Histoire de Roger : Le monde à l'envers

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roger
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Re: Histoire de Roger : Le monde à l'envers

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retrait La réaction de la salle sombra dans le délire. Les applaudissements fusèrent de partout. Les vieilles dames du club cherchèrent en vain des mouchoirs pour s’essuyer les yeux. Et Flavie ne cessa de répéter à son entourage « C’est ma petite fille, c’est ma petite fille. » « Comme si on ne le savait pas ! » se contenta de penser Lucille qui n’osait pas ce soir dire des méchancetés.

retraitAu bout d’un long moment et après qu’un grand nombre de spectateurs ait embrassé la petite Camille, on reprit le spectacle. Marie-Josèphe continua à enthousiasmer la salle avec des airs de la grande Joséphine. Elle en chanta une demie douzaine parmi lesquelles « La vie en rose », « Besame mucho » et d’autres . À chacune d’entre elles, on sentait l’émotion de Marie-Josèphe. Elle regardait son public et se disait. « Ce sont des blancs et pourtant Joséphine est leur idole. Ils connaissent encore toutes ses chansons par cœur. Ils lui ont donné la légion d’honneur, la croix de guerre, celle de la résistance et d’autres médailles. Et moi, là-dedans, moi la grosse négresse, ils m’aiment parce que je leur rappelle leur idole. » Elle eut bien du mal à finir la chanson « Ah ! Qu’il était beau Mon Village » tellement elle avait des larmes dans les yeux. Elle se retourna vers Luc pour lui dire qu’elle ne pouvait plus aller plus loin. Le jeune homme avança alors vers elle, suivi de Valérie, de Marcel, d’Erwan. La chorale de Monsieur Loupiot, Ginette comprise, attendait au bas de l’escalier. Le jeune homme leur fit signe de monter sur la scène puis Yannick, le mari de Marie-Josèphe, entonna sur son accordéon l’air sans doute le plus connu de la chanteuse : « J’ai deux amours ». Toute la salle accompagna le groupe sur scène. La seule personne qui ne put prononcer une seule parole fut la cuisinière tellement elle était émue. Elle enlaça Valérie à côté d’elle et pleura toutes les larmes de son corps.Il fallut plusieurs minutes de pause pour que l’on puisse reprendre le cours du spectacle.

retraitIl restait la chorale de monsieur Loupiot. Pendant que les participants cherchaient leur place sur la scène, le vieux monsieur s’adressa à la salle.

retrait— Eh bien, après le passage de notre amie et talentueuse cuisinière, Marie-Josèphe, je suis bien content que le concours ait été aboli. Nous n’aurions aucune chance de le gagner. Sa prestation a emporté tous les suffrages, j’en suis sûr. Pourtant, nous allons vous présenter une voix exceptionnelle, un contralto de haut rang, je veux parler de notre nouvelle amie Ginette. Comme il est tard, nous ne chanterons qu’une seule œuvre ce soir : Minuit Chrétien…

retraitIl allait continuer son discours lorsque son regard fut attiré par sa choriste préférée. Ginette lui lançait des signes désespérés pour attirer son attention. Lorsqu’elle fut sûre de l’avoir, elle leva le coude et mima en tenant le poing et le pouce vers sa bouche une personne en train de boire.

retrait« Oh sapristi, j’ai oublié le petit remontant », pensa-t-il tout en se tâtant le corps à la recherche du flacon d’alcool pour s’apercevoir dans le même temps qu’il était nu. Ses vêtements étaient restés à son bungalow. Il était désespéré. Comment allait-il se débrouiller ? Monsieur Loupiot, en bon naturiste, végétarien, buveur d’eau et abstinent ne connaissait pas l’expression « il y a un Bon Dieu pour les ivrognes ». Et le Bon Dieu, cette fois-ci, se manifesta dans la personne de Yannick. Ce dernier avait très bien compris le geste de Ginette et la déconvenue du vieux monsieur. Il vint à leur aide en les convoquant en arrière de la scène tout en surveillant que son épouse ne soit pas dans les parages. Il était chanceux : Marie-Josèphe se remettait de ses émotions dans le buffet de monsieur de Mongeau. Avec un petit rire malicieux, il sortit de la housse de son accordéon une bouteille de Kornog Sant Erwan 2012. Ginette sauta dessus comme la misère sur le pauvre monde. Heureusement, le chef de chorale la surveillait pour qu’elle ne dépasse pas la dose qu’il lui avait prescrite. Après une bonne lampée, Ginette dut rendre la bouteille à Yannick qui s’empressa d’en prendre lui-même une bonne gorgée. Puis monsieur Loupiot suivi de Ginette réapparurent sur le devant de la scène. Ils avaient tous les deux la figure rouge, l’un dû à la gêne, l’autre à l’alcool.

ppppppValérie s’installa au piano. Elle allait jouer pour la première fois de sa vie un chant catholique, mais qui ressemblait assez à ce qu’elle avait joué sur l’orgue du temple à Mobrac. Elle connaissait l’histoire de cet air qui avait été surnommé « la Marseillaise religieuse » à cause de son tempo quasi militaire. Elle n’avait pas joué plus d’une portée que des cris lui parvinrent de la salle. C’était Constance, la vieille dame du club de Lutèce qui avait insisté pour faire de la jeune fille sa prochaine Sainte-Vierge.

pppppp— Comment cela ? Comment cela ? Je proteste. On ne veut pas de crèche vivante pour le spectacle et pourtant vous chantez des chants de Noël. C’est une honte, un scandale.

pppppp Il fallut toute la diplomatie de Flavie, la présidente du club pour la calmer.

pppppp— Mais voyons, ce n’est pas la même chose. Un chant, ça se chante et ça s’écoute alors que ta crèche, on la regarde deux minutes et après qu’est-ce qu’on fait ? Et d’ailleurs, Luc te l’a dit. Nous sommes en septembre. On en reparlera à Noël et notre petite nouvelle, Valérie, sera très heureuse de participer à ce moment-là. N’est-ce pas Valérie ?

ppppppÀ voir la tête de la jeune fille, personne n’aurait pu jurer de sa réponse. Mais Flavie trouva une alternative.

pppppp— Tiens regarde ma petite Camille qui s’endort. Viens avec nous. Il est temps qu’on aille se coucher. Tu ne trouves pas ?

ppppppAprès le départ des deux vieilles dames et de la petite Camille, monsieur Loupiot fut découragé, car de nombreux spectateurs eurent l’idée de suivre leur exemple. Ginette ne se démonta pas pour si peu. Les vapeurs d’alcool commençaient à faire leur effet et elle entonna le « Minuit, chrétiens » sans attendre les autres . Valérie sauta quelques lignes de la partition afin de la suivre. Les membres de la chorale embarquèrent comme ils purent dans le chant et monsieur Loupiot se désola en temps que chef de chorale de n’avoir pu battre la mesure dès le départ. Il chercha à ramener ses choristes à plus de discipline, mais son contralto n’entendait rien de cette oreille et il fallut s’adapter. Heureusement, chacun retrouva sa marque et le chant se termina sous les applaudissements des derniers spectateurs.

ppppppLes membres de la chorale descendaient les marches de la scène. Le public aidait à ranger le buffet lorsque, d’une chaise au-devant de la salle, on entendit un cri. C’était Jeanine, la seule membre du club naturiste de Lutèce à ne pas avoir suivi sa présidente.

pppppp— Et alors, « L’artilleur de Metz », c’est pour bientôt ?
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roger
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retrait Ginette, toujours sur la scène, les yeux tournés vers la sacoche de Yannick se sentit interpellé. Elle revint au micro et entonna « L’artilleur de Metz » avec un entrain et une joie non dissimulée. Yannick l’accompagna à l’accordéon et plusieurs des derniers spectateurs se permirent de chantonner les paroles grivoises avec un plaisir pervers. Valérie était rouge de confusion. Elle aurait voulu boucher les oreilles de son fils Jean-Michel. Elle préféra sortir. L’oncle Marcel revenait de déposer dans le réfrigérateur de la cuisine les restes du buffet.

retrait — Tu n’attends pas notre amie ?

retrait — Ce n’est pas mon amie, mais ma voisine d’abord. Et je te rappelle que je n’ai pas été élevé à Mobrac dans le stupre et la luxure. Cet artilleur de... chez pas où... ne fait pas partie des cantiques ni des psaumes.

retrait Soudain, elle prit conscience en voyant son fils sortir de ce qu’elle avait fait précisément à Mobrac, dix ans auparavant et puis quand ce fut le tour à Ginette de les rejoindre elle se souvint d’une certaine soirée récente. Elle regarda Marcel du coin de l’œil en rougissant. L’oncle la prit par les épaules et l’embrassa sur la joue. Elle sentit alors qu’elle était encore une fois pardonnée.

retrait Marie-Josèphe et Yannick devaient prendre la route le soir même. La cuisinière décida d’accompagner ses nouveaux amis jusqu’à leurs bungalows. Valérie hésita avant de lui poser une question puis elle se lança.

retrait — Allez-vous reprendre le restaurant à la prochaine saison ? Je ne suis pas bien sûr que j’ai aimé mon expérience de nudité, mais si vous êtes là...

retrait Yannick opina de la tête, mais sa femme l’arrêta d’une tape sur le bras.

retrait — Ah bien non, ma chère . Tu as entendu la madame ce qu’elle a dit. On n’était pas assez bien pour elle. Eh bien, elle engagera un fricassier l’année prochaine. Vous mangerez des frites et de la viande en boulettes. Oui mademoiselle. Je suis peut-être une grosse négresse, une descendante d’esclaves, mais maintenant que j’ai le droit de me tenir debout, je n’irai pas m’abaisser à revenir servir cette directrice, cette...

retrait Ce fut au tour de Yannick de tapoter le bras de son épouse, mais cette fois-ci pour la calmer. Elle avait déjà eu une attaque de cœur un an auparavant et l’effort qu’elle venait de faire au spectacle n’était pas bon pour sa santé. Elle revint plus calmement sur le sujet.

retrait — Comme tous les hivers, nous descendons dans le sud. Nous louons une cabane le long des plages, pas très loin de Marseille. Une cabane restaurant. C’est là que nous avons connu ton oncle. Hein, Marcel ! Tu te souviens ?

retrait L’oncle qui marchait quelques pas en avant se retourna.

retrait — Si je me souviens ? C’est là que j’ai pris tous les kilos en trop que je n’arrive pas à faire fondre. Mais toi Valérie, tu connais la cabane restaurant. C’est là où nous sommes allés la première fois que nous nous sommes rencontrés. C’est là où tu m’as annoncé... Eh, mais c’est vrai ! Jean-Michel ! Tu y es allé, toi aussi. Dans le ventre de ta mère .

retrait Le garçon piqua un fard et préféra augmenter la cadence de son pas pour éviter d’entendre les réflexions tordues des vieux . Erwan le suivit. Ils n’étaient pas très loin des gros rochers du boisé. Jean-Michel eut une idée .

retrait — Viens, on va se cacher pour les surprendre.

retrait Quelle ne fut donc pas la surprise des adultes lorsque, arrivés à hauteur des rochers, ils virent apparaître deux lutins entièrement nus, montés sur les deux plus hauts blocs et chantant le refrain de « l’artilleur de Metz » :
Oh artilleur mon frère
À ta santé, buvons un verre
Et reprenons ce gai refrain
Vive les femmes, les artilleurs et bon vin
retrait Heureusement, ils n’avaient pas eu le temps de se rappeler des autres paroles, beaucoup plus explicites et plus paillards . Les deux garçons se contentaient de répéter le refrain. Valérie, rouge comme un coq se retourna furieuse vers Ginette. Celle-ci, réjouie par le succès de son répertoire allait se mettre à entonner les couplets licencieux jusqu’à ce qu’elle comprenne que ce n’était pas du goût de sa petite voisine.

retrait — Voilà ! C’est ça. Encourage-les. Espèce de... De...

retrait La jeune fille pensa à « alcoolique dégénérée », mais elle se rappela que Ginette conduisait la voiture pour le retour sur Paris et que surtout elle avait participé à son pineau et à sa dégénérescence quelques jours plus tôt. Elle préféra tourner sa colère vers son fils.

retrait — Jean-Michel, descends de là. Tu vas te casser le cou. Descends, je te dis, viens ici que je te donne devant tout le monde la fessée que tu mérites. Dès la semaine prochaine, je t’inscris à l’école du dimanche. On va voir si tu vas chanter la même chanson à la femme du pasteur. Allez, descends ou je t’appelle Michou devant tout le monde.

retrait Puis elle s’arrêta net. Elle réalisait le ridicule de sa phrase. En la prononçant devant tout le monde, elle venait de mettre sa menace à exécution. De son côté, le garçon trouvait plutôt drôles les menaces de sa mère. Elle ne lui avait jamais donné la moindre fessée et ce n’est pas rendu à dix ans, alors qu’il pesait pas loin du même poids que sa mère qu’elle pourrait mettre sa menace à exécution. Il descendit donc, un sourire sardonique sur les lèvres et présenta délibérément ses fesses nues à Valérie.

retrait — Allez, maman, fais panpans sur mes petites fesses.

retrait Tout le groupe éclata de rire et la mère et le fils s’enlacèrent dans un élan de tendresse. Puis on repartit vers les bungalows.

retrait Les adieux furent plus émouvants qu’on ne l’aurait cru. Marie-Josèphe avait attrapé le coup de foudre pour la nièce de l’oncle Marcel et Yannick se savait un point commun avec la voisine.

retrait — Il faudra venir nous voir sur la côte, vous savez. Vous viendrez bien voir l’oncle Marcel un de ces jours. Et vous aussi, madame Ginette, on vous trouvera bien une paillasse où dormir. Ah, tenez, il faut qu’on s’en aille sinon je vais me mettre à pleurer. Allez, on se fait la bise et on disparaît.

retrait Comme toujours dans ces cas-là, ce fut un mélange pas possible. On s’embrassa plusieurs fois en oubliant où on était rendu puis Marie-Josèphe décida que c’était assez d’émotions et elle repartit d’un pas pressé vers le boisé. Son mari Yannick et son fils Erwan tentèrent de la suivre en agitant les bras en signe d’adieu envers ceux qui restaient.

retrait L’oncle Marcel monta les trois marches de son bungalow en prononçant « Qui m’aime me suive ». Comme Jean-Michel se dirigeait déjà vers le bungalow de sa mère, Ginette estima qu’elle était l’heureuse élue. Mais l’alcool, les émotions et la fête avaient entamé son degré d’amitié pour l’oncle Marcel : elle s’endormit sans même penser à l’étrangeté de la situation. Et comme ses trois compagnons, elle dormit d’un sommeil de plomb.
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roger
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Message par roger »

LE MONDE A L’ENVERS
de
Roger Schaëffer
CHAPITRE 19
retrait Le lendemain, on se prépara pour le départ. Il suffisait de descendre vers le portail, saluer au passage les amis et connaissances que l’on s’était faits, s’habiller et partir.

retraitSur le chemin, on rencontra bien sûr la chorale au grand complet qui s’autorisait une dernière partie de pétanque. Monsieur Loupiot accourra à la vue de Ginette en agitant ses bras squelettiques. Il était étrange de voir ce petit bonhomme à l’allure efflanquée se précipiter vers la seule femme qui n’était pas faite pour lui. Elle le dépassait facilement d’une bonne tête. Tout comme Marie-Josèphe et Yannick, Ginette aurait pu prendre le chef de chorale sous son bras sans le moindre effort. Et surtout elle avait des goûts auxquels il ne correspondait vraiment pas. La voix de la voisine avait eu sur lui l’effet d’un aimant. Elle était pour ce nouvel Ulysse, la Sirène de la mythologie, mais contrairement au héros de l’Odyssée le chef de chorale ne résistait pas au chant de sa contralto, elle n’aurait donc pas besoin de se suicider, ce que de toute façon elle n’aurait pas fait même dans le cas contraire. Il lui fit promettre de garder le contact en vue de la grande tournée sur la côte.

retrait— Je tiens à votre voix, nous allons la travailler et cet été, vous serez la reine de l’île du Levant, je vous le jure. Allez, je ne vous embrasse pas, mais le cœur y est tout de même. Et vous autres, soignez bien notre diva.

retraitSur ces bonnes paroles, il retourna vers les membres de la chorale qui l’attendaient pour finir la partie . Ginette rattrapa ses compagnons. Elle s’attendait bien sûr à une remarque de Marcel.

retrait— Ah, je te l’ai déjà dit, ma chère, tu as une belle carrière devant toi. Le rôle de Geneviève dans Pélléas et Mélisande, il est fait pour toi. À moins que tu te spécialises dans les chants religieux . Tu es bien partie avec le « Minuit chrétien ». Par contre, ne t’attends pas de chanter à la basilique Notre-Dame... À moins de changer l’uniforme de la chorale.

retraitTout en secouant la tête, elle écoutait en souriant les divagations de l’oncle, mais elle ne s’attendait pas à ce que sa petite voisine en rajoute.

retrait— On peut dire que ta fin de semaine ici t’a été profitable. Non seulement tu as une carrière de cantatrice, mais tu as subjugué les hommes du camp, ce monsieur Loupiot d’abord, mais aussi Yannick et enfin l’oncle Marcel si j’en crois certains bruits nocturnes.

retraitMais Valérie regretta ses dernières paroles. Elle avait oublié que son fils écoutait.

retrait— Hein ! Vous allez vous marier avec l’oncle Marcel ?Wôw, super. Je pourrai jouer à Four Crime toute l’année avec toi, mon oncle.

retraitGinette ne tint pas compte des projets de mariage. Elle se retourna plutôt vers sa voisine.

retrait— Tu peux bien parler, toi avec ton Luc. S’embrasser en public, sur une scène, devant tout le monde. Et à poil, en plus. Les bans ne sont pas encore publiés que vous y allez pour une bénédiction publique. Non ?

retraitCette fois, Jean-Michel se retourna vers sa mère.

retrait— C’est vrai, maman ? Tu vas te marier avec Luc ? Fantastique, je vais avoir des cours de natation gratuits. (puis là, le garçon fronça les sourcils), mais je me demande bien ce que Manu va faire. Tu sais, maman, il m’a posé pas mal de questions à propos de toi, le gérant de la coopérative.

retraitValérie était rouge comme un homard. L’oncle Marcel crut bon de remettre les pendules à l’heure.

retrait— Tu y vas bien vite mon neveu. On n’est pas encore aux noces. C’est toute une autre histoire que tu nous prépares là. Allez, dépêchez-vous d’arriver au restaurant si vous voulez manger une croûte avant de partir. Le buffet de monsieur de Mongeau a été bien entamé, hier au soir.

retraitL’oncle Marcel avait bien raison. Une bonne partie des occupants du camp se groupaient autour du buffet. Tout en grignotant les céleris et les carottes qui restaient, Valérie écoutait les vieilles dames du club de Lutèce lui donner les coordonnées de leur site internet. Constance crut bon de lui souligner subtilement que la vidéo de la crèche se trouvait sur le site. Jeanine, de son côté, chercha à recruter Ginette dans le club. Elle espérait peut-être ainsi profiter de nouvelles chansons paillardes. Flavie, en tant que présidente, n’était pas très sûre du bien-fondé de la chose. Mais sa petite-fille avait un tout autre argument.

retrait— Tu vas nous apprendre d’autres chansons. D’accord ?

retraitElle pensait aux comptines et non à l’artilleur. Puis elle sauta dans les bras de sa nouvelle amie, Ginette, qui n’en revenait tout simplement pas. Elle était loin du monde des boîtes de nuit, des amours éphémères. « Jusqu’ici, je vivais dans un tout autre monde. C’était peut-être ça le monde à l’envers » pensa-t-elle. Elle regarda avec tendresse sa petite voisine Valérie qui promettait à Luc d’aller à la piscine naturiste. Celui-ci était tout heureux, car il sentait bien que sa nouvelle amie allait faire un gros effort. La nudité n’était pas encore une habitude ancrée en elle.

retraitL’oncle rappela sa troupe. Il fallait partir. La voiture se trouvait dans le stationnement de l’accueil.
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roger
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Re: Histoire de Roger : Le monde à l'envers

Message par roger »

retraitArrivé là, chacun se rhabilla. Ginette fut la première à l’admettre.

retrait— C’est étrange comme on se déshabitue vite des vêtements, je crois bien que je suis devenue naturiste.

retrait— Je dirais plutôt nudiste, ma chère Ginette. Le naturisme, comme l’entendaient ses premiers adeptes, comprend la bonne alimentation, l’exercice physique, enfin bien d’autre chose que le fait d’être nu
.
retrait— Tu as raison, Marcel. Je suis devenue une nudiste. Pour le naturisme, c’est une tout autre histoire. Et toi, Valérie, où en es-tu dans ta transformation philosophique ?

retrait— Oh moi, je suis bien content de retrouver mon côté textile.

retraitGinette se retourna vers Jean-Michel. Le fils de sa voisine ne semblait pas pressé de se rhabiller. Il jouait avec un bâton trouvé par terre.

retrait— Eh bien, mon garçon, as-tu l’intention de rester ici ? Où sont tes vêtements ?

retraitSa mère le regarda.

retrait— Jean-Michel, veux-tu bien t’habiller.

retraitLes yeux à terre, il hésitait à répondre.

retrait— C’est que je ne sais plus où ils sont.

retrait— Comment cela ? Où les as-tu laissés ?

retrait— Je ne sais pas. Vendredi soir avec Philippe et Antoine, nous sommes allés à la piscine et au lac... Et ailleurs aussi. Sur le terrain de tir à l’arc peut-être ?

retraitL’oncle Marcel avait fini de s’habiller. Il regarda son neveu.

retrait— Eh bien, mon garçon, on ne va pas passer la journée à les chercher. Je crois que tu vas rentrer à Paris dans ton état de naissance.

retraitJean-Michel ne se laissa pas démonter par la proposition. Un petit sourire au coin des lèvres, il monta dans la voiture comme si de rien n’était. Valérie manqua d’étouffer, mais l’oncle Marcel lui fit un signe qui voulait dire « Ne t’en fais pas, rira bien qui rira le dernier . »

retraitChacun reprit donc sa place et la voiture franchit le portail du camp en direction de Paris. Il ne fut pas question de chansons au retour. La chaleur de la voiture avait un effet somnifère sur les occupants et Ginette devait faire des efforts pour ne pas s’assoupir. Les premiers kilomètres, Valérie regarda plusieurs fois son fils en se demandant bien comment il allait faire pour atteindre l’appartement sans se faire remarquer, puis tout comme l’oncle Marcel et Jean-Michel elle finit par tomber de sommeil. Ils se réveillèrent tous les trois en sursaut lorsque le moteur produisit des ratés. Marcel conseilla à Ginette de se stationner au plus vite. Heureusement, il n’était plus qu’à quelques kilomètres de leur destination. Ce fut l’oncle Marcel qui réagit le premier.

retrait— Zut de zut ! Nous avons oublié l’essence. Il aurait fallu s’arrêter en chemin. Eh bien ! Faisons contre mauvaise fortune bon cœur. Allez mon garçon et vous aussi les filles, nous allons devoir terminer le chemin pedibus jambis. Je reviendrai plus tard avec un jerrycan chercher la voiture.

retraitGinette et Valérie suivirent l’exemple de Marcel qui ouvrait sa portière. Il regarda son neveu.

retrait— Allez ouste, à la maison Jean-Michel.

retraitLe garçon jeta un regard paniqué sur le trottoir bondé de monde. Il avait prévu de passer du stationnement souterrain de l’immeuble à leur appartement, mais là, on en était encore loin. À tout moment, il pouvait voir apparaître un camarade de classe. Comment allait-il faire ? Ce fut la voisine qui lui donna la solution . Elle avait ouvert le coffre de sa voiture pour en extirper la robe de chambre. Il hésita. L’oncle l’encouragea en lui disant.

retrait— Sais-tu Jean-Michel ? Le ridicule n’a jamais tué personne.

retraitEt c’est ainsi que l’expérience naturiste de nos quatre amis se termina sur les trottoirs de Paris.

Eh bien voilà, c'est la fin de cette histoire. J'ai aimé l'écrire, moins la publier sur ce forum. Il y a surement une manière plus facile de transposer le texte d'un fichier à l'autre. Mais laissons cela. Qu'avez-vous pensé de ce texte ? Les personnages sont-ils crédibles ? Sont-ils trop nombreux et peut-on les confondre les uns avec les autres ? Même si c'est de la fiction, il y a beaucoup de moi dans les actions, les idées et les émotions exprimées par l'entremise des personnages. J'espère que vous vous êtes bien amusés. J'aimerais recevoir vos commentaires, à vous les habitués mais aussi aux lecteurs silencieux. Enfin, n'oubliez pas que ce roman est protégé par un copyright
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Michel Samuel
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Re: Histoire de Roger : Le monde à l'envers

Message par Michel Samuel »

personnellement j'ai bien aimé l'histoire, Les personnages sont correct et ne se contredisent pas (quelques fois avec des histoires de nouveaux hauteurs les personnages partent avec une certaine manière d'être et changent sans raison apparente. Ce n'est pas le cas avec tes personnages).

Le seul bémol que je pourrais dire (c'est encore mes gouts personnel) pour le format web (forum) certain paragraphe sont long. Pas que l'histoire (action) ne vient pas. Juste long il aurais pue être scindé en deux jour. Car pour un format livre un long chapitre ça passe mais pour le web le monde c'est habituer a du court.


Quand ils sont arrivé a la fin de leurs vacances à Paris. Je me suis dit zut c'est fini (déjà) et immédiatement je me suis demander si il étais pour avoir une suite. Que vas t'il se passer, Vont-ils recommencer leurs vacance nudiste, vont-ils aller a la piscine durant la saison froide, va-t-il avoir une idillie entre ________ et le maitre nageur, ou vas aller la cuisinière? un autre centre nat la famille vas t'elle aller la visité dans ce centre? et que vas devenir la directrice de ce centre vue qu'elle a perdu son autorité face a ses résidents (saisonnier).
Vivez nu. Vivez mieux
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roger
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Re: Histoire de Roger : Le monde à l'envers

Message par roger »

Merci, Michel, pour ton commentaire.
J’ai eu tendance à publier sur le forum des pages de plus en plus longues pour la simple raison. que j’étais de plus en plus tanné. En fait, cette histoire n’a pas été écrite pour être publiée sur l’internet. C’est un manuscrit de 70 000 mots environ qui était destiné à paraître en livre papier. Mais je n’ai pas trouvé d’éditeurs intéressés. C’est pour cela que vous en avez hérité. Je pense que « les trois mousquetaires chez les naturistes » correspondait mieux à la formule internet. Si j’avais à écrire sur le forum, c’est ainsi que je procéderais : 600 mots maximum par jour.
Pour ce qui est d’une suite probable au « monde à l’envers », j’avais déjà pensé à du naturisme urbain. L’immeuble de Valérie se transformerait en zone naturiste. Les idées que j’ai notées sont assez drôles (le beau Luc est dans le décor, Marie-Josèphe ouvre un restaurant au rez-de-chaussée et Ginette fait une folle d’elle), mais j’attends qu’un éditeur soit intéressé par le premier roman pour en écrire la suite.
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Cweole
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Re: Histoire de Roger : Le monde à l'envers

Message par Cweole »

Bonjour Roger,

Merci pour cette histoire dont j'ai été un lecteur assidu (bien que silencieux).

J'ai trouvé l'histoire drôle, bien écrite, cohérente et en tout cas très divertissante.
J'ai bien aimé les personnages (même si certains sont un peu trop caricaturaux) et, sans te connaître, je pense qu'il y a pas mal de l'oncle Marcel en toi. Les scènes se recoupent bien, ça tient la route.

Si je devais t'adresser une critique, ce serait peut-être la scène du spectacle qui est un peu longue.

Je t'encourage à continuer à écrire de nouvelles histoires (pas forcément une suite, ne te laisse pas enfermer) et à les publier. Bravo !
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roger
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Re: Histoire de Roger : Le monde à l'envers

Message par roger »

retrait Merci, Cweole pour ton commentaire. Les lecteurs ne s’imaginent pas combien il est réconfortant pour un raconteur d’histoires de recevoir des commentaires.
retraitDe ton commentaire je retiendrai surtout le mot « divertissant », car c’est justement ce à quoi nous nous attachons, nous les raconteurs d’histoires : distraire en égayant l’esprit, en détournant le lecteur de ses soucis. C’est du moins le sens latin de ce mot.
retraitPour ce qui est du côté caricatural des personnages, je me justifierais en disant qu’il s’agit d’un texte comique et que donc il est normal que l’on en souligne la description avec un trait plus soutenu. Mais je crois que j’ai un peu trop forcé la note en ce qui concerne mon amie Ginette. J’ai fait lire à une amie lesbienne le texte et elle s’est écriée que « plus butch que cela, tu meurs ». Yannick est aussi beaucoup trop caricatural : il représente le breton comme certains Français se l’imaginent. Étant né en Bretagne, je me souviens avoir entendu plusieurs fois la phrase : « J’ai connu un breton au service militaire. Il était toujours saoul. » Cela me faisait mal, car moi-même et les Bretons de ma génération nous ne buvions pas. Si je devais réécrire ce texte, je changerais ce personnage.
retraitPour ce qui est de l’oncle Marcel, oui, c’est moi, mais lui aussi est un peu caricatural, mais dans l’autre sens : je ne suis pas aussi bien qu’il paraît.
retraitLa description du spectacle est un peu longue, c’est vrai. Je crois que je me suis allé à un éloge dithyrambique de ma chanteuse préférée (Joséphine Baker). Je vais vous avouer quelque chose : je fantasmais sur elle durant mon adolescence. Sa danse avec la ceinture de bananes était la chose la plus osée à laquelle nous avions le droit à l’époque. Son rôle dans la résistance durant la Seconde Guerre fut aussi déterminant pour moi. En fait, elle était Brigitte Bardot avant l’heure : Bien qu'Américaine à sa naissance et surtout noire, elle était pourtant la figure la plus française de son époque.
Merci encore pour ton commentaire et je t’encourage à participer à ce forum plus souvent. Il y a, si je me souviens, un sujet présentation. Pourquoi ne nous parlerais-tu pas de toi ?
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Arkayn
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Re: Histoire de Roger : Le monde à l'envers

Message par Arkayn »

Je suis en plein déménagement et je n'ai toujours pas internet dans mon nouvel appartement. Mais dès que cela sera rétabli, je ne manquerai pas de commenter ton texte, Roger. Là, je squatte une connexion wifi et je ne voudrais pas abuser.

Mais déjà, le mot "divertissant" convient très bien à mon ressenti. J'avoue avoir attendu la suite chaque jour.
La vitesse de la lumière étant supérieure à celle du son, certains brillent en société... jusqu'à ce qu'ils l'ouvrent !
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