Re: Histoire de Roger : Le monde à l'envers
Publié : 31 juil. 2018, 17:34
retrait La réaction de la salle sombra dans le délire. Les applaudissements fusèrent de partout. Les vieilles dames du club cherchèrent en vain des mouchoirs pour s’essuyer les yeux. Et Flavie ne cessa de répéter à son entourage « C’est ma petite fille, c’est ma petite fille. » « Comme si on ne le savait pas ! » se contenta de penser Lucille qui n’osait pas ce soir dire des méchancetés.
retraitAu bout d’un long moment et après qu’un grand nombre de spectateurs ait embrassé la petite Camille, on reprit le spectacle. Marie-Josèphe continua à enthousiasmer la salle avec des airs de la grande Joséphine. Elle en chanta une demie douzaine parmi lesquelles « La vie en rose », « Besame mucho » et d’autres . À chacune d’entre elles, on sentait l’émotion de Marie-Josèphe. Elle regardait son public et se disait. « Ce sont des blancs et pourtant Joséphine est leur idole. Ils connaissent encore toutes ses chansons par cœur. Ils lui ont donné la légion d’honneur, la croix de guerre, celle de la résistance et d’autres médailles. Et moi, là-dedans, moi la grosse négresse, ils m’aiment parce que je leur rappelle leur idole. » Elle eut bien du mal à finir la chanson « Ah ! Qu’il était beau Mon Village » tellement elle avait des larmes dans les yeux. Elle se retourna vers Luc pour lui dire qu’elle ne pouvait plus aller plus loin. Le jeune homme avança alors vers elle, suivi de Valérie, de Marcel, d’Erwan. La chorale de Monsieur Loupiot, Ginette comprise, attendait au bas de l’escalier. Le jeune homme leur fit signe de monter sur la scène puis Yannick, le mari de Marie-Josèphe, entonna sur son accordéon l’air sans doute le plus connu de la chanteuse : « J’ai deux amours ». Toute la salle accompagna le groupe sur scène. La seule personne qui ne put prononcer une seule parole fut la cuisinière tellement elle était émue. Elle enlaça Valérie à côté d’elle et pleura toutes les larmes de son corps.Il fallut plusieurs minutes de pause pour que l’on puisse reprendre le cours du spectacle.
retraitIl restait la chorale de monsieur Loupiot. Pendant que les participants cherchaient leur place sur la scène, le vieux monsieur s’adressa à la salle.
retrait— Eh bien, après le passage de notre amie et talentueuse cuisinière, Marie-Josèphe, je suis bien content que le concours ait été aboli. Nous n’aurions aucune chance de le gagner. Sa prestation a emporté tous les suffrages, j’en suis sûr. Pourtant, nous allons vous présenter une voix exceptionnelle, un contralto de haut rang, je veux parler de notre nouvelle amie Ginette. Comme il est tard, nous ne chanterons qu’une seule œuvre ce soir : Minuit Chrétien…
retraitIl allait continuer son discours lorsque son regard fut attiré par sa choriste préférée. Ginette lui lançait des signes désespérés pour attirer son attention. Lorsqu’elle fut sûre de l’avoir, elle leva le coude et mima en tenant le poing et le pouce vers sa bouche une personne en train de boire.
retrait« Oh sapristi, j’ai oublié le petit remontant », pensa-t-il tout en se tâtant le corps à la recherche du flacon d’alcool pour s’apercevoir dans le même temps qu’il était nu. Ses vêtements étaient restés à son bungalow. Il était désespéré. Comment allait-il se débrouiller ? Monsieur Loupiot, en bon naturiste, végétarien, buveur d’eau et abstinent ne connaissait pas l’expression « il y a un Bon Dieu pour les ivrognes ». Et le Bon Dieu, cette fois-ci, se manifesta dans la personne de Yannick. Ce dernier avait très bien compris le geste de Ginette et la déconvenue du vieux monsieur. Il vint à leur aide en les convoquant en arrière de la scène tout en surveillant que son épouse ne soit pas dans les parages. Il était chanceux : Marie-Josèphe se remettait de ses émotions dans le buffet de monsieur de Mongeau. Avec un petit rire malicieux, il sortit de la housse de son accordéon une bouteille de Kornog Sant Erwan 2012. Ginette sauta dessus comme la misère sur le pauvre monde. Heureusement, le chef de chorale la surveillait pour qu’elle ne dépasse pas la dose qu’il lui avait prescrite. Après une bonne lampée, Ginette dut rendre la bouteille à Yannick qui s’empressa d’en prendre lui-même une bonne gorgée. Puis monsieur Loupiot suivi de Ginette réapparurent sur le devant de la scène. Ils avaient tous les deux la figure rouge, l’un dû à la gêne, l’autre à l’alcool.
ppppppValérie s’installa au piano. Elle allait jouer pour la première fois de sa vie un chant catholique, mais qui ressemblait assez à ce qu’elle avait joué sur l’orgue du temple à Mobrac. Elle connaissait l’histoire de cet air qui avait été surnommé « la Marseillaise religieuse » à cause de son tempo quasi militaire. Elle n’avait pas joué plus d’une portée que des cris lui parvinrent de la salle. C’était Constance, la vieille dame du club de Lutèce qui avait insisté pour faire de la jeune fille sa prochaine Sainte-Vierge.
pppppp— Comment cela ? Comment cela ? Je proteste. On ne veut pas de crèche vivante pour le spectacle et pourtant vous chantez des chants de Noël. C’est une honte, un scandale.
pppppp Il fallut toute la diplomatie de Flavie, la présidente du club pour la calmer.
pppppp— Mais voyons, ce n’est pas la même chose. Un chant, ça se chante et ça s’écoute alors que ta crèche, on la regarde deux minutes et après qu’est-ce qu’on fait ? Et d’ailleurs, Luc te l’a dit. Nous sommes en septembre. On en reparlera à Noël et notre petite nouvelle, Valérie, sera très heureuse de participer à ce moment-là. N’est-ce pas Valérie ?
ppppppÀ voir la tête de la jeune fille, personne n’aurait pu jurer de sa réponse. Mais Flavie trouva une alternative.
pppppp— Tiens regarde ma petite Camille qui s’endort. Viens avec nous. Il est temps qu’on aille se coucher. Tu ne trouves pas ?
ppppppAprès le départ des deux vieilles dames et de la petite Camille, monsieur Loupiot fut découragé, car de nombreux spectateurs eurent l’idée de suivre leur exemple. Ginette ne se démonta pas pour si peu. Les vapeurs d’alcool commençaient à faire leur effet et elle entonna le « Minuit, chrétiens » sans attendre les autres . Valérie sauta quelques lignes de la partition afin de la suivre. Les membres de la chorale embarquèrent comme ils purent dans le chant et monsieur Loupiot se désola en temps que chef de chorale de n’avoir pu battre la mesure dès le départ. Il chercha à ramener ses choristes à plus de discipline, mais son contralto n’entendait rien de cette oreille et il fallut s’adapter. Heureusement, chacun retrouva sa marque et le chant se termina sous les applaudissements des derniers spectateurs.
ppppppLes membres de la chorale descendaient les marches de la scène. Le public aidait à ranger le buffet lorsque, d’une chaise au-devant de la salle, on entendit un cri. C’était Jeanine, la seule membre du club naturiste de Lutèce à ne pas avoir suivi sa présidente.
pppppp— Et alors, « L’artilleur de Metz », c’est pour bientôt ?
retraitAu bout d’un long moment et après qu’un grand nombre de spectateurs ait embrassé la petite Camille, on reprit le spectacle. Marie-Josèphe continua à enthousiasmer la salle avec des airs de la grande Joséphine. Elle en chanta une demie douzaine parmi lesquelles « La vie en rose », « Besame mucho » et d’autres . À chacune d’entre elles, on sentait l’émotion de Marie-Josèphe. Elle regardait son public et se disait. « Ce sont des blancs et pourtant Joséphine est leur idole. Ils connaissent encore toutes ses chansons par cœur. Ils lui ont donné la légion d’honneur, la croix de guerre, celle de la résistance et d’autres médailles. Et moi, là-dedans, moi la grosse négresse, ils m’aiment parce que je leur rappelle leur idole. » Elle eut bien du mal à finir la chanson « Ah ! Qu’il était beau Mon Village » tellement elle avait des larmes dans les yeux. Elle se retourna vers Luc pour lui dire qu’elle ne pouvait plus aller plus loin. Le jeune homme avança alors vers elle, suivi de Valérie, de Marcel, d’Erwan. La chorale de Monsieur Loupiot, Ginette comprise, attendait au bas de l’escalier. Le jeune homme leur fit signe de monter sur la scène puis Yannick, le mari de Marie-Josèphe, entonna sur son accordéon l’air sans doute le plus connu de la chanteuse : « J’ai deux amours ». Toute la salle accompagna le groupe sur scène. La seule personne qui ne put prononcer une seule parole fut la cuisinière tellement elle était émue. Elle enlaça Valérie à côté d’elle et pleura toutes les larmes de son corps.Il fallut plusieurs minutes de pause pour que l’on puisse reprendre le cours du spectacle.
retraitIl restait la chorale de monsieur Loupiot. Pendant que les participants cherchaient leur place sur la scène, le vieux monsieur s’adressa à la salle.
retrait— Eh bien, après le passage de notre amie et talentueuse cuisinière, Marie-Josèphe, je suis bien content que le concours ait été aboli. Nous n’aurions aucune chance de le gagner. Sa prestation a emporté tous les suffrages, j’en suis sûr. Pourtant, nous allons vous présenter une voix exceptionnelle, un contralto de haut rang, je veux parler de notre nouvelle amie Ginette. Comme il est tard, nous ne chanterons qu’une seule œuvre ce soir : Minuit Chrétien…
retraitIl allait continuer son discours lorsque son regard fut attiré par sa choriste préférée. Ginette lui lançait des signes désespérés pour attirer son attention. Lorsqu’elle fut sûre de l’avoir, elle leva le coude et mima en tenant le poing et le pouce vers sa bouche une personne en train de boire.
retrait« Oh sapristi, j’ai oublié le petit remontant », pensa-t-il tout en se tâtant le corps à la recherche du flacon d’alcool pour s’apercevoir dans le même temps qu’il était nu. Ses vêtements étaient restés à son bungalow. Il était désespéré. Comment allait-il se débrouiller ? Monsieur Loupiot, en bon naturiste, végétarien, buveur d’eau et abstinent ne connaissait pas l’expression « il y a un Bon Dieu pour les ivrognes ». Et le Bon Dieu, cette fois-ci, se manifesta dans la personne de Yannick. Ce dernier avait très bien compris le geste de Ginette et la déconvenue du vieux monsieur. Il vint à leur aide en les convoquant en arrière de la scène tout en surveillant que son épouse ne soit pas dans les parages. Il était chanceux : Marie-Josèphe se remettait de ses émotions dans le buffet de monsieur de Mongeau. Avec un petit rire malicieux, il sortit de la housse de son accordéon une bouteille de Kornog Sant Erwan 2012. Ginette sauta dessus comme la misère sur le pauvre monde. Heureusement, le chef de chorale la surveillait pour qu’elle ne dépasse pas la dose qu’il lui avait prescrite. Après une bonne lampée, Ginette dut rendre la bouteille à Yannick qui s’empressa d’en prendre lui-même une bonne gorgée. Puis monsieur Loupiot suivi de Ginette réapparurent sur le devant de la scène. Ils avaient tous les deux la figure rouge, l’un dû à la gêne, l’autre à l’alcool.
ppppppValérie s’installa au piano. Elle allait jouer pour la première fois de sa vie un chant catholique, mais qui ressemblait assez à ce qu’elle avait joué sur l’orgue du temple à Mobrac. Elle connaissait l’histoire de cet air qui avait été surnommé « la Marseillaise religieuse » à cause de son tempo quasi militaire. Elle n’avait pas joué plus d’une portée que des cris lui parvinrent de la salle. C’était Constance, la vieille dame du club de Lutèce qui avait insisté pour faire de la jeune fille sa prochaine Sainte-Vierge.
pppppp— Comment cela ? Comment cela ? Je proteste. On ne veut pas de crèche vivante pour le spectacle et pourtant vous chantez des chants de Noël. C’est une honte, un scandale.
pppppp Il fallut toute la diplomatie de Flavie, la présidente du club pour la calmer.
pppppp— Mais voyons, ce n’est pas la même chose. Un chant, ça se chante et ça s’écoute alors que ta crèche, on la regarde deux minutes et après qu’est-ce qu’on fait ? Et d’ailleurs, Luc te l’a dit. Nous sommes en septembre. On en reparlera à Noël et notre petite nouvelle, Valérie, sera très heureuse de participer à ce moment-là. N’est-ce pas Valérie ?
ppppppÀ voir la tête de la jeune fille, personne n’aurait pu jurer de sa réponse. Mais Flavie trouva une alternative.
pppppp— Tiens regarde ma petite Camille qui s’endort. Viens avec nous. Il est temps qu’on aille se coucher. Tu ne trouves pas ?
ppppppAprès le départ des deux vieilles dames et de la petite Camille, monsieur Loupiot fut découragé, car de nombreux spectateurs eurent l’idée de suivre leur exemple. Ginette ne se démonta pas pour si peu. Les vapeurs d’alcool commençaient à faire leur effet et elle entonna le « Minuit, chrétiens » sans attendre les autres . Valérie sauta quelques lignes de la partition afin de la suivre. Les membres de la chorale embarquèrent comme ils purent dans le chant et monsieur Loupiot se désola en temps que chef de chorale de n’avoir pu battre la mesure dès le départ. Il chercha à ramener ses choristes à plus de discipline, mais son contralto n’entendait rien de cette oreille et il fallut s’adapter. Heureusement, chacun retrouva sa marque et le chant se termina sous les applaudissements des derniers spectateurs.
ppppppLes membres de la chorale descendaient les marches de la scène. Le public aidait à ranger le buffet lorsque, d’une chaise au-devant de la salle, on entendit un cri. C’était Jeanine, la seule membre du club naturiste de Lutèce à ne pas avoir suivi sa présidente.
pppppp— Et alors, « L’artilleur de Metz », c’est pour bientôt ?