Histoire de Roger : Le monde à l'envers

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roger
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retrait La porte palière s’ouvrit lentement. Elle vit un homme sortir de l‘ascenseur. Mais comme elle cherchait à reposer le pied sur la marche qu‘elle venait de quitter, celle-ci craqua. L’inconnu qui allait frapper à la porte de la jeune fille se retourna. C’était l’oncle Marcel. Il ouvrit des yeux étonnés en découvrant Valérie dans l’escalier avec une femme sur le palier au-dessus d’elle.

retrait — Oh bonjour, ma chérie. Je venais justement chez toi. Je suis chanceux de te trouver là. Je voulais te dire... Oh ! bonjour Madame. J’espère que je ne vous dérange pas.

retrait Ginette regardait l’homme. Elle se demanda ce qu’il aurait bien pu penser de sa nièce s’il était arrivé silencieusement chez elle. « Alors, c’était donc cela le fameux oncle Marcel. » Un assez bel homme, plus âgé que Ginette, mais qui présentait bien. Il avait encore tous ses cheveux. Il devait les teindre, car ils étaient d’un blanc éclatant qui contrastait avec le teint hâlé de son visage. C’était sans doute un homme assez riche qui voyageait souvent dans des destinations du sud. Il respirait la bonne santé financière. Elle était surprise comme il lui parût sympathique. Ce n’était pas dans ses habitudes d’apprécier les hommes. Elle lui répondit par un signe de tête, mais elle resta muette. Ce fut Valérie, un pied sur chaque marche, qui brisa la glace en les regardant tour à tour.

retrait — Oh ! Vous ne vous connaissez pas. Ginette, je vous présente mon oncle Marcel. Enfin ! Ce n’est pas mon oncle, mais... Marcel, c’est Ginette, ma voisine du dessus. J’étais monté pour...

retrait Elle regarda avec étonnement la robe de chambre qu’elle tenait encore collée sur sa poitrine. Puis soudain, la porte de son logement s’ouvrit et Jean-Michel, attiré par le bruit, apparut, tout étonné de voir le monde dans l’escalier.

retrait — Maman ! Qu’est-ce que tu... Oh ! Oncle Marcel ! Viens ! Justement, je suis en train de jouer à Four Crime. Allez, viens.

retrait — Attends mon garçon. Je suis venu pour un instant.

retrait L’oncle Marcel n’était pas disposé à quitter l’escalier. Il regardait Ginette en haut. C’était une femme dans la cinquantaine. Les cheveux courts, l’allure masculine. Elle portait encore son sac avec cinq ou six bouteilles à l’intérieur. Ses yeux se reportèrent sur sa nièce qui semblait figée dans l’attitude du coupable pris sur le fait. Il reprit le contrôle en s’adressant à Valérie.

retrait — J’ai essayé de t’appeler, mais je n’ai pas eu de réponses. Ma voiture est en panne. Elle est dans le garage de mon immeuble et elle refuse de démarrer. J’ai appelé une agence de locations. Pas une seule voiture de disponible pour la fin de semaine. Je me demande comment on va pouvoir aller au camping.

retrait Valérie eut un instant d‘espoir. Elle regarda sa voisine du coin de l’œil. Il suffirait de proposer à l’oncle de garder Jean-Michel et ainsi la fameuse petite soirée entre filles aurait lieu. Mais le garçon tenait à sa fin de semaine chez les nudistes. Il tenait surtout à revoir ses deux copains de la piscine.

retrait — Tu disais que l’on pouvait y aller en autobus.

retrait — Oui, c’est vrai Jean-Michel. J’ai dit cela, mais ce n’est pas tout proche quand même. Si je connaissais quelqu’un ayant une voiture ici à Paris, je l’emprunterais.

retrait — Moi, j’en ai une.

retrait Tout le monde se retourna étonné vers le haut de l’escalier. C’était Ginette qui venait de prononcer ces paroles. L’oncle Marcel hésita à répondre.

retrait — Et vous seriez prête à nous la passer ? Je vous dédommagerais au même tarif que les agences de location, vous savez.

retrait — Il y a seulement un petit problème. C’est que mon assurance ne reconnaît qu’un seul chauffeur, moi-même. Je devrais donc prendre le volant pour vous y emmener et revenir vous chercher pour le retour aussi. Est-ce loin d’ici ?

retrait Valérie eut un éclair de génie. « Pourquoi ne pas faire d’une pierre deux coups », pensa-t-elle. Elle coupa la parole à Marcel qui s’apprêtait à répondre.

retrait — Mais Ginette, pourquoi ne resteriez-vous pas avec nous au camping durant toute la fin de semaine ? Ce serait une occasion magnifique pour... Comment disiez-vous cela tout à l’heure ? ... Pour mieux se connaître. Non ?

retrait L’oncle Marcel approuva la proposition de sa nièce.

retrait — Et en plus, ma chère Ginette, si vous me permettez de vous appeler par votre prénom, cela ne vous coûtera pas un sou. C’est moi qui régale.

retrait Ginette fit une demi-grimace devant la proposition. Elle était bien tentée d’approfondir sa connaissance de la petite voisine. À la campagne, on peut toujours s’isoler pour cela, « le soir au fond des bois » comme le disait un poème appris il y avait longtemps à l’école. Et la proposition du « Marcel » était bien tentante, elle aussi. Ses sorties dans les boîtes de nuit, ses vêtements de cuir et sa consommation de pineau lui coûtaient cher. Se faire gâter pour une fois, même par un homme, ne serait pas de refus.

retrait — Je serais tentée de répondre par oui, mais je suis allergique au mot « camping ». Me voir entrer à quatre pattes dans une tente, non merci.

retrait L’oncle Marcel se mit à rire de bon cœur.

— Moi non plus, je n’ai plus l’âge pour me mettre à quatre pattes. Quand je disais camping, c’est en pensant à un confort sommaire, mais tout de même pas inexistant. J’ai loué une cabine avec de vrais lits . Non, vous verrez. Nous serons comme à la maison.

retrait Ginette regarda Valérie puis Marcel. Ils avaient dans leur regard l’espoir qu’elle accepte. C’était moins évident chez l’enfant. Il boudait devant le refus de son oncle de venir jouer à son jeu et l’invitation par sa mère d’une étrangère au fameux camping ne semblait pas non plus lui faire plaisir. Il aurait sans doute voulu avoir son oncle et sa mère à lui toute la fin de semaine. Il sentait bien que la femme en haut de l’escalier n’était pas aussi manipulable. C’est presque pour cela que Ginette accepta la proposition.

retrait — Eh bien, d’accord pour le camping. Cela fait des années que je n’ai pas quitté les trottoirs de Paris. Un bon bol d’air à la campagne ne devrait pas me faire de mal. Et si je m’intoxique à l’oxygène, j’ai un médicament pour me guérir.

retrait En prononçant la dernière phrase, Ginette jeta un coup d’œil à son sac à provisions. Puis elle posa sa main sur la poignée de porte tout en se retournant une fois encore.

retrait — Ah oui, à quelle heure demain ? Je finis au bureau à cinq heures.

retrait Ce fut Marcel qui répondit.

retrait — Eh bien, ma chère Ginette, nous vous attendrons chez ma nièce. Il vous suffira de venir cogner à la porte. Allez, je file. Je suis invité à un cocktail ce soir, chez une amie, Adeline de Mongeau. La mère de tes deux copains, Jean-Michel, tu te souviens d’elle à la piscine ? Valérie, j’arriverai dans l’après-midi et toi, mon grand, nous aurons toute la fin de semaine pour jouer à ton jeu vidéo. J’espère bien te battre, cette fois-ci.

retrait Le garçon regarda avec dépit son oncle descendre les marches. Valérie pensa avec horreur que si l’oncle Marcel était monté à pied, elle aurait été prise en flagrant délit. Sa voisine de son côté regrettait déjà sa fin de semaine. L’enfant et l’oncle seraient collés à la jeune fille. Elle ne pourrait rien faire. Ce fut le garçon qui brisa le silence.

retrait — Maman, tu as encore cette vieille robe de chambre qui pue. Veux-tu que je la descende au recyclage ?

retrait Valérie, gênée, regarda sa voisine. Celle-ci cligna des yeux pour lui signifier son assentiment puis elle ouvrit sa porte.

retrait — Bon, eh bien, à demain soir vous deux. Passez une bonne nuit, Valérie.

retrait La jeune fille regarda sa voisine refermer avant d’entamer la descente. Elle passa toute rougissante devant son fils qui attendait soupçonneux qu’elle ait descendu quelques marches avant de retourner à son jeu. Elle se demanda si toutes les mères étaient ainsi sous la coupe de leur enfant. Mais elle sentait bien qu’elle ne représentait pas la majorité des femmes. « Je suis sûr que Ginette, si elle avait eu des enfants, ne se serait pas laissé ainsi mener. » Puis elle trouva son exemple mal choisi. « Ginette ne se laisserait mener par personne, même pas par un homme. » Elle regrettait maintenant d’avoir invité Ginette. Elle avait peur qu’il y ait des flammèches entre elle et Marcel. Pire, son fils pourrait piquer une de ses colères dont il était coutumier lorsque l’entourage ne le considérait pas comme le centre d’attraction du monde. Elle soupira en ouvrant la porte du recyclage. Au moment de jeter le peignoir dans la poubelle au couvercle jaune, elle hésita puis se ravisant, elle pensa retourner chez Ginette. Finalement, elle cacha la robe de chambre en arrière d’une poubelle. Elle en parlerait à sa voisine. Puis elle remonta préparer le souper .
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roger
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retrait Au-dessus d’elle, Ginette dans sa cuisine fixait un regard vide sur son four à micro ondes. Elle attendait patiemment comme chaque soir que celui-ci lui annonce que son hachis parmentier avait atteint la température adéquate. En attendant elle sirotait son apéro favori mais son esprit était ailleurs. En fait Ginette était dans tous ses états. Elle repensait à cette histoire de camping. Comment avait-elle pu s’embarquer dans un truc pareil ? Le camping, le camping ! Comme si une telle activité pouvait être encore à la mode au vingt et unième siècle. Quel genre de hippies retardés pouvaient s’adonner à ce genre de loisirs ? Il y avait eu les congés payés dans les années trente qui ne pouvaient faire autrement, vu leur moyen financier. Et puis il y avait eu les années soixante. Ginette regarda avec une certaine nostalgie cette vague de libération sexuelle. Elle en avait bien profité, la Ginette. Après quelques expériences de « touche-pipi » au collège, elle avait ressenti l’appel du Seigneur et était rentrée novice dans un couvent. « Quand je pense que je voulais devenir bonne sœur ! C’est à peine croyable. » Mais c’est vrai que le livre de Diderot, « La religieuse », avait peut-être influencé sa décision. C’est au couvent qu’elle avait connu le baptême du feu. Elle pensa à Valérie. À l’époque, c’était Ginette la « petite oie blanche » sous l‘emprise des religieuses. Et puis il y avait eu mai 68. Elle était étudiante en services sociaux. Un soir, au lieu de rentrer au couvent, elle avait suivi des jeunes comme elle. Déjà à l’époque, elle buvait. Et ce soir-là, elle avait bu plus que de raison. Après le café, le groupe s’était joint à une manifestation. Le lendemain, dans le bureau de la mère supérieure, celle-ci lui présenta une photo à la une d’un grand journal. Ginette, toute nue au milieu d’un groupe d’étudiants, cherchait à monter en arrière d’une statue équestre. La seule chose qu’elle avait gardée sur elle était sa coiffe de novice. C’est ainsi que s’était terminée sa vocation religieuse . Les turpitudes se faisaient derrière les murs du couvent, pas à l’extérieur. C’était comme cela qu’elle avait interprété le discours moralisateur... et hypocrite de la mère supérieure. Tout en cherchant une fouchette dans l'évier, Ginette se demanda bien pourquoi elle repensait à cette époque. Elle fit une pause puis... « Ah oui, le camping ! » Munie de sa valise, elle avait dû se chercher un toit. Il n’était pas question qu’elle retourne chez ses parents. Ils seraient déjà assez mortifiés de la voir mise à la porte du couvent. Heureusement, une idée miraculeuse avait germé à peine rendue dans la rue. Une de ses professeures semblait avoir jeté un œil favorable à la petite novice. Ginette obtenait les meilleures notes dans son cours. Elle lui avait même donné son numéro de téléphone personnel au cas où l’étudiante aurait eu besoin de plus d’explications. À peine plus âgée que ses étudiants, la prof participait à la manifestation de la veille. Ginette courut dans un café et l’appela au téléphone. Son appel fut reçu avec enthousiasme. Ginette ne s’était pas trompée sur ses intentions. Celle-ci l’invita à participer à une occupation du cimetière du Père-Lachaise. Pour quelles raisons ? Ginette ne s’en souvenait pas et d’ailleurs les forces antiémeutes ne semblaient pas en connaître la raison non plus puisqu’au bout de trois jours, les étudiants faute de combattants durent cesser d’eux-mêmes leur occupation. C’était donc dans ce cimetière qu’elle avait connu trois jours de camping, mais surtout sa première compagne, celle qui lui avait permis de finir ses études. Au bout de ces trois jours, elle avait conclu que le camping, ce n’était pas pour elle. Il faisait froid sous la tente. Heureusement, Louise avait eu la bonne idée de réunir les deux sacs de couchage et ainsi elles avaient pu dormir collées l’une à l’autre. Il y avait eu aussi les bruits inquiétants du cimetière. Des hiboux ou peut-être des choucas, enfin des bêtes bizarres avaient hurlé toute la nuit. Ginette avait pensé aux morts-vivants et si cela n’avait pas été de sa compagne qui par ses caresses l’emportait au septième ciel, elle se serait enfuie dès le premier soir.

retrait« Ah non, le camping, ce n’était pas pour elle. » Heureusement, le fameux « oncle Marcel » lui avait promis une cabine. « J’espère qu’ils ont du chauffage dans ces cabines. » Puis elle se rappela de Louise, sa prof. Le froid serait une bonne excuse pour se coller à sa voisine. « Encore faudrait-il que le petit monstre ne soit pas là. » Il devinait tout, lui.

retraitAprès souper, Ginette décida d’aller faire un petit lavage au sous-sol. Deux chandails, son ensemble de jogging qu'elle n'avait jamais eu l'occasion d'enfiler, ce serait idéal pour circuler dans un camping. Au moins, elle aurait l’air de faire partie de l’équipe. Valérie avait dû mettre la robe de chambre au recyclage. Ginette pensa à la récupérer. Elle la découvrit en arrière d’une poubelle. La jeune fille n’avait pas osé la jeter. Sans doute, elle la lui aurait rendue plus tard. Pourquoi ne pas la laver avec les autres affaires ? C’était vrai qu’elle sentait fort le parfum ambré pour homme. En regardant son linge tourner dans le lave-linge, elle pensa beaucoup à son statut de lesbienne. Autrefois, ses cheveux courts, ses manières masculines, son odeur ambrée, ses vêtements en cuir, tout cela avait contribué à faire d’elle ce qu’elle était, à l’identifier auprès d’autres jeunes filles qui partageaient ses goûts. Mais aujourd’hui, cet uniforme qu’elle se donnait n’avait plus un pouvoir d’attraction auprès de ses consœurs plus jeunes. Il était plutôt sujet aux moqueries des hommes et de la majorité des femmes. À la fin du cycle de lavage, elle avait décidé de s’habiller plus sobrement. Demain pour aller au camping, elle se mettrait en robe, chose qu’elle n’avait pas faite depuis bien longtemps. Cela ne l’empêcherait pas de regarder quand même « du côté des jeunes filles en fleurs. » Qui sait si son succès auprès de sa petite voisine ne se répéterait pas au camping. Lorsqu’elle remonta, en passant devant l’appartement de Valérie, elle l’entendit supplier son fils de venir souper. Ginette sourit en secouant la tête. « Pauvre petite chérie, pensa-t-elle, elle n’a vraiment pas le contrôle sur son entourage. Je vais m‘occuper d‘elle à l‘avenir. » Puis Ginette s’enferma chez elle. Ses souvenirs de couvent lui avaient donné une idée : elle allait visionner son film culte : Ilsa, la louve des SS.
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retrait À l’étage au-dessous, Valérie désespérait de son fils. Elle l’avait appelé une douzaine de fois pour manger, mais il ne décollait pas de son jeu.

retrait— Si tu ne viens pas, j’annule la sortie. Je te préviens. J’ai juste à appeler Marcel et c’est fini. Tiens, je vais monter voir Ginette pour lui dire qu’on n’a plus besoin de sa voiture.

retraitJean-Michel se traîna jusqu’à la table, s’assit et sortit son petit sourire ironique .

retrait— Petite maman chérie, je sais que tu ne le feras pas.

retrait— Ah non ? Tu crois cela ? Pourtant j’ai une bonne raison de le faire.

retrait— Tu as peur de te mettre toute nue devant les autres . C’est cela ta raison ?

retrait— Non. Enfin oui si tu veux.

retraitLa vraie raison, elle ne pouvait pas la donner à son fils. Elle venait de se rappeler que le samedi matin, Jean-Michel allait d’habitude chez les scouts. Elle aurait pu profiter de son absence pour monter chez Ginette et là... Mais c’était trop tard.

retrait— Jean-Michel n’oublie pas d’appeler ton chef scout . Samedi tu seras au camping. Oh sapristi !

retrait— Quoi maman ? Qu’est-ce qu’il y a ?

retrait— Non, rien.

retraitValérie venait de réaliser qu’ils avaient parlé à Ginette de camping sans préciser la nature de celui-ci. Ginette ne savait pas qu’il s’agissait d’un camping naturiste. Comment allait-elle prendre cela ? La jeune fille pensa un moment monter au-dessus la prévenir, mais sa voisine pourrait se méprendre sur sa visite. Il valait mieux laisser faire . Comme disait le proverbe, « Rendu sur le bord de la rivière, on décidera si on la traverse. » Valérie aussi allait avoir de la difficulté à se mettre nue. Jusqu’à tout dernièrement, elle prenait son bain ou se changeait sans penser plus loin devant Jean-Michel, mais il devenait grand. Et là-bas, au camping, il y aurait d’autres gens, des adultes et en particulier l’oncle Marcel. Comment réagirait-elle ? Après la soupe, la jeune fille servit des sandwiches. C’était la nourriture préférée de son garçon. Il pouvait retourner jouer à ses jeux vidéo tout en mangeant. Elle débarrassa la table, laissa traîner la vaisselle dans l’évier et s’affala dans son fauteuil le reste de la soirée. Puis soudain, alors qu’elle s’était décidée à se coucher, elle s’arrêta à la chambre de son fils.

retrait— Michou, oh excuses-moi chéri. Jean-Michel, as-tu appelé ton chef scout pour samedi ?

retrait— Non, je n’ai pas eu le temps. Je vais le faire demain.

retrait— Quand tu vas l‘appeler, dis-lui que tu vas faire du camping.

retrait— Bien oui, pourquoi ?

retrait— Mais tu n’es pas obligé de lui dire que le camping, c’est... Comment dire ?

retrait— Tout nu, oui, oui, je sais. Oncle Marcel m’a déjà parlé de ça. Ne t’inquiète pas ma petite maman chérie. Je sais tout ça.

retrait— C’est parce qu’il y a des gens qui ont un problème avec la nudité. Tu comprends ?

retrait— Oui, oui maman. Mais là, je suis sur un coup difficile dans mon jeu. Veux-tu, on en reparlera demain.

retrait— Ta grand-mère à Mobrac.

retrait— Qu’est-ce qu’elle a, grand-maman ?

retrait— Eh bien, elle fait partie des gens qui ont un problème avec la nudité.

retrait— Attends, je mets sur pause. Oui pourquoi elle a un problème grand maman ?

retrait— Eh bien, quand elle était petite fille, elle a passé plusieurs années en Afrique, au Dahomey. Ton arrière grand-père, son papa était pasteur dans une mission et à cette époque là.

retrait— Oui je sais. J’ai déjà vu ses photos. Alors ?

retrait— L’Église réformée n’admettait pas que les gens se promènent tout nus même là-bas où il fait très chaud.

retrait— Pourquoi ?

retrait— Eh bien, à cause du péché d’Adam et Ève, je crois. Alors quand ton arrière grand-père baptisait le monde, ton arrière grand-mère et ta grand-mère aussi leur faisaient mettre un pantalon ou une robe .

retrait— C’était débile.

retrait— Oui mon chéri, c’était débile, mais c’était ainsi. Tu comprends pourquoi il ne faudra pas parler du camping à ta grand-mère... Et aussi à ton chef scout et à d’autres gens. Ils ne comprendraient pas. Sur ce, je vais me coucher. Ah oui, j’oubliais. La voisine, on a oublié de lui dire pour le camping.

retrait— Hein ! On va rire quand elle va nous voir tout nus.

retrait— Bon, bien là. Je me couche.

retrait— Oh attends maman. Une minute. Sais-tu ce que j’aimerais faire plus tard ?

retrait— Non quoi ?

retrait— Pasteur.

— Hein ! Comme ton arrière-grand-père ?

retrait— Oui, mais moi. Ce serait dans l’église naturiste. Après le baptême, les gens repartiraient nus.

retrait— Petit comique. Allez bonne nuit mon chéri.

retraitValérie, en allant se coucher de bonne heure, avait pensé vivre, entre les draps douillets, son fantasme de la veille. Mais la conversation avec son fils l’avait rendue rêveuse. Elle était fière de son fils. Il était éveillé pour son âge. Il savait faire de l’humour et à part son petit côté égocentrique, c’était un enfant positif et équilibré. Fréquenter l’oncle Marcel et pourquoi pas la voisine devrait lui faire prendre conscience de la vie autour de lui. Il apprendrait à leur côté à quoi pouvait ressembler le vrai monde. Elle éteignit et s’endormit l’esprit en paix.
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LE MONDE A L’ENVERS
de
Roger Schaëffer
CHAPITRE QUATRE

retrait Le lendemain était un jour de semaine, c’est-à-dire un jour de stress. Il fallait prendre sa douche, déjeuner, préparer les lunchs du midi, accompagner son fils à l’école...

retrait— Dis mon chéri, pourrais-tu aller seul à l’école aujourd‘hui ?

retraitJean-Michel avala tout rond sa bouchée de pain.

retrait— Oui maman et tous les jours aussi. Qu’est-ce qu’il y a ? Tu es stressée à cause de ce soir ?

retrait— Oh mon Dieu, les sacs ! J’ai oublié les vêtements pour le camping.

retrait— Maman ! On va être tout nu tout le temps.

retrait— O K, pas de vêtements. C’est mon fils de dix ans qui mène la baraque. Le monde à l’envers ! Bon, dépêche-toi ! On va être en retard.

retraitLe temps de dévaler quatre à quatre les escaliers, de déposer un bisou sur la joue rosie par la gêne de son fils, de monter dans l‘autobus, Valérie était rendue à son bureau prête à l’attaque. Elle était sous-titreuse depuis quelques années dans une boîte de films documentaires . Le travail était routinier, mais elle passa pourtant la journée à faire des erreurs. Son aventure avec Ginette et son prochain « baptême naturiste » lui donnaient des sueurs froides. Heureusement, son chef de service, un petit bonhomme maigrichon et chauve, avait des indulgences pour sa toute jeune employée. Il y avait parfois des avantages à être jeune et jolie . Lorsqu’il lui faisait son baratin de mauvais dragueur, Valérie était toujours restée polie et réservée. Elle profitait aujourd’hui de sa bienveillance. Six heures sonnèrent alors qu’il lui parlait d’un tout nouveau film de James Bond. Timide, il n’osait pas demander à la jeune fille de l’accompagner. Elle en profita pour lui souhaiter une bonne soirée au ciné et pour disparaître en courant.

retraitLorsqu’elle pénétra enfin dans son logement, elle découvrit Ginette, assise dans le fameux fauteuil, entourée par deux gros sacs alors que son fils et l’oncle étaient dans la chambre en train de jouer au jeu vidéo.

retrait— Pauvre Ginette, ils vous ont plantée là. Voulez-vous un apéritif, quelque chose ?

retrait— Non, j’en ai déjà pris un... ou peut-être deux chez moi avant de descendre. Mais Valérie puis-je vous demander quelque chose. Nous nous connaissons maintenant pas mal... enfin vous voyez ce que je veux dire. Nous pourrions peut-être nous tutoyer. Qu’en pensez-vous ?

retraitLe teint ivoirin de la rouquine Valérie passa au rouge flamboyant. Pour elle, tutoyer Ginette, c’était comme entrer dans son intimité, devenir sa chose. Mais soudain, elle remarqua que sa voisine portait une robe d’été, imprimée de fleurs, une robe comme sa mère en portait. Pour la première fois, elle n’était pas en pantalon. Même ses cheveux avaient changé. Elle y avait ajouté un ruban fait du même tissu que la robe .

retrait— Vous... Vous... Tu as mis une robe. C’est joli.

retrait— Ah ! Que veux-tu ? L’appel de la campagne, le grand air, le camping, mais aussi ton oncle Marcel. Il est tellement chic. Je ne voulais pas lui faire honte.

retrait— Et bien, moi aussi, je vais mettre une robe. Si tu veux bien m’excuser. Tu ne veux vraiment pas un apéritif en attendant.

retrait— Non, non. J’ai déjà pris mon quota pour aujourd’hui et de toute façon, j’ai mes réserves dans mon sac si je suis en manque. Allez, va te changer, ma chérie.

retraitValérie ne pouvait pas être plus rouge en entendant Ginette l’appeler « sa chérie ». Heureusement, son fils et son oncle étaient trop occupés par leur jeu. Elle fila dans sa chambre. Elle n’osa pas fermer la porte. Ginette avait suivi. Quelle robe allait-elle choisir ? Ce fut Ginette qui d’autorité lui imposa le choix.

retrait— Ta robe soleil, là dans ta garde-robe. Ce serait parfait pour la campagne.

retrait— Oui, c’est vrai. Ici à Paris, je ne la porte jamais. L’été à Mobrac, je viens d’un village qui s’appelle Mobrac, c’est ma tenue ordinaire. Tu as raison. Je vais la mettre.

retraitValérie hésita un instant avant de se déshabiller. Mais elle se trouva stupide. Ginette l’avait déjà vue nue dans des circonstances bien particulières. Elle n’avait pas à jouer les pudiques aujourd‘hui. C’était ridicule. De toute manière, dans quelques heures, elles seraient nues l’une et l’autre, et ceci devant tous les campeurs. C’était maintenant à la voisine de se sentir gênée. Elle dut régurgiter sa salive tellement elle était énervée par le spectacle. Ginette admirait à la lumière du jour ce joli petit corps de rousse à la peau si blanche que l’on aurait cru à de la porcelaine, ce corps qu’elle avait si amoureusement exploré l’autre nuit. Elle aurait aimé caresser encore un peu ces jolies petites courbes, mais le bruit dans la chambre à côté l’en empêchait. Ces deux-là pouvaient surgir d’un instant à l’autre. C’était un risque. Tout en fixant le couloir qui menait à la chambre du garçon, elle s’approcha insensiblement de Valérie. Son cœur battait la chamade tellement elle était excitée et la jeune fille qui s’apprêtait à enfiler la robe semblait suspendre son geste pour lui laisser une chance de la toucher. Ginette n’était qu’à quelques centimètres de l’objet du désir lorsque soudain un cri pareil à celui d’un animal que l’on égorge traversa les tympans de tous les habitants de l’immeuble. L’oncle Marcel venait de perdre sa partie de Four Crimes contre son neveu Jean-Michel. Ginette n’eut que le temps de retraiter vers la porte de la chambre de Valérie quand celle du garçon s’ouvrit. Jean-Michel en sortit et se dirigea en direction de celle de sa mère.
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roger
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retrait — J’ai gagné, j’ai gagné. Marcel a perdu, maman. Marcel a... Oh, tu t’habilles. Tu devrais mettre la robe soleil, tu sais, celle que tu portais cet été à Mobrac.

retrait Après l’excitation provoquée par la présence de la voisine, Valérie retrouvait une attitude sereine en présence de son garçon. Elle ne s’était jamais cachée de lui lorsqu’elle se changeait ou lorsqu’elle prenait sa douche. Il n’avait jamais ressenti de son côté de curiosité malsaine. Souriante Valérie lui montra la robe soleil étalée sur son lit.

retrait — Ginette a eu la même idée que toi. Vous avez raison. Je vais la mettre.

retrait Alors qu’elle soulevait les bras pour enfiler la robe par-dessus sa tête, l’oncle Marcel apparut dans le cadre de porte. À la vue de sa nièce, il siffla.

retrait — Eh bien, ma nièce dans son état de nature. Vous êtes bien jolie mademoiselle.

retrait La voisine était abasourdie. Ni le garçon ni l’oncle ne semblaient poser sur la jeune fille un regard libidineux. Ils la regardaient comme si cela était naturel de se promener nu. Elle eut presque honte de sa propre attitude.

retrait — Allez ! Mesdames et toi, mon garçon, il faut se presser sinon le restaurant du camping sera fermé. Ma chère Ginette, permettez-moi de vous appeler par votre prénom, sans resto, nous serions obligés de chasser notre pitance dans la forêt et de la cuire sur un feu de bois improvisé. Ce serait pire que de rentrer à quatre pattes dans une tente. Ah ! Ah ! Ah !

retrait Valérie acheva de s’habiller et la petite troupe suivit l’oncle Marcel dans le salon. Voyant deux sacs, il pensa que c’était ceux de sa nièce et de sa voisine. L’un d’entre eux était plus lourd. Il entendit des bouteilles s’entrechoquer. « Celui-là doit appartenir à la Ginette », pensa-t-il. Il avait deviné à l’haleine de la dame qu’elle avait un penchant pour les boissons alcoolisées. C’était un problème qu’il avait connu lui aussi à une certaine époque. Depuis, il était membre d’un groupe d’entraide aux alcooliques. « Si je peux, j’essaierai de lui en glisser un mot », pensa-t-il. Ginette était une femme dans la cinquantaine et à part son allure hommasse, elle paraissait sympathique. On sentait chez cette femme-là que l’on n’était pas obligé de faire des circonvolutions, des minauderies. « Une femme de tête, j‘aime ça », se dit-il, « La fin de semaine devrait être agréable à nous quatre. » Lorsque Valérie, toute menue apparut dans le cadre de porte de sa chambre, vêtue de sa robe soleil, avec en arrière Ginette qui la dépassait facilement de deux têtes, Marcel eut l’impression de voir la mère et la fille. Il connaissait la véritable mère de la jeune fille. Elle ne ressemblait pas à Ginette, au contraire. Elle était aussi petite que sa fille, mais avec un caractère plutôt sévère, interprétant la bible comme le livre saint d’un Dieu vengeur et terrible. Notre passage sur terre ressemblait, selon la vieille femme, à une antichambre de l’enfer. Marcel pensait quand il la visitait qu’elle aurait été mieux chez les cathares que dans l’église de Calvin. Au moins, la voisine de Valérie, malgré son penchant pour la boisson, serait une bonne fréquentation. Elle saurait lui apprendre à être plus ferme avec son fils qui, Marcel l’admettait en son for intérieur, était assez souvent égocentrique même si c’était un gentil bonhomme. En même temps, si Ginette buvait, c’est sans doute qu’elle avait des faiblesses. Elle était donc plus humaine que la vieille madame Michelet, persuadée de posséder la vérité. Non, Marcel le croyait vraiment. Ginette pouvait avoir une bonne influence sur sa nièce. Sur ce, il empoigna les deux sacs et se prépara à sortir.

retrait — Allez les filles ! En avant. On part pour une fin de semaine de décontraction totale et de plaisir fou, fou, fou.

retrait Jean-Michel le regarda en fronçant les sourcils.

retrait — Et moi, tonton. Tu ne me dis pas en avant.

retrait — Ah, pour toi, je ne vais pas le dire, mais plutôt le chanter :

retrait Debout les gars ! Réveillez-vous, y va falloir en mettre un coup.
retrait Debout les gars ! Réveillez-vous, on va au bout du monde.


retrait — Je la connais, cette chanson. On la chante chez les scouts.

retrait — C’est sûr, mon garçon, où penses-tu que je l’ai apprise ? J’ai été scout avant toi. Allez, tous en chœur !

retrait L’oncle Marcel, suivi de sa nouvelle troupe, sortit de l’appartement en chantant à tue-tête les paroles d’Hugues Aufray. Jean-Michel et sa mère l’accompagnèrent et le bruit fut tel dans l’escalier que la voisine de Ginette, la vieille dame à l’air sévère, sortit sur le palier au-dessus d‘eux. L’oncle Marcel, tout en chantant, lui fit un salut de la tête. Ginette, elle, ne connaissait pas les paroles et surtout ne voulait pas les chanter. Elle fit une grimace qui ressemblait à une excuse à la vieille dame tout en tournant sur son crâne un doigt tendu pour bien lui signifier qu’ils étaient fous. La voisine, en reconnaissant Ginette, resta estomaquée. Elle connaissait les « mœurs coupables » de celle-ci et là, dans sa robe sage d’une autre époque et son fichu qui cachait ses cheveux « à la garçonne » elle ne l’avait pas reconnue. Elle disparut dans son appartement.
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retrait Avant d’atteindre la voiture, ils passèrent devant la salle des bacs de recyclage. Comme l’oncle et son fils avaient pris de l’avance, Valérie dans un souffle chuchota à Ginette.

retrait— J’ai caché votre peignoir. Si vous voulez...

retrait— Oui, oui. Je sais. Je l’ai même mis à laver.

retraitDans un geste d’amitié et de remerciement, Ginette posa sa main sur les hanches de Valérie. Jean-Michel, qui s’inquiétait de ne pas les voir arrivées, rouvrit la porte du garage pour les appeler et fut témoin du geste de la voisine.

retrait— Mam... !

retrait— Oui, j’arrive. Euh ! Nous arrivons.

retraitLe garçon avait refermé la porte. Les deux femmes se regardèrent en silence et pressèrent le pas pour franchir les derniers mètres avant le garage. Marcel était près de la voiture de Ginette.

retrait— Ma chère Ginette. J’ai reconnu votre voiture. Il y a des signes qui ne trompent pas.

retraitLa voisine fronça les sourcils. À l’intérieur, deux bouteilles vides de pineau traînaient sur le plancher et sur le siège avant, à côté de celui du chauffeur, elle avait laissé une casquette en cuir. Le pire, lorsqu’elle ouvrit le coffre pour qu’il y dépose les sacs, elle s’aperçut que le fouet qu’elle cherchait depuis quelque temps était là à la vue de tous . Elle eut honte. Entre son penchant pour l’alcool et celui pour le cuir, elle se demanda lequel était le plus gênant aux yeux de Marcel. Pour la première fois de sa vie, elle s’inquiétait de l’opinion d’un homme. Valérie attendait près de la porte avant droite pour s’asseoir, mais Marcel lui signifia qu’il préférait prendre la place. Il devait indiquer à Ginette la direction à suivre. La jeune fille s’assit donc à l’arrière, à côté de son fils. Celui-ci avait son petit air boudeur. Elle présuma qu’il n’appréciait pas le geste de la voisine. Il lui faudrait être plus discrète à l’avenir.

retrait— Es-tu bien assis mon chéri ? N’oublie pas de mettre la ceinture.

retrait— Ça pue l’alcool là-dedans et aussi l’odeur du vieux peignoir que t’as jeté au recyclage.

retraitGinette, assise au volant, fit mine de ne pas entendre. Marcel, qui revenait de jeter les deux bouteilles vides dans une poubelle proche répondit au garçon.

retrait— Dès que nous serons sortis du garage, tu pourras ouvrir ta fenêtre. Tu verras que les rues de Paris ne sentent pas la rose non plus. Pourtant tu y vis depuis ta naissance, mon cher .

retraitGinette remercia d’un coup d’œil silencieux son voisin. En sortant la voiture de son emplacement, elle sourit intérieurement à la pensée qu’elle appréciait pour une deuxième fois en si peu de temps l’attitude d’un homme. Y aurait-il des exceptions dans la race masculine ?

retrait— Mon cher Marcel, je suppose que si vous m’appelez par mon prénom, vous m’autorisez à en user de même pour vous. Non ?

retrait— Mais bien sûr ma chère Ginette, nous allons nous côtoyer toute la fin de semaine. J’ajouterais que ce serait même plus simple que nous nous tutoyons également.

retraitGinette n’était pas trop partante pour autant de familiarité avec un homme, mais il y a un début à tout. Une certaine amitié avec l’oncle ne pourrait qu’être bénéfique pour sa relation avec la nièce. Elle aurait plus de difficultés à se lier avec le « petit monstre à roulettes », mais qui sait ce que l’avenir lui réservait. Elle reprit donc la conversation avec son voisin.

retrait— Alors, mon cher Marcel. Pourrais-tu me donner tes instructions quant à la direction à prendre ?

retrait— Oh, c’est bien simple. Dirige-toi vers le boulevard de Verdun. Le quai du président Paul Doumer ensuite.

retrait— Pour prendre l’autoroute 14 ?

retrait— Tu as tout compris. Il suffira après d’atteindre la nationale 12.

retrait— Tu peux dormir, mon cher copilote. Je connais la route.
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retrait Marcel profita de son « congé » pour s’informer du confort des passagers à l’arrière.

retrait— Valérie, pas trop stressée par la grande aventure que nous allons vivre ensemble durant cette fin de semaine ?

retrait— Non pas du tout. Je te fais confiance et d’après Jean-Michel, je n’ai pas à m’inquiéter. N’est-ce pas, mon chéri ?

retraitMarcel regarda dans le rétroviseur son neveu. Celui-ci ne pipait mot . Il avait son petit air boudeur qui n’augurait rien de bon. L’oncle décida de dérider l’atmosphère. Dans son enfance, les parcours en voiture étaient l’occasion de chanter en chœur. Il allait reprendre cette agréable coutume.

retrait— Tout à l’heure dans l’escalier nous avons chanté une chanson scoute. J’en ai une autre . La voulez-vous ?

retraitIl n’y eut que Valérie pour répondre avec enthousiasme. Son fils boudait encore et Ginette jeta un coup d’œil inquiet à son voisin. Elle n’avait pas l’habitude d’exprimer sa joie de vivre avec autant de fougue, mais elle était prête à faire des efforts. Si elle voulait se rapprocher de la nièce encore plus, il lui fallait accepter les débordements de l’oncle.

retraitCelui-ci se retourna à demi vers l’arrière.

retrait— Allez ! Tout le monde en chœur.
J’aime tes grands yeux
Couleur de noisettes
Qui ressemblent aux phares
De ma camionnette
Oh U, Oh Ursule
D’amour pour toi
Mon cœur brûle
...

retraitValérie qui connaissait la chanson accompagna son oncle en duo. Jean-Michel fixa le regard à l’extérieur du véhicule, sur l’accotement de la chaussée. Mais Marcel ne se découragea pas. Celui-ci vit même un début de sourire chez son neveu lorsqu’il entama le couplet sur les pieds : « J’aime tes grands pieds, qui sentent le fromage, le fromage râpé qu’on met dans le potage. » Quant à Ginette, elle s’essaya timidement à chanter, mais on voyait que ce n’était pas dans ses habitudes. Elle bafouillait, s’accrochait aux paroles et souriait pour s’excuser de ses maladresses. Au bout de quelques couplets, l’oncle préféra en rester là. Il n’avait pas vraiment réussi à dérider le garçon. Il s’adressa à sa voisine.

retrait— Puis Ginette, où en sommes-nous dans notre voyage.

retrait— Nous arrivons bientôt à la nationale 12. J’attends vos prochaines, euh ! Je veux dire tes prochaines instructions.

retrait— Tu n’as pas à t’inquiéter. Nous en avons pour au moins une heure sur la 12.

retrait— Mais ce n’est pas la porte à côté ton truc là, ton camping. Heureusement que je ne fais pas l’aller et retour ce soir.

retrait— Un camping, il faut que ce soit à la campagne si l’on veut bien profiter de l’air pur.

retraitMarcel, en prononçant ces paroles, jeta un œil ironique vers son neveu. Mais celui-ci était toujours plongé dans la contemplation de la chaussée. Si Valérie et son oncle avaient pu deviner les pensées de l’autre, ils auraient été surpris qu’elles eussent le même sujet de réflexion : Jean-Michel. Si l’oncle était malheureux de voir le garçon bouder pour une histoire d’odeur, la jeune fille, elle, était plus inquiète, car elle savait que c’était plus sérieux. Il avait vu le geste de Ginette dans le couloir du sous-sol. Avait-il deviné la relation entre les deux femmes ? Était-il même au courant des pratiques étranges que les adultes parfois entretenaient entre eux ? Il avait dix ans. C’était la frontière entre l’innocence de l’enfance et les découvertes de l’adolescence. Oui, Valérie était inquiète. Elle connaissait son fils. Elle connaissait ses soudaines colères lorsque le monde autour de lui ne tournait pas à sa façon . Elle eut l’idée de lui passer la main dans les cheveux, mais elle réprima son geste. Arrivé au camping, il rencontrerait ses deux copains. Il sera alors plus conciliant. Valait mieux le laisser ruminer dans son coin pour maintenant. La jeune fille avait toujours eu du mal à affronter les conflits. C’était la même chose pour Ginette. Elle n’avait pas osé lui dire que le camping était naturiste. Elle avait peur de sa réaction. Elle-même se demandait quelle serait la sienne. Seul l’oncle Marcel paraissait un habitué de cette pratique. Jean-Michel était revenu lui aussi de la piscine enthousiasmé, mais qu’en sera-t-il dans un camping ? Pour toutes les décisions difficiles, elle avait le même leitmotiv : « Rendu sur le bord de la rivière... »

retraitSur ce, Valérie s’assoupit. La voiture lui faisait toujours cet effet-là. Elle reprit conscience que lorsqu’elle sentit sous les roues de la voiture les cahots d’un petit chemin de terre. Ils étaient rendus. Son fils était lui aussi somnolent. Ginette, toujours au volant, attendait l’ouverture d’un grand portail de tôle. L’oncle Marcel était descendu et sonnait une cloche pour se faire ouvrir. La jeune fille remarqua sur la droite un grand panneau qui annonçait le nom du camping. En haut, il était écrit « camping naturiste » en lettres plus petites, mais Ginette ne semblait pas avoir vu l’annonce. Elle chantonnait vaguement les paroles de la chanson de l’oncle tout en battant la mesure sur le volant. « Oh U, Oh Ursule, d’amour... » Au moins pour l’instant, elle était détendue. Les yeux au ciel, Valérie pensa à la fameuse phrase de la mère de Napoléon : « Pourvou qu’ça doure. » Elle jeta un œil à son fils. La citation le concernait lui aussi. Un jeune homme, torse nu, mais portant un pantalon de jogging apparut dans l’entrebâillement du portail. Marcel le renseigna sans doute, car il fit un signe d’accueil à Ginette et écarta les battants de la porte pour laisser passer la voiture. Le véhicule rendu à l’intérieur, il referma le portail et indiqua à la conductrice un stationnement près d‘un chalet d‘accueil.
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LE MONDE A L’ENVERS
de
Roger Schaëffer
CHAPITRE CINQ


retrait Le moteur éteint, tout le monde sortit de la voiture. Jean-Michel avait oublié sa bouderie. Il regardait les alentours. Valérie était plus intéressée par la musculature du jeune homme et se demandait comment elle allait réagir en le voyant sans son pantalon. Cette réflexion la rassura. Sa petite expérience de l’autre soir n’était pas irrémédiable. Ginette, après s’être détendus les muscles se retourna vers un petit sentier et poussa un cri d‘effroi. Tout le monde regarda dans la même direction. Deux jeunes garçons de l’âge de Jean-Michel venaient d’apparaître. Mais ce qui avait provoqué la surprise de Ginette, c’est qu’ils étaient nus. Elle se retourna vers Valérie et lui lança une réflexion qui allait devenir légendaire.

retrait— Ah ben ! Ils sont culottés ces deux-là. Enfin, non justement.

retraitLe cri de Ginette avait attiré l’attention de Jean-Michel qui en voyant les deux garçons poussa lui-même un cri, mais cette fois de satisfaction.

retrait— Philippe ! Antoine ! Maman ! C’est eux. Tu sais mes copains de la piscine.

retraitValérie leur fit un sourire et hocha de la tête en direction de son fils pour lui faire comprendre qu’elle avait compris. « Quand je pense que l’autre matin, j’ai eu l’espace d’un instant un doute sur l’âge des dénommés Philippe et Antoine. Mais aujourd’hui, elle avait bien devant elle deux garçons d’une dizaine d’années. Ginette de son côté n’en revenait tout simplement pas de les voir dépouillés de tout vêtement.

retrait— J’ai l’impression qu’ils vont recevoir une sacrée correction lorsque leur mère va les prendre dans cette tenue. Ah oui ! Je suis sûre de cela.

retraitElle arborait un sourire presque sadique en pensant à son fouet caché dans le fond de son coffre de voiture. Mais elle n’eut pas le temps de jouir très longtemps de cette pensée cruelle, car une femme apparut du sentier à la suite des deux enfants. Ginette en resta pantoise. Elle aussi était nue. Mais ce n‘était pas sa nudité qui figeait Ginette. C’était son incroyable beauté, un corps parfait, proportionné comme on ne le voyait que dans les magazines de mode . Sa première compagne, Louise, la prof qui l’avait aidée à terminer ses études en échange de privautés était une belle femme, digne de remporter des concours de miss . Mais Ginette devait reconnaître que la nouvelle venue avait non seulement un corps parfait, mais aussi une prestance que l’on voyait rarement. Ce qui ne gâtait rien, c’était son bronzage uniforme qui contrastait si bien avec la blondeur de ses cheveux. Ginette dut régurgiter sa salive plusieurs fois avant de pouvoir réagir. Jean-Michel ne paraissait aucunement surpris par la nudité de la femme : il prit le contrôle de la situation.

retrait— C’est la maman de mes copains .

retraitLa maman de ses... ! Comment une femme aussi belle pouvait-elle avoir accouché de deux enfants et garder une silhouette de déesse ? Ginette n’en revenait tout simplement pas. La femme passa en avant de ses enfants et toute souriante s’avança vers Ginette pour se présenter.

retrait— Madame, permettez-moi. Je suis Adeline de Mongeau, la maman de Philippe et Antoine. Je voudrais vous féliciter. Votre fils, l’autre soir à la piscine a été d’une gentillesse et d’une politesse que l’on voit rarement. Oh oui, vraiment ! Je vous félicite.

retraitGinette resta figée telle la statue de sel dans la Bible. Elle laissa la femme lui serrer la main sans réagir. Jean-Michel qui n’était pas encore impressionné à son âge par la beauté des femmes voulut corriger la méprise.

retrait— Mais ce n’est pas elle ma maman. Elle est ici ma mère.

retraitIl le déclara avec force et esquissa même une grimace tellement il était choqué que l’on confonde sa mère avec cette femme, la voisine d‘en haut. Adeline de Mongeau regarda tour à tour les deux femmes et prit un air offusqué, posant ses deux mains jointes sur sa poitrine nue comme si elle voulait prier. Elle s’adressa tout d’abord à Ginette.

retrait— Mon Dieu ! Excusez-moi. Je suis impardonnable. Je n’oserai plus faire de pronostics. Seriez-vous parente avec l’enfant, la grand... ? Non, je ne dirai rien. C’est assez d’une erreur.

retraitPuis elle se tourna vers Valérie.

retrait— Alors comme cela, vous êtes la maman de ce charmant garçon. Je disais justement à Marcel. Il est son oncle, je crois, ou... quelque chose comme cela. Je disais donc l’autre jour que Jean-Michel devait avoir une maman très jolie. Et je vois que je ne me suis pas trompée. Mais mon Dieu, vous avez l’air si jeune. Qui dirait que vous avez un si grand garçon ?

retraitGinette n’était plus subjuguée par la beauté de la femme. Son erreur de personne et son caquetage commençaient à l’énerver. Revenue à la réalité des choses, elle s’inquiétait de voir cette femme et ces deux enfants dans un état de nudité plus qu’indécent. Pourtant Valérie et son fils ne semblaient pas plus surpris que cela. Elle allait avoir une réponse bientôt. L’oncle Marcel sortait du chalet d’accueil. Les yeux plongés dans des formulaires d’inscription et visiblement préoccupé, il ne vit pas Adeline de Mongeau et ses deux enfants. Il s’adressa à Ginette, Valérie et Jean-Michel sans même les regarder.

retrait— Bon les amis, comme vous le savez, j’avais réservé un bungalow à l’avance, mais j’ai oublié que l’on ne peut coucher que deux personnes. Il n’y a pas de bungalows pour quatre personnes de libres . J’ai donc dû en louer un second pour deux autres personnes. Nous nous partagerons les bungalows donc. Allez, Ginette, prenez le volant. Le jeune homme va nous diriger vers notre emplacement. Ah tiens ! Adeline, je ne vous avais pas vue. Et vous les enfants, en forme ? On se voit au restaurant tout à l’heure ?

retraitGinette avait embarqué dans la voiture. Mais elle était très énervée. Il y avait quelque chose qu’elle ne comprenait pas. Elle serrait avec force le volant. Lorsque Marcel eut monté dans la voiture, elle éclata.

retrait— Est-ce que quelqu’un va pouvoir m’expliquer pourquoi cette femme et ses enfants se baladent devant nous avec les fesses à l’air ? Je veux savoir.

retraitMais Ginette n’était pas au bout de ses surprises. Le jeune homme sortait du chalet et après avoir fermé la porte, il se débarrassa sans aucune gêne de son pantalon de jogging, le pendit à un crochet à l’entrée puis fit signe à Ginette qu’il allait la précéder sur le petit sentier et lui indiquer l’emplacement des deux bungalows. Elle avait vu tout le tintouin du jeune homme sans que celui-ci ou même les trois autres occupants soient autrement surpris de cette attitude. Ce fut l’oncle Marcel qui dut lui donner une réponse. Il regarda tour à tour Ginette furieuse et Valérie toute rouge de honte.

retrait— Mais Ginette personne ne t’a avertie ? Le camping est naturiste. Cela veut dire que les gens...

retrait— Oui, je sais. Cela veut dire que le monde se promène avec les bijoux de famille à la vue de tous . Excusez-moi, je ne suis pas stupide.

retrait— Ginette, je comprends que vous soyez, enfin que tu sois en colère. Mais tout cela est arrivé l’autre soir. Je suis allé avec Jean-Michel dans une piscine... Enfin Valérie, tu aurais pu... Ginette, si tu veux repartir, je ne t’en voudrai pas. Dimanche soir, on appellera un taxi et l’on prendra l’autobus tout simplement.

retrait— Est-ce que je suis obligée de me mettre nue moi aussi ?

retrait— Eh bien, pas vraiment. En principe, les nouveaux ont droit à un délai de grâce. C’est sûr que toute une fin de semaine, c’est beaucoup, mais j’expliquerai ton cas si quelqu’un pose des questions. Du moment que tu ne te promènes pas sur le terrain avec un col roulé, un bonnet de laine et un manteau qui descend jusqu’au pied, cela ira. Disons que l’on t’accorde un léger vêtement. Allez, souris, tu m’inquiètes.
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Re: Histoire de Roger : Le monde à l'envers

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retrait Ginette démarra. Le jeune homme marchait en avant pour leur montrer le chemin. Elle aurait eu de la difficulté à l‘admettre devant témoins, mais en son for intérieur elle avouait que cette belle paire de fesses musclées lui faisait de l’effet . « Mais les fesses un peu molles d’une jeune fille comme sa petite voisine avaient plus d’attrait tout de même. » Roulant au pas, elle avait le temps de penser. D’abord, admirer pendant deux jours sa Valérie en état de nudité allait être agréable. À cela s’ajoutait la séduisante Adeline. Il y aurait en outre d’autres jeunes filles dans ce camping. Au moins, c’était un avantage que la noirceur des boîtes de nuit à Paris ne lui avait jamais donné. Pour ce qui était de sa propre exposition, non merci. À plus de cinquante ans, il n’était pas question d’enlever un seul morceau de tissu. Lorsqu’ils arrivèrent en vue des bungalows, elle se souvint qu’ils allaient être deux par module . En jetant un œil sur Valérie, très vite, elle proposa sa solution.

retrait— Comme nous devons nous partager les cabines, je suggère les garçons d’un côté, les filles de l’autre .

retraitValérie hocha la tête en guise d’acquiescement. Elle chercha à cacher un début d’enthousiasme, mais elle allait déchanter très vite.

retrait— Non pas question. Moi, je couche avec ma mère, un point c’est tout.

retrait— Mais mon chéri, je croyais que tu aimerais cela être avec ton oncle. Tu pourras même jouer à ton jeu, comment tu l’appelles, ah oui, Four Crimes.

retrait— Bien oui, Jean-Michel. Tu me dois une revanche. Allez, on jouera toute la nuit si tu veux.

retrait— Non, non, non. Moi, je dors avec ma mère . C’est tout .

retraitLes trois adultes se regardèrent en silence. Ginette chercha à ne pas montrer son sentiment. Elle resta imperturbable, mais l’image de son fouet lui tourna plusieurs fois dans la tête. Valérie était malheureuse. Elle regardait tour à tour son fils puis l’oncle Marcel. Ce dernier ne savait quoi faire. Il regardait Ginette et se voyait mal partager le lit avec une femme qu’il connaissait à peine. Mais c’était la seule solution . Il prit son sac de voyage, puis celui contenant les bouteilles de Ginette et alla les déposer en silence dans le premier bungalow. Ginette le suivit avec son autre sac.

retrait— Ah, c’était à vous le deuxième sac ?

retraitSans s’en rendre compte, l’oncle Marcel avait repris le vouvoiement. Ginette le suivit.

retrait— Oui, habituellement je porte des vêtements dans un camping. Il me manquait un petit détail en ce qui concerne le vôtre.

retrait— Oui, je comprends. Désolé pour la méprise. Savez-vous quoi ? (il regarda par la fenêtre) Cet enfant, Jean-Michel. Je l’adore. Chaque année, je me fais une joie de venir le gâter. Mais aujourd’hui, j’aurais envie de l’étrangler.

retrait— L’étrangler, ce serait un peu drastique, mais si vous voulez, j’ai un fouet dans le coffre.

retrait— Ah oui, j’ai cru le remarquer. Vous aimez cela, ces gadgets ?

retrait— Oui, tout dépend de la personne avec qui je suis. Cela vous choque ?

retrait— Non pas du tout ma chère Ginette. Nous n’avons qu’une vie à vivre et du moment que cela se fait avec des personnes adultes et consentantes... Je suis d’accord. Moi par contre, je suis pour la douceur, les caresses. Vous savez, je ne suis plus très jeune. J’ai perdu de ma vigueur. Lorsque je veux... Comment dire... m’amuser. Eh bien, je dois le programmer à l’avance. J’utilise les fameuses petites pilules bleues. Cela prend environ une heure. Ce n’est pas très romantique. Oh, ne vous inquiétez pas, ma chère . Je n’en ai pas avec moi de ces pilules miracles. Vous ne serez pas dérangée cette nuit. Bon trêve de confidences. Nous allons au restaurant. En ce qui me concerne, j’ai l’intention de me mettre en tenue de nature. Pour vous, une serviette longue, un paréo, quelque chose de léger fera l’affaire. Mais si vous voulez mon avis. De ce que je devine de votre personne, vous n’avez pas à cacher vos charmes.

retrait— Je pourrais mettre mon peignoir.

retrait— Votre... ah oui ! Le peignoir que ma nièce tenait dans ses bras lorsque nous nous sommes rencontrés dans l’escalier. Le même qui dérangeait le nez sensible de mon neveu.

retrait— Oui, c’est cela. Je l’ai lavé. Il ne sent plus.

retrait— Eh bien ! Pourquoi pas ? Les naturistes utilisent quelquefois des peignoirs lorsque la température est fraîche. Nous sommes en fin de saison et personne ne s’en troublera. Allez ! Je me déshabille.

retrait— Vous... Vous déshabiller ? Là, devant moi ?

retrait— Ginette ! Voyons donc ! Dans une minute, vous allez me voir tout nu, là dehors et ensuite au restaurant.

retrait— Oui je sais, mais le fait d’enlever vos vêtements, je trouve cela... Comment dire ? Indécent.

retrait— D’accord ! Je vais sortir dehors, me déshabiller et comme cela vous ne serez pas choquée par mon... effeuillage.

retraitMarcel sorti, Ginette procéda à son propre « effeuillage ». Le mot lui rappelait ses premières virées avec Louise, sa compagne de l’époque. Elles étaient allées dans une petite boîte de nuit, pour femmes seulement, qui venait d’ouvrir. Ce soir-là, la propriétaire organisait un concours d’effeuillage amateur. Louise toujours enthousiaste pour vivre de nouvelles expériences avait embarqué. Ginette, plus réservée, ne voulait pas, mais à la fin du concours, comme Louise avait gagnée, elle invita son amie sur la scène et sous les encouragements des spectatrices Louise avait effeuillé sa jeune compagne. Ginette se rappelait toujours cette expérience avec un mélange de nostalgie et de regrets. Aujourd’hui, c’était trop tard. Elle n’avait plus le corps d’une effeuilleuse.

retraitLa robe enlevée, elle se demanda si elle ne garderait pas sous la robe de chambre sa petite culotte et son soutien-gorge, mais elle se douta que ce n’était pas convenable. Toute nue elle chercha un miroir dans la pièce, mais il n’y en avait pas. Les naturistes n’étaient pas narcissiques. Marcel frappa à la porte et demanda où elle en était rendue. Ginette sursauta et s’empressa d’enfiler le peignoir. Puis elle prit une grande respiration, compta jusqu’à trois et ouvrit la porte.

retraitMarcel lui faisait face. Il était nu. Mais il tenait ses vêtements en boule sur le ventre. Elle ne vit donc rien. Comment cela ? Pourquoi avait-elle eu le réflexe de regarder à cet endroit ? Elle, une lesbienne affirmée ! Marcel, un sourire sardonique sur les lèvres, s’effaça pour la laisser passer. Il avait remarqué le petit coup d’œil furtif de Ginette. Il rentra dans la cabine pour y déposer ses vêtements et lorsqu’il ressortit, elle lui tournait le dos pour ne pas le voir.

retrait— Vous savez Ginette, ce n’est pas une curiosité malsaine cela. C’est juste un réflexe normal. Comme le regard est attiré le soir par une fenêtre allumée, on cherche des yeux à découvrir ce qui nous a été caché depuis toujours. Après quelque temps, on ne fait plus attention à ce détail, pas plus qu’au nez, aux yeux ou à tout autre élément du corps humain . C’est l’un des avantages du naturisme. On n’est plus obnubilé par le sexe. Cela me rappelle une anecdote. J’étais dans le sud de la France, à Toulon plus exactement. Il y avait là une séance de piscine naturiste. Ce soir-là, une nouvelle famille s’était inscrite. Le père et son jeune fils jouaient à la balle. Je me souviens leur avoir plusieurs fois relancé le ballon. Après la piscine, j’étais au café avec d’autres membres et dans la discussion, plusieurs firent remarquer que le père portait un Prince Albert vous savez ce que...
retrait— Oui je sais ce que c’est.
retrait— Vous voyez, Ginette. Je n’avais pas une seule fois jeté un œil sur l’anatomie du monsieur. C’est cela être un vrai naturiste. Vous verrez, quand vous serez venu plusieurs fois, cela ne vous fera ni chaud ni froid de voir un homme dans le plus simple appareil... ni une femme aussi d’ailleurs (il eut son même petit sourire narquois en ajoutant cela). Allez, allons rejoindre ma nièce et mon neveu. Mon Jean-Michel doit être excité par l’idée de montrer le naturisme à sa mère. Tiens, ils ne sont pas encore sortis de la cabine. Bizarre ! Valérie, Jean-Michel, êtes-vous prêts ? On va au restaurant.
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retrait Ils entendirent du remue-ménage puis le visage de Valérie apparut à la fenêtre.

retrait— Euh ! Pouvez-vous partir en avant ? Nous avons un petit truc à régler Jean-Michel et moi.

retraitMarcel leva le bras pour signifier qu’il avait bien entendu puis avec le même, il invita Ginette à le suivre. Elle resta prudemment quelques pas en arrière de lui. Ils restèrent un moment sans parler puis Marcel se mit à rire.

retrait— Le truc à régler de ma nièce, je suppose qu’elle est morte de trouilles. Elle n’ose pas sortir et exposer sa nudité devant le monde. J’imagine Jean-Michel, les fesses à l’air, en train de la supplier de sortir. « C’est facile maman, qu’il doit lui dire, être nu c’est comme être habillé, mais sans vêtement. » Ah ! Ah ! C’est à peu près ce qu’il lui a dit lorsque nous sommes revenus de la piscine naturiste. Nous allons bien rire quand elle va arriver au restaurant, rouge comme une tomate. Puis, vous ma chère Ginette, allez-vous marcher toujours ainsi en arrière de moi ? Comment trouvez-vous mes fesses ? Ah, c’est sûr qu’elles n’ont pas l’attrait de la jeunesse. Notre ami de tout à l’heure à l’accueil était mieux pourvu, mais j’ai de beaux restes. Non ? Il faut dire que je m’entraîne. Le naturisme, ce n’est pas seulement de se mettre nu. Sinon, nous appellerions cela du nudisme. Non, nous pratiquons l’hébertisme entre autres choses. Il faut entretenir le corps qui nous a été prêté pour le temps de notre vie. Cela ne nous empêche pas de respecter les autres, moins bien sculptés par le grand artiste de l’univers. En enlevant nos vêtements, nous enlevons aussi toutes les différences de classes sociales. Nous respectons la nature bien sûr. Nous mangeons sainement. Ah, justement, nous arrivons au restaurant. Bon, est-ce que les autres nous suivent ? Non ? Mais qu’est-ce que vous avez ? Ah oui, c’est vrai vous n’aviez pas encore vu un homme dans toute sa vérité. Bon, eh bien, rentrons. En les attendant, nous prendrons l’apéro.

retraitGinette avait bien du mal à rester calme. L’oncle Marcel avait tout de suite repéré le petit coup d’œil qu’elle avait jeté sur le bas ventre de son compagnon de chambrée. Elle n’était pas idiote. Elle avait déjà vu des hommes... En photos ou dans des films pornos, mais là, c’était « in naturalibus » comme on disait autrefois. Il avait raison l’oncle : il avait de beaux restes, en arrière comme en avant. Mais elle n’était pas intéressée par la chose masculine. Pour elle, seules les courbes féminines étaient dignes d’être remarquées. Et justement, elle remarqua assise à une table, Adeline de Mongeau, toujours aussi nue et bien sûr toujours aussi belle . Accompagnée de ses deux garçons, celle-ci consultait le menu. Entendant la porte, elle releva la tête et s’exclama en voyant l’oncle Marcel.

retrait— Mais qui voilà donc ? Mon grand ami Marcel. Où avez-vous laissé votre neveu et sa jolie maman ? Ah ! Qui vois-je derrière vous ? Ma chère madame, vous semblez vous dissimuler derrière les épaules de notre ami. Je ne vous avais pas vue. Que faites-vous engoncée ainsi dans votre peignoir ? Nous cachez-vous quelque chose ? Mais peut-être avez-vous froid. Nous sommes en fin de saison. C’est sûr. Il faut se couvrir chaque année quand l’automne apporte les soirées fraîches. C‘est comme l‘automne de la vie. Pour certaines personnes, la vieillesse est un long naufrage. Il n‘y a que des gens comme notre ami Marcel pour braver l‘automne et même l‘hiver. Quel âge avez-vous, Marcel ? Oh, c’est vrai madame, j’allais oublier de m’excuser pour tout à l’heure à l’accueil ? Je vous ai prise pour la maman de Jean-Michel. Pire, j’allais vous prendre pour sa grand-mère...

retraitGinette, les mains dans les poches de son peignoir, serra les poings. Elle se souvint de sa nuit au poste de police, un soir où elle avait cassé trois dents à une dévergondée qui l’avait insultée. Elle avait été interdite à vie de la chic boîte de nuit « Le Beaumont ». Elle ne le regrettait pas. On y trouvait surtout des travelos. Des batailles entre lesbiennes, c’était très courant. Entre naturistes, peut-être moins. L’oncle Marcel, qui pour un homme n’était pas si stupide, avait compris qu’un vent frisquet soufflait entre les deux femmes. Il prit Ginette par le bras et tout en continuant à sourire il l’emmena dans un coin reculé du restaurant. Il tapota sur l’épaule de son invitée pour la calmer avant de reculer sa chaise.

retrait— Restez ici, je vais vous commander un petit remontant pour vous calmer. Par contre, ils n’ont sûrement pas de pineau ici...

retrait— Un whisky double, cela fera l‘affaire.

retraitGinette n’en revenait pas. Pourquoi cette femme l’avait-elle insultée ? Elle ne lui avait rien dit. L’attaque avait été brusque. Déjà à l’accueil...

retraitL’oncle Marcel revenait avec un seul verre.

retrait— Vous ne buvez pas ?

retrait— Non, cela fait douze ans. J’ai provoqué un accident et... bref, je suis membre des A.A. Je n’ai pas pris une goutte d’alcool depuis cinq ans bientôt. Votre whisky c’est du Kornog, du Sant Erwan 2012, vous connaissez ?

retrait— Oui, une distillerie en Bretagne. Ce n’est pas donné, vous me gâtez. Comment se fait-il ?

retrait— Le propriétaire du restaurant est breton. Je savais qu’il s’était fait un cadeau. Il m’en avait parlé l’année dernière.

retrait— Je vous remercie pour ça, mais aussi pour tout à l’heure. Je crois que si vous ne m’aviez pas saisi le bras, elle aurait eu la dérouillée de sa vie, la garce.

retrait— Cela aurait été beau devant ses enfants.

retrait— Mais pourquoi, Marcel, pourquoi elle m’a fait cela ? Je ne lui ai rien fait. Au contraire, je la trouvais tellement belle.

retrait— Valérie, Ginette, à cause de Valérie.

retrait— Comment cela Valérie ?

retrait— Quand elle a débouché du sentier, la première personne que la de Mongeau a vue, c’est Valérie. Et puis vous ensuite. Elle a compris tout de suite.

retrait— Comment ? Vous voulez dire que cette femme... C’est une... sapristi. Quelle innocente j’ai faite ? Moi qui d’habitude les repère de loin.

retrait— Vous fréquentez un milieu bien particulier, Ginette. Les femmes se coiffent d’une certaine façon, s’habillent d’une certaine façon. Quand je vous ai vu dans l’escalier...
retrait— Vous avez tout de suite su ?

retrait— Oui, surtout que ma nièce, avec le petit air coupable qu’elle avait. Mais elle (Marcel indiqua l’autre femme d’un signe de tête) c’est une grande bourgeoise bon chic, bon genre. Rien ne transparaît. Et pourtant elle a sûrement une vie plus olé olé que la vôtre, soyez-en-sur. Je suis invité chez elle tous les ans pour un dîner. Sa domestique est une très jeune fille et elle en change chaque année.

retrait— Quelle hypocrite, la garce ! Vous qui parliez du naturisme comme un égalisateur des classes sociales .

retrait— Calmez-vous Ginette. Prenez tranquillement votre verre. Tiens justement, voilà ma nièce. Ah bien, qu’est-ce qui se passe ? Valérie contrairement aux prévisions est en tenue de nature. C’est le garçon qui est resté habillé. C’est le monde à l’envers. Je me demande bien...
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