À l’entrée du village, Sophie se stationna sur le bas-côté pour relire les indications du notaire : « À Chute-Saint-Philippe, passez le village, continuez 5 km sur le chemin du Progrès. Tournez à droite sur le chemin des lacs et continuez 4,6 km jusqu’au chemin du Lac des Cornes. Votre chalet est à cinq minutes du carrefour. Le portail est en bois peint de couleur verte. Sur le portail, il est écrit en grosses lettres blanches : Domaine ça me suffit. »
La jeune fille redémarra. Qu’allait-elle trouver finalement au bout du chemin ? Un chalet suisse, un domaine ou un pavillon de banlieue parisienne comme le suggérait le « ça me suffit ». Son oncle avait de l’humour pour avoir nommé ainsi sa maison de campagne . Le village était joli, typique de cette région des Laurentides. Depuis trois mois, elle parcourait les régions limitrophes de Montréal, mais elle n’avait jamais osé s’aventurer si loin dans le nord du Québec. Pourtant le notaire lui répétait souvent : « La perle de votre héritage, c’est le chalet au Lac des Cornes. Vous verrez. Vous tomberez en amour avec la région. » Sophie grimaçait souvent à cette remarque. Elle aurait aimé « tomber en amour » avec autre chose qu’une région. Depuis son arrivée au Québec, elle s’était faite amie avec la secrétaire du notaire. Ne voulant pas partager son patron avec la riche héritière, celle-ci l’entraînait dans tous les bars de Montréal, mais sans succès.
Au bout des cinq minutes indiquées par le notaire, la jeune fille trouva sur la gauche une longue allée avec à son extrémité le portail vert. Elle respira d’aise, car conduire la BMW héritée de son oncle sur presque trois cents kilomètres n’avait pas été de tout repos. La fatigue de la conduite s’ajoutait au stress de l’inconnu. Qu’allait-elle trouver derrière ce portail ? Une certaine madame Dumais était supposée faire le ménage et préparer les repas de la jeune fille. Avait-elle reçu le message du notaire ? Pressée d’en finir avec tout cela, Sophie poussa sur la pédale d’accélération. Ce fut une erreur.