouteille du frigo. « That’s nice of you to say, thank you. Here’s your beer, sir, with my pleasure. »
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FIN
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