Dale Watson visa soigneusement sa prise. Courant de derrière sa caméra, elle se déplaça en vitesse vers le couple et fit un ajustement léger au bouquet de la mariée, aligna l’éclairage et retourna vers sa caméra… Parfait ! « Click. »
Tout comme Dale, le cortège nuptial fut nu ; la mariée porta la voile et un bouquet fleurie. Le marié porta nœud papillon, tout comme le témoin et les deux placiers. La dame d’honneur et les deux demoiselles portèrent des gants en dentèle. Ce fut tout pour l’habillement – même pas de souliers. Le lieu de la prise de photos fut la pelouse devant la roseraie à côté d’un petit ruisseau babillant près du centre-ville – un oasis de paix naturel au cœur du quartier d’affaires. Les règlements furent simples ; aucun soulier ne fut permis sur la pelouse, que des pieds nus. Les ouvriers du parc avaient constaté que les gens avaient tendance de marcher plus délicatement sans souliers sur la pelouse.
Depuis deux mois, elle a fait au moins une demi-douzaine de ces mariages ; tout le cortège tout nu, souvent même le ministre du culte et les parents des mariés. La Révérende Cicily Cruikshank en fut une qui accepta en tout temps de célébrer une union à la mode d’Adam et Ève, quoique Dale ait entendu récemment qu’un prêtre eut aussi reçu une dispensation exceptionnelle. Elle s’attendit à faire un mariage catholique l’un de ces jours.
Après que la session de photos fut terminée, Dale souhaita le couple un heureux séjour à un centre naturiste de renom aux Caraïbes et revint à son studio. Le cortège, quant à lui, se dirigea vers le lieu de la réception. Elle se demanda comment ce vieil hôtel ‘collet monté’ devait faire avec cet état des choses. L’Hôtel Grand fut un atavisme des années 1890, une époque où le thé fut à l’honneur, des collets amidonnés, des robes à tournures, quand les femmes couvrirent chaque millimètre carré de leurs corps sauf la tête, même aux journées les chaudes de l’année et qu’on recouvrit les pattes du piano pour ne pas stimuler sexuellement les hommes. Même maintenant, si vous passiez par leur restaurant ou leur bar, il fut mieux d’être habillé. Leur code vestimentaire avait été relaxé depuis six mois (les hommes pouvaient maintenant enlever leur cravates, tant et aussi longtemps qu’ils portèrent encore une chemise à manchettes, de préférence blanche), mais pas tant que ça. Évidemment, si vous louiez la salle de bal au complet, comme l’avaient fait les mariés, vous aviez droit à quelques concessions.
De retour au studio, elle poussa les rouleaux de pellicule exposée à son adjoint, Gwen.
« Ton dernier rendez-vous de la journée est arrivée, » lui dit-elle. « Elles attendent dans le studio 2. »
« Merci, Gwen. » Passant par le réfrigérateur de la chambre noire, elle chargea un autre rouleau de pellicule rapide dans son appareil et se dirigea vers le studio au centre de sa boutique.
« Bonjour, comment allez-vous aujourd’hui ? Sentez-vous prêtes pour votre session, » elle accueillit ses clientes, deux dames dans les 70 ans d’âge aux cheveux blancs. Deux sœurs jumelles, elles se firent posées pour la première fois en tenue d’Ève. Aucunement naturistes mais vivaces et curieuses de ce style de vie, elles avaient optées pour une session de photos de nu artistique. Avec quelques retouches de maquillage et des cheveux, Dale les photographia dans des poses diverses, soulignant leur similarité tout en voulant attirer l’attention aux signes distinctifs.
La session fut vite terminée et elles furent invitées à revenir le lendemain après-midi pour approuver les épreuves. Elles s’habillèrent de nouveau et partirent, tout en parlant et en gloussant comme deux écolières malicieuses.
En sortant, elles croisèrent deux filles nues, Emma, la fille de Dale et Melanie, sa nièce. Pour son 12e anniversaire, Dale lui avait offerte un portfolio de photos d’elle et Dale avait voulue en inclure au moins une de sa nièce avec sa fille.
« Salut, les filles, » dit Gwen en les accueillant. « Encore toutes nues, je vois. »
« Salut, Gwen, » répondit Emma. « Encore habillée, je vois. » Gwen avait été abasourdie la première journée que sa patronne est arrivée au studio nue il y a presque deux mois ; à travailler dans un studio où des gens nus se présentaient à journée longue pour se faire photographier lui a désensibilisé à la vue d’autant de chaire mais elle se sentit encore malaisée d’etre vue en tenue d’Ève elle-même.
« J’ai 45 ans, je suis trop vieille pour afficher mes rides et mes vergetures, » rétorqua Gwen.
« Et que dirais-tu des jumelles Olafson, celles qui viennent de partir, » demanda Dale en sortant de la chambre noire. « Elles ont 75. »
« Bravo pour elles. Peut-être quand tout le monde sera à faire le nuvite dans la ville, j’en ferai partie mais, en attendant, je resterai avec mes jeans et mon tee-shirt. »
« Allons les filles, fermons la boutique et commençons avec ces photos artistiques, voulez-vous ? Le temps passe ! » Dale poussa les filles et Gwen vers le studio à l’arrière.
Les deux meilleures prises de la session, Dale décidé plus tard en examinant les épreuves, furent celle où Melanie fut assise, sa joue déposée délicatement sur une main, à regarder directement l’appareil et une prise de torse et de tête où Emma fut debout directement derrière Melanie, les deux à 45° par rapport à l’appareil et regardant un point au mur derrière l’épaule gauche du photographe. Cette dernière pose fut une des préférées de Dale avec beaucoup des clients qui la choisissaient pour des prises de progéniture groupée.
Étant la seule personne habillée dans la pièce rendit Gwen suffisamment inconfortable, elle le savait de l’avoir déjà vécue par le passé, qu’elle accepta de se dévêtir – après tout, elles n’étaient que des femmes et ne furent aucunement visible de la rue, quoique personne ne l’aurait remarqué, de toute façon. Elle passa la session habillée comme les autres.
-O-O-
La fête d’anniversaire fut un succès, avec ce qui semblait être tous les jeunes de la classe d’Emma et de Melanie aux alentours de la piscine.Felicity fut là, ayant été promue à des béquilles. Son docteur lui ait autorisé des sorties de fin de semaine illimitées. Il s’attendait qu’elle quitte le centre sous peu pour continuer ses traitements en tant que patient externe.
Et Felicity rencontra enfin Brian. Un gentil garçon, pensait-elle. Elle se demanda si Melanie laisserait tomber un jour son béguin pour lui.
« Mme Watson, » lui demanda-il, hésitant.
« Oui, Brian ? »
« Euh… pensiez-vous que je pourrais avoir… » Sa voix baissa à un souffle inaudible.
« Quoi ? Je suis une vieille dame, je ne peux plus aussi bien entendre que jadis. » Foutaises, se disait-elle à lui-même. Tu n’as que 36. Ce n’est pas vieux, ça !
Il se racla la gorge. « Pourrais-je avoir… une copie de…, » et il indiqua la photo encadrée de Melanie placé sur un chevalet près de la porte du patio.
« Oh, » dit Felicity avec un humour diabolique, et levant la voix afin que Melanie puisse entendre clairement, « Tu aimerais une copie de la photo de ma fille ? Je n’en vois aucun problème. Mel, cela te convient-t-il que ton chum ait une copie de ta photo ? » Brian vira au rouge écarlate.
Melanie, entretemps, s’est figée sur les marches de la piscine, un regard horrifié paraissant en plein milieu de son visage rouge tomate. « Ça vas-tu, » lui demanda Emma, faisant tout pour ne pas partir à rire. Ses copines n’essayèrent même pas.
« Je crois que oui…, » vint la réponse étranglée. « Oui, mère, » puis à Emma, « Chum ? »
« Je crois que c’est officiel, maintenant, »dit Emma pour la rassurer. « Regardes ça du bon côté – nous pourrons sortir à trois couples ! » Elle enveloppa Margaret Mitchener d’un bras.
« Quoi, » demanda Margaret, les yeux écartés.
« Ouais. Mel et Brian, moi et Billy, toi et John. »
Les yeux de Margaret tournèrent vers John, dont les oreilles eurent prise un joli tint de rose foncé. « Je jure que je ne leur ai rien dit, » protesta-t-elle vocalement.
« Je crois que tu viens s de TOUT leur dire…, » offrit John.
« Oh…, » répondit Margaret, en comprenant ce que sa réaction ait dévoilée.
Roger, en fonction devant le barbecue, appela de l’autre côté de la piscine. « Mel, ta mère va sortir de nouveau un de ces jours et là, ce sera à ton tour de la taquiner ! »
-O-O-
Avec le mois de février, vint ce jour fatidique pour tous les amoureux et encore plus pour ceux et celles qui ont le béguin pour un autre, la Saint Valentin. Mlle Thompson en profita pour leur parler des traditions ailleurs dans le monde ; comme par exemple, au Japon, ce furent les filles qui donnèrent des chocolats aux garçons tandis que les garçons, eux furent sensés répliquer en donnant des chocolats le 14 mars. Quoiqu’il il y avait définitivement une touche romantique à cela, toute la classe fut convaincue que ce furent les chocolateries qui furent derrière cette pratique, afin de vendre plus de chocolats.Les trois couples de la classe – Melanie et Brian, Emma et Billy, et Margaret et John – s’échangèrent des cartes plus intimes, plus élaborées avant la classe. Ils se sentirent encore malaisés de leurs sentiments mais, du moins, ils n’eurent plus à le cacher.
L’événement d’importance suivant fut la distribution des bulletins du deuxième trimestre. À la surprise de Felicity, les notes de sa fille furent encore meilleures qu’elles étaient à son ancienne école. Elle ne fut pas certaine que Melanie fut à étudier plus durement parce qu’elle fut en amour, qu’elle fut à étudier plus efficacement parce qu’elle habitait chez Emma ou parce qu’elle se sentait plus à-l’aise dans son nouvel uniforme scolaire.
Felicity devait encore retourner au CHSLD mais seulement comme patiente externe, pour deux heures par jour, trois jours par semaine. Elle resta avec son beau-frère, dans la chambre d’invités et Melanie partagea la chambre d’Emma. Suite à une discussion entre les deux familles Watson, Roger, Dale et Emma d’un bord et Felicity et Melanie de l’autre, il fut convenu que Felicity et Melanie viendraient vivre en permanence avec Roger, Dale et Emma. Roger se mit à l’œuvre par les soirs et les fins de semaine et convertit une partie du sous-sol en logement indépendant pour sa belle-sœur et toute la famille mit la main à la pâte pour déménager Felicity et Melanie de leur vieux logement.
Maintenant que Felicity eut la chance de porter des vêtements de nouveau sans avoir à s’inquiéter de la politique du CHSLD d’accorder la priorité aux naturistes (et possiblement se voir transférer vers un autre centre à l’autre bout de la ville), elle devait faire face à la constatation qu’elle ne voulait PAS se rhabiller. Elle n’avait plus porté de vêtements depuis novembre et quand elle essaya quelques pièces de son linge, elle découvrit que grâce aux repas gourmets de l’hôpital et du centre et au fait que ses pognées d’amour avaient fondues afin de fournir l’énergie qu’elle avait besoin pour guérir, son linge ne lui faisait plus du tout. Il pendait sur elle comme des draps.
« Ça va faire ! »
« Quoi, » demanda sa sœur, la mère d’Emma.
« Si je dois investir dans toute une nouvelle garde-robe, je préfère d’une tenue d’Ève ! »
Sa fille, qui fut à ricaner de la vue de sa mère dans son linge mal ajusté, acclama la nouvelle à haute voix.
« M’as-tu comprise, » demanda Felicity à Dale. « J’ai été convertie de force au naturisme ! »
« Donc, viens-tu avec nous à notre caravane, la fin de semaine prochaine, » demanda Dale, toute innocente.
« À Sunny Acres ? Absolument ! »