Arkayn : histoires et nouvelles
Publié : 12 janv. 2017, 10:58
J'ai écrit ce texte il y a plus de dix ans.
LE LAC DE CASTILLON
Je n’avais plus songé à cette journée depuis bien longtemps. Je ne l’ai jamais raconté à personne. Oh, j’y ai bien pensé parfois. Avec un peu de nostalgie. Mais c’est resté en moi. Jusqu’à hier, plus précisément, quand une amie m’a fait découvrir des récits de naturistes.
J’ai lu quelques histoires, quelques témoignages et je me suis retrouvé en ce jour de juillet, il y a vingt ans.
J’avais vingt et un ans, j’étais jeune. Pas forcément un top model mais je plaisais assez avec mes abdos plats et mes longs cheveux noirs comme du jais, souvenirs de mes origines hispaniques.
Imaginez que vous êtes dans un magasin. C’est l’hiver. J’avais, pour une fois, mis un long imper. Et vous voilà face une ado, accrochée au bras de sa copine, à moitié hystérique, lui criant : « Regarde, regarde, Highlander ! ». Agréable souvenir.
Ou ce jour, en Suède, dans les années quatre-vingt dix, quand j’ai vu tous les visages se tourner vers moi, me regarder avec curiosité et parfois avec des petits pétillements dans les yeux. Je marchais dans la rue, avec un petit groupe de français. Je n’ai pas compris jusqu’à ce Brigitte, ma collègue, me fasse remarquer qu’il n’y avait autour de nous que des blonds, au cheveux décolorés. Même le groupe que j’accompagnais n’était composé que de blonds et d’un ou deux châtains.
Une longue chevelure noire au milieu de centaines de têtes blondes. Quand les suédoises (et même les suédois) m’abordaient, leur première question, invariablement était pour me demander si c’était ma vraie couleur de cheveux. Et bien sûr, de passer leur main dedans pour en vérifier la douceur. Mais ceci est une autre histoire.
La nuit avait été longue. Très longue même puisque je n’avais pas dormi.
Oh, j’avais été sage. N’allez pas imaginer de longs batifolages. Non, je m’étais enfermé dans le labo photo que l’on m’avait prêté. Et toute la nuit, j’avais développé des photos, effectué des tirages en série.
Le labo n’était pas très pratique, mais il me fallut m’en contenter. Situé au dessus d’une pharmacie, il servait normalement à développer les relevés d’un sismographe.
Depuis quinze jours, je dormais sous tente, au bout du stade de foot de Castellane, avec cinq autres animateurs et animatrices. J’accompagnais un groupe d’handicapés mentaux pour un séjour découverte des Alpes de Haute Provence. Plus précisément le long des gorges du Verdon.
Et cette nuit là, j’avais développé toutes les photos que nous avions prises depuis le début du séjour pour en distribuer à tout le monde. J’avais sous-estimé le travail. Je pensais en avoir fini en quelques heures et rentrer suffisamment tôt pour profiter des bonnes dispositions de ma charmante voisine de duvet. Mais le coq avait chanté depuis longtemps quand épuisé, je rentrai me coucher. Et je commençai à entendre les premières voix des participants qui se réveillaient.
J’étais de congé ce jour là et je pensais bien pouvoir en profiter pour une grasse mat’. J’ai tenu une bonne demi-heure. Puis je me suis relevé, allant m’asseoir sur un long banc. L’odeur du café qui se préparait chatouillait mes narines.
Il devait être un peu plus de sept heures. La chaleur commençait à monter sous les toiles, chassant les occupants de leurs duvets. Et chacun de parler, de rire, de crier, de faire du bruit.
Isabelle, la délicieuse animatrice, vint se serrer contre moi. Elle se tenait derrière moi, debout, ses bras autour de mon cou. Elle posa sa tête tendrement sur la mienne, petit geste d’affection.
- Tu as l’air fatigué.
Je sentais ses seins dans mon dos, me troublant un peu malgré ma fatigue. Elle ne portait en tout et pour tout qu’un long Tee-shirt.
Je pris tranquillement mon café, regardant parfois la belle qui allait et venait dans le camp. Dommage. Nous n’étions pas assez nombreux pour pouvoir prendre une journée de congé ensemble. J’aurais bien eu quelques idées pour l’occuper.
Je retournai à la tente, pris quelques affaires et le gros paquet de photos encore humides qu’il me faudrait faire sécher. J’hésitais à les confier à un des animateurs pour qu’il finisse le boulot. Trop de passage.
Je passai près d’Isabelle, lui pressant la main doucement :
- Je vais aller faire un tour. Trouver un coin sympa pour finir ma nuit.
- Ou la commencer plutôt, me fit-elle, malicieusement.
Le stade se trouvait à l’écart, à l’entrée de Castellane. Je pris la route, sans but défini. Un lieu attirerait bien mon attention.
Bruit de moteur. Un véhicule avançait, allant dans ma direction. Machinalement, je tendis le pouce.
Le combi Wolksvagen me dépassa et s’arrêta, faisant jouer les warnings. Des allemands, à l’immatriculation.
Le couple était souriant. Ils ne parlaient pas français et moi pas allemand. Nous nous entendîmes donc parfaitement.
D’un geste, ils me montrèrent l’arrière du véhicule, aménagé pour l’été. Ils avaient construit une sorte de caisson qui leur servait de chambre, laissant au dessus de celui-ci un vide où je pouvais m’allonger, pour profiter de la route malgré tout et parler avec eux.
Quelques mots d’anglais, trop rares à l'époque chez moi, et ils comprirent que je n’avais pas de destination. Cela parût les amuser.
Comment dit-on handicapés en anglais ? Youngs handicapeds. ? Youngs with problems in her body ? Disableds ? Ah, ok ! Youngs disableds. No, no work today ! Long night. I’ll want sleeping off.
Je compris qu’ils étaient en vacance dans la région mais revenaient de voir des amis dans le sud, vers la mer.
Nous ne restâmes pas longtemps ensemble. Un cri du cœur s’échappa de nos poitrines en même temps.
Un lac magnifique étalait ses eaux calmes. Je n’ai pas retenu le lieu exact, n’y étant jamais retourné depuis ce mois de juillet. Peut-être le lac de Castillon. Il ressemblerait à mon souvenir, d’après des photos vues sur le net. En tous cas, je me souviens bien qu’il faisait retenue pour un barrage EDF.
Je quittai ce couple charmant et à pied, je me dirigeai vers le lac. La chaleur commençait vraiment à monter.
Il devait être huit heures. Je longeai le lac, cherchant un lieu tranquille où me poser. Je n’avais pas pris de serviette ni de maillot et je n’avais jamais fait de naturisme. Qu’importe. Il n’y avait pas un chat.
J’ai dû marcher un bon quart d’heure pour trouver le lieu qui me convenait. Masqués par une dune sablonneuse, quelques rochers abritaient une sorte de crique au sable fin. J’étais invisible au reste du lac.
Il ne me fallut pas longtemps pour me retrouver nu et plonger dans les eaux fraîches. Pour la première fois de ma vie, j’éprouvai une sensation incroyable. L’eau glissait sur mon corps, et particulièrement sur mes hanches. Je ne saurais mieux décrire cette sensation. Mais tous ceux et celles qui ont déjà nagé nus vous le diront. C’est incomparable.
Je restai un moment à batifoler dans cette eau limpide. Puis je ressorti m’exposer au soleil. J’eus une pensée pour les photos qu’il me fallait faire sécher. C’était le moment d’en profiter.
Je pris donc le paquet et retournai rapidement au bord de l’eau. Une par une, je rinçai les photos et les ressortis.
J’ai dû ouvrir des yeux incrédules. Il faisait tellement chaud en cette heure matinale que ce simple geste m’amenait devant le visage des photos déjà parfaitement sèches.
Je glissai les photos dans mon sac, prit mon Walkman et m’allongeai sur le sable fin.
Ce furent des voix qui me réveillèrent. J’avais dû m’endormir en quelques secondes. La cassette était finie. J’ouvris les yeux, abrités par des lunettes de soleil.
Elles étaient trois, semblables à des anges, auréolées de soleil. J’eus un moment de gêne. Elles durent le sentir mais ne dirent rien. Je m’assis, un bras posé sur la cuisse opposée cachant pudiquement mon sexe. De l’autre, j’ôtai le casque inutile.
La plus âgée, dans les vingt-cinq ans, demanda dans un français très approximatif si elles pouvaient s’installer dans la petite crique. Suédoises ou norvégiennes, pensais-je.
Il n’y avait pas beaucoup de place et donc forcément, elles se retrouveraient assez proches de moi. J’eus un instant d’incertitude. Je n’étais pas particulièrement pudique mais j’étais nu avec trois superbes jeunes filles en robes d’été. Je voyais les bretelles de leurs bikinis, nouées autour de leur cou. Et je n’avais pas de maillot à me mettre. Tant pis, mon slip ferait l’affaire. J’acquiesçai.
Elles posèrent leurs sacs à deux mètres de moi, me remerciant d’un sourire.
Visiblement, deux étaient sœurs. Et la troisième, la plus âgée, aurait pu être leur cousine. J’appris plus tard que je ne m’étais pas trompé.
Ce fut la plus jeune qui retint mon attention. Elle était époustouflante de beauté. Ses longs cheveux blonds entouraient un visage ovale, tout en délicatesse. Et ses yeux étaient deux flaques d’eau. Une porcelaine.
Elle laissa glisser sa robe rouge, dévoilant un corps fin, blanc, que le hâle avait à peine commencé à dorer. Son maillot, rouge, lui aussi, soulignait ses formes.
Je retins mon souffle. La jeune fille glissa ses mains vers son maillot, une simple bande de tissu attachée de chaque côté par une ficelle. Elle le fit descendre doucement sur ses hanches.
Je ne m’attendais pas à cela. Les trois compagnes se déshabillèrent et se retrouvèrent nues en un instant. Naïvement, j’avais pensé qu’elles allaient garder leur maillot.
J’essayai de masquer mon trouble, et, lui tournant le dos, je tentai de rouler sur le ventre. Je m’allongeai, leurs serviettes tournées vers moi. La tête posée sur mes avants bras, caché par mes lunettes, je pouvais donc les regarder toutes les trois, discrètement.
Étrange sensation pour moi. Je n’avais jamais été nu ainsi. J’avais bien participé à deux ou trois bains de minuit, mais la lune drapait notre intimité d’un voile de pudeur.
Les deux plus âgées se dirigèrent vers l’eau. La plus jeune serra deux serviettes côte à côte et s’empara de la troisième. En deux pas, elle fût près de moi et me la tendit d’un sourire. Puis elle courut vers le lac. J’en profitai pour m’allonger, sur le ventre, sur cette serviette bienvenue.
Les trois jouèrent un moment dans l’eau, s’aspergeant, se pourchassant, dans de grandes éclaboussures. Je n’osai pas aller les rejoindre. La peau commençait à me chauffer mais je n’avais pas de crème et il m’était difficile de changer de position. Je ne risquais pourtant pas grand chose. Ma peau était cuivrée par le soleil. Merci à mes origines hispaniques. Quelques heures au soleil et je paraissais bronzé comme si j’avais passé ma vie au grand air.
Ce furent elles qui me firent un signe pour m’inviter à les rejoindre. Mais j’étais encore assez réticent. J’avais peur de ne pouvoir contenir un certain trouble.
Ce fût Ana, l’aînée, je crois, qui vint me prendre par la main pour me tirer vers l’eau. Je fus bien forcé de la suivre. Ce fût magique.
Une fois dans l’eau, toute appréhension me quitta. Nous étions comme des enfants, jouant, nous chamaillant…
Épuisés, nous sommes retournés à nos serviettes. Il n’y avait plus de gêne ni de trouble en moi. Je me suis senti libre. Être nu, debout ou allongé sur le dos, ou dans l’eau, avec trois inconnues m’a paru tellement naturel que vingt-cinq ans plus tard, j’en savoure encore tous les instants.
J’ai ainsi fait la connaissance d’Inge et Ana, deux sœurs et leur cousine Emelie, venues passer quelques semaines de congés en France.
Un peu plus tard dans la matinée, quelques cris joyeux ont annoncé l’arrivée d’autres vacanciers, heureux de découvrir une plage où ils pouvaient se mettre nus eux aussi. Nous nous sommes retrouvés ainsi à une vingtaine de personnes. Et j’étais parfaitement à l’aise.
Les trois suédoises ont partagé les quelques provisions qu’elles avaient amenées, moi-même étant venu sans rien. Elles repartaient deux jours plus tard dans leur pays. C’était leur dernière baignade en France.
Bien plus tard, la chaleur a commencé à baisser. La journée se finissait. Il me fallait retourner au camp. Pourtant, j’avais envie de prolonger cet instant.
Je n’ai jamais revu Inge, Ana et Emelie. Pourtant je pense souvent à elles, les remerciant chaque fois de m’avoir fait découvrir ce plaisir insoupçonné.
Le plus drôle, c’est que quelques jours plus tard, une animatrice est revenue ravie de sa journée de congé. Elle avait trouvé un petit lac où elle avait pu pratiquer le naturisme. A sa description, je pense qu’il s’agit du même.
Le lac était-il naturiste et j’étais arrivé au bon endroit par hasard ? Ou les gens avaient-ils prolongé mon geste ? Je ne l’ai jamais su mais vraiment peu importe. Je venais de découvrir un nouveau style de vie.
La nuit était noire depuis très longtemps quand je suis rentré au camp.
LE LAC DE CASTILLON
Je n’avais plus songé à cette journée depuis bien longtemps. Je ne l’ai jamais raconté à personne. Oh, j’y ai bien pensé parfois. Avec un peu de nostalgie. Mais c’est resté en moi. Jusqu’à hier, plus précisément, quand une amie m’a fait découvrir des récits de naturistes.
J’ai lu quelques histoires, quelques témoignages et je me suis retrouvé en ce jour de juillet, il y a vingt ans.
J’avais vingt et un ans, j’étais jeune. Pas forcément un top model mais je plaisais assez avec mes abdos plats et mes longs cheveux noirs comme du jais, souvenirs de mes origines hispaniques.
Imaginez que vous êtes dans un magasin. C’est l’hiver. J’avais, pour une fois, mis un long imper. Et vous voilà face une ado, accrochée au bras de sa copine, à moitié hystérique, lui criant : « Regarde, regarde, Highlander ! ». Agréable souvenir.
Ou ce jour, en Suède, dans les années quatre-vingt dix, quand j’ai vu tous les visages se tourner vers moi, me regarder avec curiosité et parfois avec des petits pétillements dans les yeux. Je marchais dans la rue, avec un petit groupe de français. Je n’ai pas compris jusqu’à ce Brigitte, ma collègue, me fasse remarquer qu’il n’y avait autour de nous que des blonds, au cheveux décolorés. Même le groupe que j’accompagnais n’était composé que de blonds et d’un ou deux châtains.
Une longue chevelure noire au milieu de centaines de têtes blondes. Quand les suédoises (et même les suédois) m’abordaient, leur première question, invariablement était pour me demander si c’était ma vraie couleur de cheveux. Et bien sûr, de passer leur main dedans pour en vérifier la douceur. Mais ceci est une autre histoire.
La nuit avait été longue. Très longue même puisque je n’avais pas dormi.
Oh, j’avais été sage. N’allez pas imaginer de longs batifolages. Non, je m’étais enfermé dans le labo photo que l’on m’avait prêté. Et toute la nuit, j’avais développé des photos, effectué des tirages en série.
Le labo n’était pas très pratique, mais il me fallut m’en contenter. Situé au dessus d’une pharmacie, il servait normalement à développer les relevés d’un sismographe.
Depuis quinze jours, je dormais sous tente, au bout du stade de foot de Castellane, avec cinq autres animateurs et animatrices. J’accompagnais un groupe d’handicapés mentaux pour un séjour découverte des Alpes de Haute Provence. Plus précisément le long des gorges du Verdon.
Et cette nuit là, j’avais développé toutes les photos que nous avions prises depuis le début du séjour pour en distribuer à tout le monde. J’avais sous-estimé le travail. Je pensais en avoir fini en quelques heures et rentrer suffisamment tôt pour profiter des bonnes dispositions de ma charmante voisine de duvet. Mais le coq avait chanté depuis longtemps quand épuisé, je rentrai me coucher. Et je commençai à entendre les premières voix des participants qui se réveillaient.
J’étais de congé ce jour là et je pensais bien pouvoir en profiter pour une grasse mat’. J’ai tenu une bonne demi-heure. Puis je me suis relevé, allant m’asseoir sur un long banc. L’odeur du café qui se préparait chatouillait mes narines.
Il devait être un peu plus de sept heures. La chaleur commençait à monter sous les toiles, chassant les occupants de leurs duvets. Et chacun de parler, de rire, de crier, de faire du bruit.
Isabelle, la délicieuse animatrice, vint se serrer contre moi. Elle se tenait derrière moi, debout, ses bras autour de mon cou. Elle posa sa tête tendrement sur la mienne, petit geste d’affection.
- Tu as l’air fatigué.
Je sentais ses seins dans mon dos, me troublant un peu malgré ma fatigue. Elle ne portait en tout et pour tout qu’un long Tee-shirt.
Je pris tranquillement mon café, regardant parfois la belle qui allait et venait dans le camp. Dommage. Nous n’étions pas assez nombreux pour pouvoir prendre une journée de congé ensemble. J’aurais bien eu quelques idées pour l’occuper.
Je retournai à la tente, pris quelques affaires et le gros paquet de photos encore humides qu’il me faudrait faire sécher. J’hésitais à les confier à un des animateurs pour qu’il finisse le boulot. Trop de passage.
Je passai près d’Isabelle, lui pressant la main doucement :
- Je vais aller faire un tour. Trouver un coin sympa pour finir ma nuit.
- Ou la commencer plutôt, me fit-elle, malicieusement.
Le stade se trouvait à l’écart, à l’entrée de Castellane. Je pris la route, sans but défini. Un lieu attirerait bien mon attention.
Bruit de moteur. Un véhicule avançait, allant dans ma direction. Machinalement, je tendis le pouce.
Le combi Wolksvagen me dépassa et s’arrêta, faisant jouer les warnings. Des allemands, à l’immatriculation.
Le couple était souriant. Ils ne parlaient pas français et moi pas allemand. Nous nous entendîmes donc parfaitement.
D’un geste, ils me montrèrent l’arrière du véhicule, aménagé pour l’été. Ils avaient construit une sorte de caisson qui leur servait de chambre, laissant au dessus de celui-ci un vide où je pouvais m’allonger, pour profiter de la route malgré tout et parler avec eux.
Quelques mots d’anglais, trop rares à l'époque chez moi, et ils comprirent que je n’avais pas de destination. Cela parût les amuser.
Comment dit-on handicapés en anglais ? Youngs handicapeds. ? Youngs with problems in her body ? Disableds ? Ah, ok ! Youngs disableds. No, no work today ! Long night. I’ll want sleeping off.
Je compris qu’ils étaient en vacance dans la région mais revenaient de voir des amis dans le sud, vers la mer.
Nous ne restâmes pas longtemps ensemble. Un cri du cœur s’échappa de nos poitrines en même temps.
Un lac magnifique étalait ses eaux calmes. Je n’ai pas retenu le lieu exact, n’y étant jamais retourné depuis ce mois de juillet. Peut-être le lac de Castillon. Il ressemblerait à mon souvenir, d’après des photos vues sur le net. En tous cas, je me souviens bien qu’il faisait retenue pour un barrage EDF.
Je quittai ce couple charmant et à pied, je me dirigeai vers le lac. La chaleur commençait vraiment à monter.
Il devait être huit heures. Je longeai le lac, cherchant un lieu tranquille où me poser. Je n’avais pas pris de serviette ni de maillot et je n’avais jamais fait de naturisme. Qu’importe. Il n’y avait pas un chat.
J’ai dû marcher un bon quart d’heure pour trouver le lieu qui me convenait. Masqués par une dune sablonneuse, quelques rochers abritaient une sorte de crique au sable fin. J’étais invisible au reste du lac.
Il ne me fallut pas longtemps pour me retrouver nu et plonger dans les eaux fraîches. Pour la première fois de ma vie, j’éprouvai une sensation incroyable. L’eau glissait sur mon corps, et particulièrement sur mes hanches. Je ne saurais mieux décrire cette sensation. Mais tous ceux et celles qui ont déjà nagé nus vous le diront. C’est incomparable.
Je restai un moment à batifoler dans cette eau limpide. Puis je ressorti m’exposer au soleil. J’eus une pensée pour les photos qu’il me fallait faire sécher. C’était le moment d’en profiter.
Je pris donc le paquet et retournai rapidement au bord de l’eau. Une par une, je rinçai les photos et les ressortis.
J’ai dû ouvrir des yeux incrédules. Il faisait tellement chaud en cette heure matinale que ce simple geste m’amenait devant le visage des photos déjà parfaitement sèches.
Je glissai les photos dans mon sac, prit mon Walkman et m’allongeai sur le sable fin.
Ce furent des voix qui me réveillèrent. J’avais dû m’endormir en quelques secondes. La cassette était finie. J’ouvris les yeux, abrités par des lunettes de soleil.
Elles étaient trois, semblables à des anges, auréolées de soleil. J’eus un moment de gêne. Elles durent le sentir mais ne dirent rien. Je m’assis, un bras posé sur la cuisse opposée cachant pudiquement mon sexe. De l’autre, j’ôtai le casque inutile.
La plus âgée, dans les vingt-cinq ans, demanda dans un français très approximatif si elles pouvaient s’installer dans la petite crique. Suédoises ou norvégiennes, pensais-je.
Il n’y avait pas beaucoup de place et donc forcément, elles se retrouveraient assez proches de moi. J’eus un instant d’incertitude. Je n’étais pas particulièrement pudique mais j’étais nu avec trois superbes jeunes filles en robes d’été. Je voyais les bretelles de leurs bikinis, nouées autour de leur cou. Et je n’avais pas de maillot à me mettre. Tant pis, mon slip ferait l’affaire. J’acquiesçai.
Elles posèrent leurs sacs à deux mètres de moi, me remerciant d’un sourire.
Visiblement, deux étaient sœurs. Et la troisième, la plus âgée, aurait pu être leur cousine. J’appris plus tard que je ne m’étais pas trompé.
Ce fut la plus jeune qui retint mon attention. Elle était époustouflante de beauté. Ses longs cheveux blonds entouraient un visage ovale, tout en délicatesse. Et ses yeux étaient deux flaques d’eau. Une porcelaine.
Elle laissa glisser sa robe rouge, dévoilant un corps fin, blanc, que le hâle avait à peine commencé à dorer. Son maillot, rouge, lui aussi, soulignait ses formes.
Je retins mon souffle. La jeune fille glissa ses mains vers son maillot, une simple bande de tissu attachée de chaque côté par une ficelle. Elle le fit descendre doucement sur ses hanches.
Je ne m’attendais pas à cela. Les trois compagnes se déshabillèrent et se retrouvèrent nues en un instant. Naïvement, j’avais pensé qu’elles allaient garder leur maillot.
J’essayai de masquer mon trouble, et, lui tournant le dos, je tentai de rouler sur le ventre. Je m’allongeai, leurs serviettes tournées vers moi. La tête posée sur mes avants bras, caché par mes lunettes, je pouvais donc les regarder toutes les trois, discrètement.
Étrange sensation pour moi. Je n’avais jamais été nu ainsi. J’avais bien participé à deux ou trois bains de minuit, mais la lune drapait notre intimité d’un voile de pudeur.
Les deux plus âgées se dirigèrent vers l’eau. La plus jeune serra deux serviettes côte à côte et s’empara de la troisième. En deux pas, elle fût près de moi et me la tendit d’un sourire. Puis elle courut vers le lac. J’en profitai pour m’allonger, sur le ventre, sur cette serviette bienvenue.
Les trois jouèrent un moment dans l’eau, s’aspergeant, se pourchassant, dans de grandes éclaboussures. Je n’osai pas aller les rejoindre. La peau commençait à me chauffer mais je n’avais pas de crème et il m’était difficile de changer de position. Je ne risquais pourtant pas grand chose. Ma peau était cuivrée par le soleil. Merci à mes origines hispaniques. Quelques heures au soleil et je paraissais bronzé comme si j’avais passé ma vie au grand air.
Ce furent elles qui me firent un signe pour m’inviter à les rejoindre. Mais j’étais encore assez réticent. J’avais peur de ne pouvoir contenir un certain trouble.
Ce fût Ana, l’aînée, je crois, qui vint me prendre par la main pour me tirer vers l’eau. Je fus bien forcé de la suivre. Ce fût magique.
Une fois dans l’eau, toute appréhension me quitta. Nous étions comme des enfants, jouant, nous chamaillant…
Épuisés, nous sommes retournés à nos serviettes. Il n’y avait plus de gêne ni de trouble en moi. Je me suis senti libre. Être nu, debout ou allongé sur le dos, ou dans l’eau, avec trois inconnues m’a paru tellement naturel que vingt-cinq ans plus tard, j’en savoure encore tous les instants.
J’ai ainsi fait la connaissance d’Inge et Ana, deux sœurs et leur cousine Emelie, venues passer quelques semaines de congés en France.
Un peu plus tard dans la matinée, quelques cris joyeux ont annoncé l’arrivée d’autres vacanciers, heureux de découvrir une plage où ils pouvaient se mettre nus eux aussi. Nous nous sommes retrouvés ainsi à une vingtaine de personnes. Et j’étais parfaitement à l’aise.
Les trois suédoises ont partagé les quelques provisions qu’elles avaient amenées, moi-même étant venu sans rien. Elles repartaient deux jours plus tard dans leur pays. C’était leur dernière baignade en France.
Bien plus tard, la chaleur a commencé à baisser. La journée se finissait. Il me fallait retourner au camp. Pourtant, j’avais envie de prolonger cet instant.
Je n’ai jamais revu Inge, Ana et Emelie. Pourtant je pense souvent à elles, les remerciant chaque fois de m’avoir fait découvrir ce plaisir insoupçonné.
Le plus drôle, c’est que quelques jours plus tard, une animatrice est revenue ravie de sa journée de congé. Elle avait trouvé un petit lac où elle avait pu pratiquer le naturisme. A sa description, je pense qu’il s’agit du même.
Le lac était-il naturiste et j’étais arrivé au bon endroit par hasard ? Ou les gens avaient-ils prolongé mon geste ? Je ne l’ai jamais su mais vraiment peu importe. Je venais de découvrir un nouveau style de vie.
La nuit était noire depuis très longtemps quand je suis rentré au camp.