LES TROIS MOUSQUETAIRES CHEZ LES NATURISTES
par Roger Schaeffer
Chapitre dix-sept
Alors que le jour était à peine levé, j’entendis mon père qui m’appelait. Je m’élançai hors du lit. J’allais ouvrir la porte de la chambre quand je pris conscience que j’étais nu. J’enfilai juste un short, je descendis en sautant des marches. J’étais heureux. Était-ce parce que j’avais rêvé d’Armelle ou d’avoir dormi sans pyjama que je me sentais si bien? Je pétais la forme. Papa était au bas de l’escalier. Il avait son petit sourire moqueur, celui qu’il arborait quand il me préparait un mauvais coup.
– J’ai le journal. Viens voir ça. Tu ne vas pas le croire.
Je fronçais les sourcils. Pourquoi était-il si enthousiaste devant son article? Ce n’était pas la première fois qu’il écrivait en tant que pigiste. Avant cela, il attendait que nous soyons disposés à lire les souvenirs de ces vieux loups de mer ou les descriptions de bateaux. Qu’est ce qu’il y avait de si extraordinaire dans le journal? Il m’invita à entrer dans la cuisine.
Là, ce fut le choc : Denis se tenait debout près de la porte extérieure, un peu piteux. Bon, il n’y avait rien de bien étrange que mon copain soit ici. Il venait régulièrement me chercher pour faire du vélo. Mais il n’arrivait jamais si tôt. Et en plus à côté de lui son père tenait dans ses mains la fameuse revue érotique que nous avions consultée l’avant-veille. Je commençais à deviner le problème. Comment avaient-ils su que nous avions trouvé le magazine? Denis l’avait pourtant bien remis à sa place. Ma mère préparait le café. Elle jeta vers moi un œil interrogateur. J’avais l’impression d’être devant un tribunal. Je regrettais d’être descendu torse nu de ma chambre. On se sent plus vulnérable en étant à découvert. Je devais être rouge comme un coquelicot. Mon père, posant sa main droite sur l’arrière de mon cou m’indiqua de la gauche la revue.
– Pourrais-tu me dire si tu as déjà consulté cette revue?
Il n’avait pas l’air trop hostile en prononçant ces paroles, mais je me demandais bien où il voulait en venir.
– Oui je la connais, mais ce n’est pas moi qui l’ai pris.
– Non, on le sait, mais tu n’as pas fait ton signe de croix avant de la regarder. Personne ne t’a tordu un bras pour que tu y mettes ton nez.
– Mais ce n’est même pas une revue cochonne. Ce sont des gens normaux qu’il y a là-dedans.
Je ne sais pas pourquoi en prononçant «normal», je jetais un œil vers ma mère. Je supposais sans doute qu’elle aurait pu s’y retrouver. Je sentis qu’elle me renvoya un regard de compréhension. Je rajoutais donc.
– D’ailleurs, il y a des articles pour être en meilleure santé, cultiver un jardin bio et même une recette végétarienne. Ce n’est pas seulement des photos.
En parlant de la recette, j’avais presque eu envie de mentionner que la vieille dame ressemblait à ma grand-mère, mais je n’étais pas sûr que mes parents approuvent le lien. En me retournant, j’eus l’impression que mon père cherchait à cacher un début de sourire.
– Alors comme cela vous avez lu les articles?
Je baissais la tête.
– Non, on a juste regardé les photos.
– Et après la théorie, vous avez testé la pratique, je suppose.
C’était la cata. Nos parents savaient tout.
(à suivre)