The New Swimming Hole
Par Lordship Mayhem
D’après une idée originelle de Lordship Mayhem
Paru en premier sur le site ‘storiesonline dot net’ en 2011
Traduit par Cor van de Sande en 2012
Citation du courriel envoyé à l’auteur…
« Le titre... il n’y a pas d’équivalence française pour le terme 'swimming hole'. Le plus proche que j’ai trouvé sont les paroles d’une chanson traditionnelle du 18e siècle chantée par les coureurs-de-bois qui ont ouvert l’Amérique du Nord. La première strophe va ainsi ;
À la claire fontaine…
M'en allant promener
J'ai trouvé l'eau si belle
Que je m'y suis baigné
(En anglais…)
At the clear spring (I found)
While out for a little walk...
I thought the water so inviting
That I went for a swim. »
Chapitre 1 ; La Réunion
« Comment ça va pour le café, M. Jackman, » demanda la serveuse trapue.
« J’en prendrais bien un autre, merci, Mabel, et pour la cinquantième fois, mon nom est ‘Paul’ et non pas ‘M. Jackman’. » J’étirais ma tasse vers la cruche vitrée pour une autre portion de décapant. Confondre cette substance goudronneuse produite par le seul resto de Manatee Bay avec du café serait beaucoup trop charitable. Elle avait, par contre, la bonne dose de caféine tellement nécessaire à la lucidité à cette heure atrocement matinale.
« Bon… Roger, » dis-je, me tournant vers le président du Comité de Parents de Manatee Bay, « explique-moi ça encore une fois. Pourquoi veux-tu que toi, notre honorable maire, » et ici j’indiquais la forme de morse corpulent de Bill White, « et la présidente de la Commission Scolaire voudriez me rencontrer ? À propos, Janet, suis-je encore dans les mauvaises grâces de la Commission Scolaire ? »
Janet Brooks me regarda d’un air bizarre. J’ai eu l’impression que, quoiqu’il fût en train de se passer, elle s’attendait à ne pas apprécier outre mesure.
Roger s’appropria le rôle de maître de cérémonie. « Bien, t’as entendu parler de ces programmes scolaires que l’État veut imposer ? »
« Oui, vaguement… J’ai quand même deux filles, une qui intégra la 8e année cet automne et l’autre la 5e. »
« Et tu sais qu’il n’a pas accordé aucun financement supplémentaire pour ces mandats. »
Je pensais entrevoir où ceci se dirigerait. Mon affaire est la plus grande et la plus fleurissante de la petite communauté. J’anticipais une demande que je me mette à gratter les fonds de tiroirs. En fin de compte, j’ai eu tort.
« Bien, ce mandat non-financé inclut l’exigence que tous les étudiants de la 4e année et plus suivent des cours de natation. »
« Oh… ? Vous voulez avoir le nom de l’entrepreneur qui a construit ma piscine ? »
« Non… » Roger rougit. « Nous voulons louer ta piscine. »
« Vous voulez QUOI ? » Je ne sais pas ce quoi fut plus surprenant ; ce qu’il venait de dire ou le fait que mes sourcils n’avaient pas défoncé le plafond. « Vous voulez… louer… MA piscine ? »
Roger acquiesça, gêné. Janet regarda la table, visiblement mal-à-l’aise.
Je me suis tourné vers l’honorable maire Morse. « Bill, es-tu ici pour participer à la discussion ou seulement pour quêter un déjeuner gratuit ? »
« Je suis ici pour donner du support moral, » dit le vieux routier aux cheveux blancs.
« Pour eux ou pour moi, » lui défiai-je.
Il sourit comme le Chat du Cheshire et continua à boire son café.
« Paul, nous n’avons pas d’autres choix, » se plaignait Roger.
Je fus d’accord. « La ville a eu plus que sa part de difficultés, n’est-ce pas ? Le recul économique, et puis se faire restreindre encore plus quand l’État déclara que la terre sous nos pieds faisait dorénavant partie du ceinturon biosphérique. »
« Bien, le résultat fait que ni la Commission Scolaire, ni la municipalité a le genre de fric nécessaire pour construire et entretenir une piscine, sans parler de fournir son personnel. »
« Donc, nous ne parlons pas d’une location d’un jour mais plutôt d’une location à long terme pour des cours de natation à l’année longue. Nous parlons de combien d’étudiants en tout ? »
Janet répondit, sur le bord des larmes ; elle avait sans doute mémorisé les chiffres. « Une école secondaire, aux environs de deux cents étudiants. Deux écoles intermédiaires, encore deux cents. Cinq écoles primaires, pour un autre cent enfants. »
Je parlai lentement et distinctement, comme à un moron. Ou, dans ce cas-ci, trois morons. « Donc, vous pensez que votre meilleure solution est d’aller consulter le proprio du centre naturiste du coin et de lui proposer de lui envoyer cinq cents étudiants en autobus scolaire… » Janet continua à étudier le dessus en formica de la table avec une fascination déprimée. Roger continua à me regarder d’un air gêné. Bill continua à me faire son sourire diabolique derrière sa moustache de morse fournie.
« Pour ceux qui ont peut-être de la difficulté avec des mathématiques de base, nous parlons de cinq cents étudiants. Ce n’est qu’une piscine. D’accord, elle est de taille olympique mais ce n’est QU’UNE piscine. »
« T’en as deux, » me rappela Bill. « La piscine olympique à l’intérieur et la piscine libre à l’extérieur. Et l’eau est chauffée avec un système solaire. »
« Bravo, vous avez pris le temps de lire la brochure que j’ai distribué lors de la dernière rencontre du Conseil de Ville. Vous vous rappelez sans doute que personne sur ces photos ne portait quoi que ce soit. » J’ai soupiré. « D’accord, nous pourrions utiliser la piscine extérieure pour les élèves de primaire et la piscine intérieure pour les ados. Nous avons encore un problème. Aucun vêtement n’est permis à la piscine, point à la ligne. Ce que vous me demandez va vraiment déranger le roulement de mon affaire ; je devrais au moins avoir le droit d'insister que puisqu’ils utilisent des installations naturistes, qu’ils doivent porter des tenues naturistes. Je ne voudrais pas chasser plus de ma clientèle régulière que je suis obligé. »
« Ce fut maintenant le tour de Roger d’être malheureux tandis que Janet avait l’air furieuse. Bill continua à rester assis, là, à se cacher son sourire derrière sa tasse de café vide, les yeux pétillants de bonne humeur.