Chapitre 11 ; Ouragan !
C’était l’été ! À quelques 2 250 km au sud-est de Century city, les alizés s’agitaient. Peut-être c’était-il parce que la calotte glacière était en train de fondre, peut-être c’était-il plutôt parce que El Niño eut choisit un trajet alternatif cette année mais, qu’importe la raison, cette année, les ouragans semblèrent plus agressifs qu’autrement. La mer des Caraïbes était déjà témoin de deux ouragans majeurs et la saison vint juste de commencer.
La dernière séquence d’imagerie par satellite indiqua que le numéro trois, l’Orage Tropicale Camille, serait encore plus corsée… une nouvelle cellule spirale se développa au sud de la mer des sargasses, un bon 250 km plus large en diamètre que les deux précédentes. Le mot sortit ; à travers les Antilles, les fenêtres étaient placardées, les gens nantis avec des voiliers ou des yachts développèrent un besoin urgent d’aller quelque part, n’importe où mais ailleurs… on stocka des réserves de nourriture, les hôpitaux se levèrent les brettelles. Même Haïti, à peine revenue à la normale suite à son tremblement de terre d’il y a quelques années, essaya de se préparer autant bien que mal pour ce nouveau catastrophe qui se préparait.
À Century City, la vie continua son cours. Aux nouvelles du soir, Camille n’était à peine mentionné sauf par Barbara Perkins, la fille de la météo d’ABS qui, malgré ses attraits de page centrale de revue pour hommes, détenait une maîtrise summa cum laude en météorologie. Les écoles primaires et les écoles intermédiaires étaient fermées pour l’été, tout comme les écoles secondaires mise à part les cours de rattrapage pour ces étudiants ayant besoin de parfaire leurs connaissances. À l’Institut de l’Hôtellerie, les cours continuèrent comme à la normale (L’école allait fermer pour deux semaines entre la fin de juillet et le début d’août). La plupart du monde anticipait leurs vacances d’été même s’ils ne prévoyaient n’aller plus loin que le Centre Naturiste Sunny Acres (après tout, pourquoi aller à l’autre bout du monde quand le paradis était à ses portes).
Deux jours après sa naissance, le statut de Camille avait été rehaussé à celui d’un ouragan et elle quitta le nid. Selon les statistiques, quelques 60 à 65 % des ouragans se dirigent directement vers l’ouest et coupent le collier d’îles qui sont les Antilles au sud de Puerto Rico puis dévient vers le nord vers le Golfe de Mexique. Parfois, ils tranchèrent Cuba pour atterrir en Floride. D’autres entendirent d’être plus à l’ouest pour atterrir aux environs de la Nouvelle Orléans ou de Galveston. De la minorité, la plupart frôlent la côte nord de Puerto Rico, Haïti et Cuba pour trancher les Keys et d’atterrir soit à Miami ou à Tampa. Camille, femme indépendante dès sa naissance, traça une piste encore plus au nord et suivi les limites de la mer des sargasses. Dès qu’elle ait touché le Gulf Stream, ce courant d’eau chaude qui remonte la côte est des États-Unis jusqu’à la Virginie puis dévie graduellement vers l’Europe, elle vira vers le nord, trempant au passage les Bahamas et le Fort Lauderdale jusqu’à la moelle.
Le lendemain, l’œil se trouva au large de Daytona Beach, encore à se ramasser des forces tout en continuant vers le nord à un rythme d’un peu plus que mille kilomètres par jour… Jacksonville, Savannah, Charleston eurent, chacun à son tour, droit à la mauvaise humeur de Camille, jusqu’au moment qu’elle atterrit à Oak Island, quelque peu au nord de Myrtle Beach, tandis que le monde devint de plus en plus inquiet. La cote d’écoute de Barbara Perkins, la Miss Météo d’ABS à Century City monta en flèche tandis qu’elle expliqua en termes simples le cycle de vie et le mécanisme de fonctionnement d’un ouragan.
À Century City, ce matin-là, à l’aube, le ciel était rouge-sang et les vieux de la vieille, surtout ces quelques uns qui se rappelèrent encore l’époque de la pêche à la morue en haute mer et les courses de schooners au large de Nantucket et Martha’s Vineyard dans les années vingt et trente, commencèrent à répéter cette vieille comptine ; « Ciel rouge le matin, le marin s’en abstint… Ciel rouge la nuit, le marin se réjouit. » Quand l’orage frappa, la pluie tomba tellement drue que les drains pluviaux n’en purent tenir tête. Le vent souffla à une moyenne de 80 km à l’heure avec des bourrasques allant jusqu’à 130 sur la côte. Des vagues de 6 mètres se fracassèrent contre les brise-lames. L’Île Baxter était inondée et un nombre important d’arbres avaient été arrachés du sol. Le hameau de Swansea, à cent cinquante km au sud était sévèrement touché lorsque Camille monta carrément les rues et démolissait les petites maisons à revêtement de planches superposées en passant.
Même avant que Camille soit partie pour étendre sa rogne ailleurs vers le nord, la garde nationale et la défense civile sortirent en force, à couper les branches et les arbres tombées, délimitant les fils de haute tension, de dégager les rues des décombres de maisons et de porter secours aux familles laissées sans abri.
Quand les vents eurent baissés, c’était déjà évident que le comté de Swansea ne pourrait, à lui-même, subvenir aux besoins des familles destituées et les téléphones se mirent à sonner dans les comtés voisins. En même temps, dans le gymnase de l’école secondaire de Swansea, on établit un centre de triage… certains des maisons n’eurent reçu que des dommages minimes, quelques unes n’avaient eu aucune – ce n’était que l’accès qui était impraticable. Ce serait possible d’héberger ces gens-là dans des sous-sols d’église et des halls communautaires en attendant que le dommage soit nettoyé. D’autres, par contre, eurent besoin de réparations majeures, voire un remplacement total de la maison. En tout, il y avait quelques cinquante familles dans cette situation, quelques unes avec de jeunes enfants et, ou avec des vieillards à charge. Peu n’avaient d’assurances ou de famille à l’extérieur où ils purent rester et durent dépendre des divers organismes charitables pour leur sortir du trou.
C’était à peu près là que quelqu’un s’était souvenu que l’ancien Hôtel Grand avait encore entre 50 et 55 chambres vides, toutes équipées (que les chambres des étages inférieures avaient été converties en salles de classe). Certaines des chambres avaient été utilisés comme dépôts, d’autres comme des laboratoires de travaux pratiques pour les étudiants en conciergerie et entretien de bâtiment et avaient été gardées tels quels pour une éventuelle expansion si jamais la demande se faisait sentir. Le maire appela Richard Gregg, qui appela à son tour David York, croyant (avec raison) que David serait plus apte à réagir de la façon approprié que Cameron Strathroy. Toutefois, pour ne pas faire hérisser les poils plus que nécessaire, il prit soin d’appeler Cameron dès qu’il avait fini avec David.
Donc, dans les quatre heures du matin, David appela le Chef Oliveri pour discuter de quoi faire de cette invasion subite de clients pendant que Diane réveilla la secrétaire administrative et la demanda de se rendre à l’école et de sortir la liste des étudiants pour les convoquer d’urgence. Puisqu’il était la mi-juin, la première cohorte de cuisiniers avait déjà complété 45 % du programme, y inclut la plupart des cours de base sur la préparation de repas, tandis que la deuxième cohorte, qui avait commencé au début d’avril était rendu à la préparation des ingrédients. Après avoir initié un appel en conférence avec le Chef Pâtissier, Albert Leclerc, ils décidèrent ensemble de, vu la situation urgente, de sauter plusieurs modules et d’entreprendre immédiatement les modules sur la préparation de buffets et la cuisson en grande quantité pour les deux cohortes et faire en sorte que le modules soient vus comme de la formation sur le tas. Ils attendirent d’ici une heure ou deux plus que 250 clients surprise.
-O-O-
La sonnerie du téléphone réveilla Herbert Winter.
A… Allô ? »
« M. Winter… ? Excusez-moi de vous avoir réveillé. Ceci est Astrid Shapiro, la secrétaire administrative de L’Institut de l’Hôtellerie. Est-ce que Danielle serait là, s’il vous plaît ? »
« Oui, elle l’est. Qui a-t-il ? »
« L’ouragan a passé par Swansea hier après-midi et soir. Il y a eu beaucoup de dégâts et plusieurs familles sont sans abri. L’Institut a accepté d’héberger quelques 250 personnes. Nous aurons besoin de Danielle pour aider à préparer des repas. On m’a demandé d’appeler tous les étudiants et de les convoquer le plus tôt possible. »
« Je vois… Très bien. Je vais la sortir du lit et la conduire vers l’Institut. Elle sera là d’ici une demi-heure à peu près. »
« Merci beaucoup, monsieur. J’apprécie. »
« Qui a-t-il, Herb ? »
« Camille a détruit plusieurs maisons à Swansea… ils vont utiliser l’Institut comme abri. Ils ont besoin de Danielle pour aider à préparer les repas. Pourrais-tu la réveiller pendant que j’appelle Hestia Papadhópoulos ? »
« … »
« Ceci est Herbert Winter… Puis-je parler à Hestia Papadhópoulos, s’il vous plaît… ? Oui, je sais quelle heure il est, merde ! Je dois parler à Hestia… MAINTENANT ! »
« Hestia… ? Herb Winter. Navré de te faire sortir du lit mais on vient de me réveiller, moi aussi. Ils utilisent l’Institut comme abri pour les gens qui ont été frappé hier soir par l’ouragan. Ils attendent dans les 250 personnes dans l’heure qui vient. Ma fille vient d’être convoquée pour aider à la cuisine. Je me demandais… ne pourrions-nous pas leur envoyer quelques camions de nourriture supplémentaire ? Je ne crois pas qu’ils auront assez sous la main pour en nourrir autant. Non, je ne pensais pas au coût… je pensais plutôt de le faire comme geste de bienfaisance… tu sais ; dans le style ‘aider les gens dans le besoin’… ? Évidemment, je vais le crier du haut des murs, qui pense-tu que je suis ? »
« Merci… Non, je les dirai, moi-même ; je quitte dans les cinq minutes pour y aller conduire Danielle. Je te tiens au courant. À bientôt. »
-O-O-
Après avoir raccroché, le Chef Oliveri et le Chef Leclerc se rendirent tous les deux à l’Institut pour partir la cuisine et commencer les repas. David, lui, appela Paula Jeffries. La plupart de sa première cohorte était déjà en stage et donc non disponible mais quelques uns de ses étudiants ne commenceraient leur stage que lors des vacances d’été alors Paula convoqua ceux-là et prit la deuxième cohorte au grand complet pour équiper l’accueil et de servir en tant que porteurs et porteuses pour s’occuper de l’invasion. Son équipe à peine installés, le premier autobus avec des victimes de Swansea arriva et plusieurs autres étaient en chemin.
-O-O-
Imaginez la scène… Il est six heures du matin et un autobus Grayhound arrête devant l’Institut avec un grand sifflement de freins à air et de la porte sortent cahin-caha une cinquantaine de passagers, dépeignés, sales, de mauvaise humeur et, pour la plupart, apeurés… après avoir passé de six à huit heures dans des abris de fortune et puis dans un autobus pour la moitié de la nuit. La plupart n’eurent que les vêtements qu’ils portèrent sur le dos, quelques uns avaient de bébés ou de jeunes enfants endormis dans les bras, d’autres aidèrent des gens du troisième âge descendre les marches de l’autobus et puis monter les marches vers le lobby. Et là… en attente pour les accueillir, deux douzaines d’ados et de jeunes adultes nus, des garçons et des filles, souriants… nus, demandant que s’ils pourraient aider… des jeunes, polis, serviables… nus, qui leur guidaient vers la réception où d’autres jeunes… nus… les accueillirent, tous aussi souriants… mais tous nus…
Enfin, la fatigue a eu gain de cause des victimes et ils étaient guidés vers leurs chambres où ils pourraient dormir dans des lits propres pour quelques heures jusqu’au déjeuner. Et les jeunes descendirent de nouveau vers le lobby, juste à temps pour accueillir un autre groupe de victimes qui étaient là, figés dans l’entrée… et qui regardèrent… étonnés.
-O-O-
Rendu à la fin de la journée, la plupart des visiteurs étaient aguerrit, sinon pas encore à-l’aise avec la nudité généralisée dans la ville et aux alentours. Quelques clients de l’Institut allèrent assez loin de se promener qu’entourés de serviettes dans la salle à dîner pendant que leur linge soit nettoyé et l’équipe de natation de l’école secondaire Gymnos, à la suggestion d’Ellen Tierney, s’est présentée à l’Institut pour inviter ces enfants d’âge d’école maternelle et primaire dont leurs parents leur permirent à la piscine de Sunny Acres, afin que les parents puissent se reposer et réfléchir calmement.
L’après-midi, les victimes de l’ouragan ont rencontré des représentants de la Défense Civile et de l’organisation des Rotariens afin de discuter des jours et des semaines à venir et aussi pour expliquer (un peu tardivement, j’avoue) le code vestimentaire facultatif de Century City. Pendant cette rencontre, six représentants des familles victimes exigèrent des logis moins agressivement débauchés. L’un des rotariens, plutôt soupe-au-lait, proposa sur le champ de les raccompagner sur le champ à Swansea mais les autres l’ont calmé. Toutefois, les victimes n’en démordaient pas… quand la Défense Civile leur dit qu’elle ferait son possible mais ne croyait pas trouver mieux qu’un sous-sol d’église où ils devraient dormir dans des sacs de couchage à même le plancher, ils répondirent que n’importe quoi serait mieux qu’un hôtel 4 étoiles avec des jézabels nues comme femmes de chambre. Tandis les deux autres rotariens escortèrent leur confrère vers la porte pour le calmer, les deux officiers de la Défense Civile se regardèrent comme pour dire… ‘Y-a du monde qui croit que tout leur est dû… »
Le lendemain, sur la totalité de la page 7 du Sentinelle de Century city, il y avait une annonce ‘d’intérêt public’ disant que le personnel et la gérance des Services Hôtelières Olympus en général et des Services Alimentaires Ambroisie, plus spécifiquement, étaient fiers de pouvoir aider les victimes de l’ouragan Camille dans cette période éprouvante et qu’ils souhaitèrent que ces gens passent un temps aussi agréable que possible à Century City.