Histoire de Roger : Le monde à l'envers

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roger
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Re: Histoire de Roger : Le monde à l'envers

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Je voudrais m'excuser pour les heures de parution qui change à chaque jour. C'est dû à mes différentes activités. Par exemple aujourd'hui, je vais au cinéma à 13 heures, heure de Paris, ce qui correspond à 7 heures, heure de Montréal.

retrait Le breton avait eu la bonne idée de remplir sa tasse. Sans même s’asseoir, elle s’enfila la tasse au complet, cul sec. Valérie leva les sourcils d’étonnement.

retrait— Alors, tu lui as dit la vérité ? Je ne suis plus ta fille ?

retrait— Non Valérie, tu n’es plus ma fille. (Elle déglutit, fit une grimace avant de rajouter) Présentement, tu es ma belle-fille. C’est un progrès, non ?

retrait— Mais, mais, de quoi avez-vous parlé pour en arriver là ? Pas de généalogies, je suppose ?

retrait— J’ai fait mon possible Valérie, mais je ne sais pas pourquoi. Le paquet d’os m’a retourné comme une crêpe. Parlant de crêpe, où est notre ami le breton ? Je reprendrais bien un autre café, moi.

retraitL’oncle Marcel fronça les sourcils.

retrait— Ginette, tu ne veux pas prendre un petit déjeuner plus consistant ? Marie-Josèphe pourrait...

retrait— Non merci ! J’ai juste besoin d’un remontant. Allez, je dois vous laisser. Ce soir je remporte le concours d’amateurs.

retrait— Hein ! Le concours... ? s’écrièrent Marcel et Valérie

retrait—... D’amateurs, oui monsieur, oui madame. Je vais chanter ce soir et enterrer la de Mongeau. Je vais passer la journée à me préparer pour le concours. On se revoit ce soir. J’ai juste besoin d’un petit quelque chose pour la route.

retraitSur ce, Ginette prit la direction des cuisines en tenant fermement sa tasse de café dans la main. Ses deux compagnons de table la regardèrent disparaître derrière le comptoir du bar. Valérie n’en revenait pas.

retrait— Mais qu’a-t-elle voulu dire avec la de Mongeau ?

retrait— Valérie, ta voisine n’a pas digéré les remarques d’Adeline, je suppose. Celle-ci remporte chaque année un concours d’amateurs en dansant avec ses garçons. Et comme l’autre là-bas, le monsieur lui a fait compliment pour sa voix de contralto, elle va sans doute faire partie ce soir de son chœur. C‘est tout un défi. Mais ce qui m’inquiète, c’est son détour par le bar de Yannick. Je crois que je vais l’accompagner, pas pour la seconder dans le chant, mais pour l’aider à maintenir sa station debout . Elle va en avoir besoin. Tu viens avec nous ?

retraitValérie regarda vers la table où était assis son fils. Mais il avait disparu. Elle se retourna vers son oncle.

retrait— J’aurais préféré me rabibocher avec Jean-Michel. Il n’a pas trop digéré que je l’appelle Michou devant ses copains . Malheureusement, je crois bien qu’il a disparu avec eux.

retrait— Oh, en règle générale, dans les camps naturistes, l’endroit préféré des enfants c’est la piscine. Tu suis le sentier à droite de la prairie. Tu ne peux pas la manquer. Bon, eh bien moi, je te quitte. Je crois bien que ta voisine va avoir besoin d’un soutien.

retraitValérie regarda son oncle s’éloigner vers la cuisine. Elle lui poussa sur un ton narquois : ‘D’avoir partagé un bungalow semble vous avoir rapproché.’ Mais c’était oublier le talent de répartie de son oncle. Il se retourna et sur le même air narquois il lui relança : ‘Chacun son tour, ma nièce, chacun son tour’.

retrait Elle rougit, car c’était vrai ; elle avait partagé elle aussi un lit avec Ginette. Tout autour d’elle, la salle s’était remplie. Des familles, parfois sur trois générations, des personnes âgées aussi, des célibataires, en grande majorité des hommes. Les femmes seules devaient être gênées de faire du naturisme. Elle comprenait cela. Sans l’oncle Marcel, sans Jean-Michel, elle n’aurait jamais osé se mettre dans la situation où elle était présentement : assise dans un restaurant sans le moindre vêtement. Accompagnée de Ginette et Marcel, elle avait oublié qu’elle était nue, mais là, seule à sa table, dans l’obligation de se lever, de traverser la salle avec tous les regards posés sur elle, ce n’était pas évident. Pourtant elle allait devoir le faire. ‘Bon, allons-y !’, pensa-t-elle. Mais elle ne bougea pas. La serviette de table posée sur le haut de ses cuisses, elle cachait son pubis ; les bras posés sur le rebord de la table, elle dissimulait sa poitrine. La veille au soir, elle avait pu se servir de sa serviette de plage pour traverser la salle. Mais le minuscule carreau de tissu que Marie-Josèphe leur avait posé sur la chaise ne cacherait pas grand-chose du corps de la jeune fille.

retraitPensant à l’Antillaise, Valérie la vit subitement apparaître et se diriger vers elle.

retrait— Ah mais ! Où sont vos parents, jeunes filles ? Je venais justement...

retrait— Marie-Josèphe, laissez-moi vous préciser une chose : Ginette et Marcel ne sont pas mes parents.

retrait— Hein ! Mais alors, pourquoi m’avez-vous laissé croire une pareille chose ? J’ai dû passer pour une imbécile.

retrait— Marie-Josèphe, je ne veux pas vous paraître insolente, mais vous ne nous avez pas laissé le temps de vous corriger. Vous parlez, vous parlez.

retrait— Ah oui ? Je parle tant que ça ? C’est drôle que personne ne m’en ait jamais fait la remarque.

retrait— Vous ne leur en avez pas laissé l’occasion, peut-être.

retrait— Je trouvais bizarre aussi que Marcel ne nous ait jamais parlé de vous et de votre mère . Je comprends maintenant. Allez, je m’assieds une minute et je vous écoute.

retrait— Oh, c’est très facile. Marcel est mon oncle, un oncle éloigné quand même. Ginette est ma voisine. Un concours de circonstances (Valérie rougit en pensant aux détails) a fait que nous avons décidé de suivre l’oncle Marcel. Voilà pour ce qui est des liens entre nous. Ah oui ! J’ai aussi un fils, Jean-Michel que vous avez pris pour mon frère hier soir.

retrait— Bon, maintenant que c’est clair dans ma grosse tête. Je répète ma question : où sont votre oncle et votre voisine ?

retrait— Ginette, c’est le nom de ma voisine, est partie à une répétition de chant au chalet d’accueil et l’oncle Marcel a tenu à l’accompagner.

retrait— Tiens, comme c’est bizarre ! Mon mari d’ivrogne est lui aussi allé au chalet. Je me demande bien pourquoi. Il est loin d’avoir une voix de ténor. Et vous, je suppose que vous allez les rejoindre.

retrait— Non, je voulais aller à la piscine. Mon fils doit y être.

retrait— Ah, quelle coïncidence ! Je me préparais à y aller. Je ferme la cuisine tous les matins pour aller une heure à la piscine. Mon négrillon dessert la salle, fait la vaisselle et quand je reviens, je reprends mon rôle d’esclave derrière les fourneaux.

retrait— Votre négrillon ?

retrait— Ah, c’est vrai. Vous ne le connaissez pas. C’est mon fils que j’appelle ainsi . Pour l’habituer à encaisser les coups. Un jour, les enfants de la de Mongeau l’ont traité de négrillon. J’ai eu beau en parler au conseil d’administration du camp. Comme cette madame finance les déficits, ils ont minimisé l’affaire. ‘Querelle d’enfants’, ont-ils dit. Si j’étais vous, je me méfierais de ces deux gamins. Bon, allons-y. Allez, debout.

retraitValérie ne bougeait pas. Elle était paralysée par la peur de se montrer. Pourtant elle était venue jusqu’ici, mais c’était entraîné avec d’autres, son fils, Marcel ou Ginette. Là, sans serviette pour se cacher au moins le devant du corps...

retrait— J’ai oublié ma serviette... Vous au moins vous avez votre tablier...

retrait— Mon tablier, mon tablier. Croyez-vous que je vais aller à l’eau avec mon tablier ?

retraitMarie-Josèphe, d’un geste théâtral, lança dans les airs le seul tissu qui la cachait. Valérie n’en revenait pas. L’Antillaise avait d’énormes seins qui tombaient, un ventre à multiples plis et pourtant elle ne vit aucune gêne dans les yeux de sa compagne. Celle-ci au contraire souriait de toutes ses dents devant les yeux ahuris de la jeune fille.

retrait— Vous voyez, c’est facile, le naturisme. Il suffit d’enlever ses vêtements.

retraitLà, Valérie esquissa un sourire. Marie-Josèphe venait de répéter mot à mot ce que Jean-Michel lui avait dit à son retour de la piscine à Paris. À propos de lui, elle se devait de passer la journée auprès de son fils, retrouver la complicité qu’elle avait partagée avec lui depuis sa naissance, renouer le lien, surtout que ce qu’elle avait entendu dire de madame de Mongeau et de ses fils ne lui plaisait pas trop. ‘Allez debout les gars, réveillez-vous, on va au bout du monde !’ pensa-t-elle pour s‘encourager, en se rappelant la chanson d’Hugues Aufray. Elle décroisa ses bras, appuya ses mains sur le rebord de la table et se leva. La serviette de table qu’elle avait posée sur son pubis tomba à terre, elle était nue comme le premier jour de sa naissance et le monde n’avait pas explosé autour d’elle. Marie-Josèphe entoura de son bras ses épaules comme l’avait fait Ginette un peu plus tôt, mais Valérie cette fois là n’en ressentit aucune gêne. La cuisinière avait tout simplement une attitude maternelle envers elle. Elles traversèrent tranquillement la salle, saluant les derniers convives. Marie-Josèphe la présentait et certaines femmes se levaient pour l’embrasser. Le contact des deux poitrines n’avait rien de sensuel. La petite fille qui lui avait souri à son entrée dans le restaurant était toujours là. Valérie s’approcha d’elle et l’embrassa. Puis lui faisant un signe de la main, elle suivit la cuisinière sur le chemin de la piscine.
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LE MONDE A L’ENVERS
de
Roger Schaëffer
CHAPITRE 11

retrait Marie-Josèphe l’attendait en parlant avec un jeune adolescent de race noire . « Sans doute le négrillon », pensa Valérie en souriant intérieurement. La cuisinière confirma en le lui présentant.

retrait— Valérie, je vous présente Erwan, mon fils à moi. Comme vous pouvez le constater, il n’est pas aussi noir que cela. Il a du sang breton dans les veines aussi, mon négrillon.

retrait— Oh ! Maman, arrête avec ça. Oublie les .
retrait— Tu vas voir si je vais oublier l’insulte. Si ces deux gamins t’ont traité de négrillon, c’est sûrement que leur mère ne s’est pas privée de le faire devant eux. Je vais me venger un de ces jours et même peut-être dès ce soir.

retrait— Pas à la fête ce soir ? Maman ! Tu vas encore nous faire honte.

retrait— Ne t’inquiète pas mon chéri. Allez, va t’occuper du restaurant. N’oublie pas de refaire du café si les gens en redemandent. Allez, ouste !

retraitValérie le regarda s’en aller. Il portait un bermuda sous son tablier. Marie-Josèphe lui expliqua.

retrait— Les adolescents ont parfois une période de gêne. Votre fils passera par là lui aussi dans deux ou trois ans, vous verrez.

retrait— Vous parliez de vous venger ce soir. Est-ce que ce serait indiscret... ?

retrait— Pas du tout ma chère . Lorsque j’ai connu mon mari Yannick, j’étais une femme mince et d’une certaine façon assez sexy. Il est tombé fou amoureux de moi. Il m’appelait sa « Joséphine à lui » à cause de mon prénom bien sûr, mais surtout en référence à Joséphine Baker. Dans l’intimité, j’avais l’habitude de lui faire de petites danses pour l’exciter. Je me suis rappelé cela il y a quelques jours et j’ai acheté un gros sac de bananes. Vous vous souvenez de Joséphine Baker qui dansait avec autour de la taille un régime de bananes ?

retrait— Je ne l’ai jamais vue, mais j’en ai entendu parler, oui.

retrait— Eh bien ! Ce soir, je vais chanter « La petite Tonkinoise » avec comme pour tout vêtement un chapelet de bananes.

retraitValérie n’en revenait pas. Elle était abasourdie. La bouche ouverte, elle regardait sa compagne et levant un doigt elle voulut faire un commentaire. Mais Marie-Josèphe l’arrêta.

retrait— Oui, je sais ce que vous allez dire. J’ai perdu ma taille de jeune fille, mais c’est cela que je veux. Ce soir, je vais faire une parodie de la vraie Joséphine Baker. On ne va pas me comparer à elle. On va rire de la caricature que je vais en faire. Vous allez voir tous les hommes vont voter pour moi et si j’en crois mon soûlon de mari, j’ai encore un côté sexy malgré mon poids. Allez, ouste ! Avançons sinon je vais être obligé de retourner à mes fourneaux sans ma trempette quotidienne.

retraitLes deux femmes accélérèrent le pas, mais la plus jeune se posait encore des questions .

retrait— Votre fils a dit : « Tu vas encore nous faire honte ». Est-ce que... ?
retrait— Oh ça ? Une broutille entre son père et moi. Vous avez sans doute remarqué que mon mari a un petit penchant pour l’alcool. À une de ces soirées, il avait plus qu’abusé de la boisson. Moi, de mon côté, j’étais un peu plus énervé que d’habitude. Eh bien... Eh bien... Oui, j’avoue. J’ai fait une folle de moi. La grosse négresse que je suis a perdu patience. J’ai engueulé Yannick comme du poisson pourri. Je lui ai envoyé une couple de mornifles sur la tronche et comme, il y a une différence de stature entre lui et moi, vous avez dû le remarquer. Eh bien ! Comme il n’était plus capable de se mettre debout tellement il était saoul, je l’ai pris sur mes épaules et nous sommes partis ainsi. La salle était remplie de monde. Je comprends que mon fils ait pu être traumatisé. Mais ce soir, vous allez voir, il va être fier de sa maman.

retrait— Vous croyez ?

retraitMarie-Josèphe partit à rire et Valérie la suivit dans son débordement de joie.

retrait— Ma chère Valérie. Ou alors il va être fier de sa grosse maman antillaise, ou alors il fait une demande pour être adopté par un couple en Australie. Tenez, voilà la piscine. On est en fin de saison. Il n’y a presque personne. Je ne vois pas votre fils et ses copains. Ceux-là j’aurais aimé les noyer. Malheureusement, ils savent nager.

retraitLa pudeur de la jeune fille la reprit à la vue des rares nageurs et en particulier d’un jeune homme qui se tenait sur le bord de la piscine. C’était celui qui avait accueilli leur voiture la veille. Il avait passé la vingtaine, était passablement musclé et Valérie ne put s’empêcher de baisser le regard vers ce qui ailleurs aurait été caché. « C’est un très beau jeune homme », pensa-t-elle et la jeune fille constata avec bonheur que sa petite expérience avec Ginette ne l’avait pas dégoûté du sexe opposé . Les yeux dans le vague, elle se remémora son expérience traumatisante avec le père de son fils. Depuis, sa timidité et surtout la peur l’avaient empêchée de connaître un autre homme. Une voix mâle et assurée la sortit de son hébétude.

retrait— Mademoiselle, n’oubliez pas la douche avant d’entrer dans l’eau.

retraitC’était le jeune homme qui la regardait en souriant. Valérie rougit comme seules les rousses savent le faire. Il n’y avait aucune curiosité malsaine dans ce regard-là. Mais peut-être une saine admiration. La jeune fille le savait ; les hommes... et les femmes comme Ginette l’admiraient. Les autres femmes avaient une tendance soit à la jalouser, soit à la considérer comme une enfant.

retrait— Oui, je sais. Mon fils m’a déjà expliqué...

retrait— Ah ! Vous allez à la piscine naturiste à Paris.

— Euh non. À la piscine normale. Enfin, je veux dire à la piscine textile.

retraitValérie était vraiment inconfortable. Elle était nue ; il était nu. C’était la première fois qu’elle parlait avec un jeune homme de sa génération ou presque et qui ne la laissait pas indifférente. Elle se précipita sous la douche que sa compagne venait de quitter et fut saisie par le jet d’eau froide qui en sortait. « Au moins, cela va me calmer », songea-t-elle alors qu’elle pénétrait dans l’eau. Le fond de la piscine était en pente. Elle se réfugia au niveau où sa poitrine était submergée par la surface de l’eau. C’était comme si elle était habillée. Marie-Josèphe s’approcha d’elle en se tenant prudemment au bord. Contrairement à son habitude, elle parla à la jeune fille à voix basse.

retrait— Sais-tu nager, toi ? Moi dès que je quitte la partie peu profonde je panique et je coule comme une pierre.

retrait— Moi non plus. Jean-Michel m’a emmené souvent à la piscine, mais je reste sur le bord. En fait, j’y vais plus pour lui que pour moi. L’oncle Marcel l’a emmené l’autre jour à une piscine à Paris, naturiste comme ici . Il paraît qu’il lui a appris à faire la planche. Je pensais le voir ici avec ses deux copains .

retrait— Comme le concours amateur a lieu ce soir, les deux petites pestes doivent être en train de répéter avec leur mère pour ce soir. Ton fils a dû les accompagner.

retrait— Toi, tu ne répètes pas ?

retrait— Pourquoi ? Pas besoin de maquillage. J’ai la peau aussi noire que la vraie Joséphine. Pour la danse, chaque fois que mon alcoolo de mari veut faire gouzi-gouzi, je lui exécute la danse pour le faire... enfin, tu me comprends. Quant à la chanson, je la chante régulièrement devant mes fourneaux. Ah non ! Je suis archiprête. Il y a juste la ceinture de bananes à fixer et hop, c’est parti. Parlant de bananes, il faut que je m’en aille. J’ai la mise en place à préparer pour ce midi au restaurant et je vais faire un punch aux fruits pour ce soir. J’espère que mon zouave de mari a acheté le rhum. Et toi, tu n’as pas pensé à nous faire un petit numéro, par exemple avec Marcel ?

retrait— Oh, je n’oserais jamais monter sur une scène sans... sans rien sur moi. C’est déjà assez gênant comme cela sur le plancher des vaches.

retrait— Mais raison de plus pour foncer. La terre t’appartient. Moi si mes ancêtres avaient attendu que des Adeline de Mongeau me donne ce à quoi ils avaient droit, je serais encore à couper de la canne à sucre. Tiens ! Pourquoi ne danserais-tu pas avec moi sur scène ce soir ? Ce serait comique. Moi la grosse noire et toi la petite blanche, tout un contraste ! On aurait un succès fou toutes les deux. Allez ! Tiens, je vais te préparer une ceinture de bananes au cas où. Bon, il faut que je m’en aille. Profite bien de la piscine. Et parlant de piscine, si j’étais toi, j’irais dans la partie profonde. Je coulerais au beau milieu et j’en suis sûr qu’un beau maître-nageur viendrait assez vite à ta rescousse.

retrait— Comment cela ?

retrait— Le beau Luc, le jeune homme à qui tu viens de parler est le maître-nageur du camp et il ne t’a pas lâchée du regard depuis ton entrée dans la piscine. Il a l’air d’en pincer pour les petites rousses plutôt que pour les grosses noires. Allez ! Bonne chance, jeune fille.
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retrait Les paroles de Marie-Josèphe paralysèrent Valérie. Elle n’osa même pas la regarder partir. L’échelle de la piscine se trouvait dans la direction où se tenait le jeune homme. Elle préféra fixer le rebord le plus proche d’elle. Adolescente, elle avait regardé avec ferveur la série télévisée « Alerte à Malibu », enfin lorsque sa mère était aux champs ou au temple. Elle avait rêvé de ressembler à Pamela Anderson ou de s’évanouir dans les bras du beau lieutenant Mitch Buchannon. Malheureusement, elle n’était pas devenue Pamela. Mais elle pouvait se consoler. Si son corps ne s’était pas aussi bien développé qu’elle aurait voulu, la jeune fille était assez fière de sa poitrine. Alors qu’elle en était à se remémorer ses fantasmes de jeunes adolescentes, le « Buchannon » de service suivit le rebord de la piscine jusqu’à elle. Ils étaient seuls. Qu’allait-il faire ? Comment allait-elle réagir ? D’un côté, ils étaient tous les deux majeurs et une petite aventure avec le jeune homme ne lui déplairait pas. L’autre soir, Ginette avait réveillé les sens endormis de Valérie. Elle se mit à trembler de nervosité.

retrait— Vous avez froid ?

retrait Le jeune homme s’était approché. Maintenant, les yeux de Valérie étaient posés sur les pieds du fameux Luc. De beaux pieds, manucurés et bronzés, les chevilles étaient musclées, les genoux... Non, il ne fallait pas … poser le regard plus haut. Valérie fixa le rebord de la piscine. Elle hésita à répondre.

retrait — Non, pas trop. Le manque d’habitude, sans doute.

retraitElle ne savait pas pourquoi, mais elle avait eu envie de répondre oui. Il aurait plongé et serait venu l’entourer de ses bras pour la réchauffer. «Faire ça dans la piscine : Wow». C’était ridicule, un vrai fantasme de midinette. Il aurait été plus rationnel de sortir de l’eau si elle avait froid, mais alors elle aurait été nue devant lui et là aussi, il l’aurait entourée de ses bras. « Voyons Valérie, tu t’emballes ! » Elle ne savait pas quoi dire ou quoi faire. C’est lui qui brisa le silence.

retrait— Vous nagez ?

retrait— Euh non. J’aurais besoin de suivre des cours.

Inconsciemment, elle venait de lui tendre une perche. En tant que sauveteur, il donnait sûrement des cours.

retrait— Monique en donnait cet été. Mais la saison est finie.

retraitValérie fixait toujours les pieds du garçon, car elle savait que si elle le regardait dans les yeux, son regard serait forcément attiré par le pénis du jeune homme qui se trouvait à mi-chemin, vu qu’elle se trouvait en contre-plongée. Elle continua à lui parler comme si de rien n’était, tout en sachant qu’il n’y avait rien de naturel dans leurs échanges.

retrait-Monique?

retrait- Oui, ma collègue ici.

retrait— Mais vous ? Vous n’en donnez pas des cours ?

retrait— Ici au camp on préfère que les garçons donnent les cours aux garçons et les filles aux filles. Mais de toute façon, la saison est finie pour moi aussi. On ne donne plus de cours. D’ailleurs, je ne suis pas ici aujourd’hui en tant que sauveteur. Quand nous sommes en service, nous gardons notre maillot de bain.

retrait— Ah bon !

retrait— Vous avez l’air d’être déçue ?

retrait— Euh non ! Mais mon fils a appris l’autre jour à faire la planche avec son oncle. J’aurais pu lui faire une surprise en apprenant la natation.

retrait— Vous voulez parler du petit garçon blond qui était à la piscine naturiste avec Marcel l’autre jour.

retrait— Oui, en effet. Vous les avez vus ?

retraitValérie était persuadée qu’elle venait de faire une bêtise. Les jeunes hommes célibataires ne devaient pas être très chaud de fréquenter des mères de famille. Elle ne pouvait plus nier. Mais le jeune homme ne fit aucun geste de recul. Au contraire, il décida de s’asseoir sur le rebord de la piscine, un peu à la gauche de la jeune fille. Elle détourna le regard, mais maintenant qu’il avait les pieds dans l’eau, sa cuisse cachait son pubis. Il continua à lui parler.

retrait— À l’automne, je suis engagé comme maître-nageur à la piscine de Paris. C’est pour cela que je les ai vus. J’ai dû d’ailleurs intervenir parce que votre fils et les petits de Mongeau chahutaient un peu trop.

retrait— Oui, Jean-Michel me l’a dit.

retrait— Se connaissent-ils depuis longtemps, les de Mongeau et lui ?

retrait— Non, c’était leur première rencontre. Mon oncle connaît leur mère . Pourquoi me demandez-vous cela ?

retrait— Je ne voudrais pas vous inquiéter, mais ici ou à Paris, nous avons régulièrement des problèmes avec eux.

retrait— C’est étrange parce que Marie-Josèphe, vous savez la cuisinière avec qui j’étais tout à l’heure...

retrait— Oui, oui, je la connais. Je la conduis souvent pour ses courses quand son mari est indisposé.

retrait— Eh bien, elle me disait que les deux jeunes avaient eu des propos racistes envers son fils.

retrait— Oui, je me souviens. C’est bien malheureux. Le conseil a minimisé l’affaire parce que le mari de madame de Mongeau finance beaucoup le camp. J’ai peur que le bail du restaurant ne soit renouvelé la prochaine fois. Yannick et elle pourraient bien ouvrir un restaurant à l’extérieur. Leur cuisine est réputée. Tout à l’heure, vous en a-t-elle parlé ?

retrait— Non, je ne la connais que depuis hier. Nous parlions du concours d’amateurs.

retrait— Ah, aurait-elle l’intention de s’y inscrire ?

retrait— Oui. Elle voudrait faire une parodie de Joséphine Baker. Vous savez, la fameuse danse avec des bananes autour de la taille ?

retrait— Bonne idée ! Et vous qu’allez vous faire ce soir ?

retraitLe simple fait d’y penser fit rougir Valérie.

retrait— Oh moi, j’ai vraiment trop de pudeur. Je n’oserais pas.

retrait— Est-ce à cause de votre pudeur que vous préférez devenir bleu de froid plutôt que de sortir de l’eau ? Allez, donnez-moi la main et venez vous asseoir ici.

retraitElle tendit le bras et le jeune homme la tira hors de la piscine. Le coup de main de son compagnon avait été trop viril. Elle se retrouva collée peau à peau au jeune homme. Ils restèrent tous les deux figés par la surprise, les yeux dans les yeux, la bouche ouverte, comme pour parler. Un moment, elle crut qu’il allait l’embrasser, mais il rougit et relâcha son étreinte. Elle s’assit à ses côtés en laissant un espace entre eux.

retraitLe cœur de Valérie battait la chamade. Elle eut peur que cela se voie et serra ses bras contre sa poitrine. Les yeux fixés sur la surface de l‘eau, elle se mit à penser. « Si nous avions eu un maillot de bain, je parie que nous nous serions laissés aller à des gestes. C’est étrange, le naturisme. Nous sommes dans la tenue parfaite pour vivre notre sexualité et c’est le contraire qui arrive. On est deux fois plus pudiques. » Le garçon était lui aussi silencieux. Avait-il ressenti les mêmes émois que Valérie ? Finalement, il revint sur le sujet de la soirée.

retrait— Je voulais chanter ce soir. Plusieurs trouvent que j’ai une voix faite pour chanter.
retrait— Mais pourquoi ne chantez-vous pas avec le chœur ? Mon amie Ginette va en faire partie ce soir.

retrait— Je serais plutôt dans le style variétés ou même comique troupier, des chansons légères, vous voyez ? Le chœur fait dans les cantiques de Noël ou dans la musique religieuse . C’est un peu trop sérieux pour moi. Sur quelle musique Marie-Josèphe va-t-elle danser ?

retrait— Elle va chanter « La petite tonkinoise », je crois.

retrait— Oh oui ? Ce serait pas mal dans mon style. Je me demande si Marie-Josèphe n‘accepterait pas de chanter en duo avec moi.

retraitLe jeune homme resta quelques secondes silencieux puis se pencha vers Valérie pour ajouter.

retrait— Ou même un trio. Qu’est-ce que vous en dites ? À trois ce serait moins gênant pour vous, non ?

retrait— Oh non, c’est impossible. Je ne sais pas chanter. J’ai un minuscule filet de voix. À Mobrac, le village d’où je viens, j’étais incapable de chanter les psaumes au temple. Finalement, ma mère et le pasteur m’ont fait suivre des cours et c’est moi qui tenais l’orgue durant les offices.

retrait— Mais c’est encore mieux ! Si vous avez suivi des cours, vous savez lire une partition. Vous serez au piano sur scène. Assise, ce sera beaucoup moins gênant. Allez, dites oui.

retraitValérie le regarda du coin de l’œil. Se retrouver sur une scène la faisait paniquer. Mais d’un autre côté, ce serait une bonne façon de tisser un lien avec le fameux Luc. En plus, son fils serait fier de sa mère s’il la voyait dans le spectacle. Elle hésitait.

retrait— Je ne sais pas. Je ne dis pas oui.

retrait— Bon bravo. Allez, venez. Nous allons voir Marie-Josèphe. Elle va accepter de nous intégrer à son numéro.

retrait— Mais, mais je n’ai pas dit oui.
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pppppp Valérie, en se levant, n’en revenait pas. La même scène qui avait eu lieu avec son fils quelques jours auparavant se répétait. Comment se faisait-il que lorsqu’elle déclarait « je ne dis pas oui », le monde prenait cela pour une acceptation. « Il va falloir que j’apprenne à dire non », pensa-t-elle. Mais c’est vrai qu’elle aimait trop son Jean-Michel pour lui refuser la moindre de ses lubies. Et aujourd’hui, quelque chose lui disait que le jeune homme allait entrer dans la même catégorie que son fils.

ppppppIl marchait en avant de la jeune fille sur le sentier qui les menait au restaurant. Valérie avait les yeux fixés sur les fesses de son compagnon lorsque celui-ci se retourna brusquement. Elle releva la tête et le regarda dans les yeux. Aurait-il deviné qu’elle fantasmait sur son corps ? Non, c’était toute autre chose qui préoccupait le jeune homme.

pppppp— Je suis stupide. Nous allons nous associer dans un spectacle et nous ne connaissons pas nos noms. Je ne me suis même pas présenté. Mon nom est Luc.

pppppp— Marie-Josèphe me l’avait dit. Moi, c’est Valérie.

ppppppElle crut un court instant qu’il allait sceller l’association par un baiser, mais il se contenta de lui serrer la main. Elle en fut déçue. Le baiser restait au stade du fantasme... pour l’instant. Il reprit le chemin jusqu’au restaurant tout en apportant à la jeune fille un semblant de rapprochement.

pppppp— Nous pourrions nous tutoyer, qu’en pensez-vous ?

pppppp— Oui bien sûr, cela me ferait plaisir.

ppppppPauvre petite Valérie ! Ce n’était pas du plaisir qu’elle ressentait, mais une joie profonde .

ppppppIls entrèrent dans la salle. La cuisinière était à ses fourneaux. Elle ronchonnait toute seule, car son « ivrogne de mari n’était pas là pour l’aider à faire la mise en place ». Il était difficile pour les deux jeunes gens de la déranger. Ils décidèrent de se rendre au chalet d’accueil. Luc s’expliqua.

pppppp— Il y a un branchement internet dans le bureau. Je vais imprimer la partition de « la petite tonkinoise. » Ainsi, tu pourras t’entraîner à la jouer cet après-midi.

pppppp— Mais Luc, tu oublies que Marie-Josèphe ne nous a pas donné son accord.

pppppp— La connaissant, ce sera oui. Mais pour être sûr, je vais chercher une autre chanson que nous pourrions présenter tous les deux au cas où. Tiens, nous arrivons. J’entends de la musique.

pppppp— Oui, c’est vrai. Ginette m’a dit qu’elle répéterait avec le chœur. Marcel doit être là aussi. Justement, je le vois à la porte. Il a l’air inquiet. Je me demande pourquoi.

ppppppLes deux jeunes gens s’approchèrent. Marcel avait la tête baissée et écoutait la voix qui chantait le « Minuit Chrétien » à l‘intérieur du chalet. Valérie et Luc s’attentionnèrent eux aussi. Lorsque le silence revint, les deux jeunes gens se regardèrent. Valérie s’écria

pppppp— Mais c’est magnifique. Quelle voix ! Est-ce que c’est Ginette ?

ppppppL’oncle Marcel hocha de la tête.

pppppp— Oui, ma chérie. C’est bien Ginette.

pppppp— Avec une voix pareille, il n’y a pas de doute. Le chœur va gagner le concours ce soir. Qu’est-ce que tu en penses, toi Luc ?

pppppp— Oui, aucun doute. C’était la voix qui leur manquait. Cette année, ils vont gagner.

ppppppValérie ne comprenait pas le visage inquiet de son oncle. Ce dernier crut bon de lui confier ses réserves.

pppppp— En fait, Ginette a une voix magnifique. Mais le problème, c’est qu’elle fausse sur toutes les notes ou presque.

pppppp— Mais voyons donc ! Si la voix que l’on vient d’entendre est bien la sienne, il n’y a pas eu une seule note fausse ou alors c’est un miracle.

pppppp— Oui, tu as raison, ma chérie. C’est un miracle et il s’appelle Yannick.

pppppp— Comment cela ?

pppppp— Tu connais le penchant pour l’alcool de ta voisine, ma chérie. Eh bien ! Mon ami Yannick lui a fourni de la gnole depuis ce matin dans une telle quantité que cela a fait disparaître la propension à faire des fausses notes de notre amie Ginette. Toutes ses inhibitions se sont envolées. Elle a pris de l’assurance et vous venez d’entendre le résultat.

pppppp— Mais c’est le résultat qui compte. Ce soir, Ginette et le chœur vont gagner.

pppppp— Le seul problème que je vois. C’est que présentement nous sommes à midi et le concours n’aura lieu que ce soir. L’alcool, c’est comme la nitroglycérine, c’est très instable.

ppppppMarcel fit une pause et reprit

pppppp— Je connais un autre élément qui peut exploser à tout moment : Marie-Josèphe. Lorsqu’elle va apprendre que Yannick a poussé Ginette à boire, j’ai bien peur que nous ayons le droit à toute une scène de ménage ce soir pendant le concours.

ppppppLuc, qui avait assisté quelques semaines plus tôt à l’algarade entre Marie-Josèphe et Yannick ne put que confirmer les craintes de l’oncle. Il se tourna vers la jeune fille.

pppppp— On aura l’air fin si notre amie s’en prend à son mari durant notre numéro.

pppppp— Mais Luc, je n’ai pas dit oui pour monter sur scène.

ppppppLes deux jeunes gens sursautèrent en entendant une voix s’écrier.

pppppp— À quoi n’as-tu pas dit oui, Valérie ?

ppppppIls se tournèrent vers Marcel et découvrirent Ginette qui se tenait derrière lui dans l’encadrement de la porte. Elle était visiblement en colère. Elle entourait de son bras protecteur les épaules du vieux monsieur qui arborait une expression entre le plaisir d’avoir entendu une très belle version du « Minuit Chrétien » et l’inquiétude de l’état éthylique de sa contralto. Luc, qui ne connaissait pas Ginette, répondit innocemment.

pppppp— Oui, j’ai l’intention de proposer à Marie-Josèphe de former un trio avec elle pour ce soir. Valérie sera au piano.

ppppppLa jeune fille ferma les yeux en voyant l‘expression de sa voisine. Le visage de Ginette s’empourprait. Les yeux remplis d’angoisses de Valérie faisaient l’aller et retour entre Luc et sa voisine. Elle détestait les conflits et elle sentait bien qu’un gros nuage s’amoncelait sur sa tête. Elle crut bon de répéter ce qu’elle avait déjà dit

pppppp— Mais je n’ai pas dit oui.

pppppp— Eh bien ! Tu vas dire non, niet, nada parce que si tu me fais de la concurrence ce soir, je te préviens, toi et ton... Michou, vous rentrez à pied à Paris.

ppppppTout le monde resta abasourdi devant la sortie de Ginette. L’alcool n’avait pas seulement fait de l’effet sur la qualité de sa voix. Il avait démultiplié son ego. Il n’était plus question de reculer. Ce soir, elle chanterait le Minuit Chrétien et elle enterrerait la de Mongeau. La question de la nudité ne la dérangeait plus. Sous l’effet de la boisson, le monde lui appartenait.

ppppppLuc restait bouche bée. Il aurait voulu dire à sa nouvelle amie que la question de la voiture n’était pas un problème. Lui-même rentrerait à Paris le lendemain, mais la colère de Ginette était trop violente pour discuter de ce point de détail. Marcel restait immobile. Son expérience passée de l’alcoolisme lui conseillait la prudence. Un mot compris de travers pourrait envenimer les choses. Il se rappela une phrase d’Hemingway : « En vieillissant, ce n’est pas plus sage que l’on devient, mais plus prudent ». Le vieux monsieur de son côté avait le visage atterré. Il s’apercevait trop tard de la bêtise qu’il avait fait d’inviter Ginette à chanter, mais en ce moment, comme celle-ci le tenait fermement par les épaules, il préféra se taire lui aussi. Valérie aurait voulu se faire encore plus petite qu’elle n’était réellement. Elle baissa la tête pour laisser passer l’orage au-dessus. C’est alors qu’elle sentit une présence derrière elle. Elle se retourna : Jean-Michel était là avec ses deux copains . Ces derniers souriaient, lui était rouge de colère. Valérie en conclut qu’ils avaient entendu Ginette nommer son fils Michou. La catastrophe ! Elle chercha un moyen de se rapprocher de Jean-Michel. Mais celui-ci recula.

pppppp— Toi, ne me touche pas. Ce soir, je vais faire le numéro avec mes copains et l’on va vous battre, toi et la vieille bique.

ppppppPuis il se retourna et repartit vers le restaurant. Valérie voulut faire un geste vers lui, mais l’oncle Marcel la retint.

pppppp— Laisse-le aller. Il va se calmer. Ce soir après le spectacle, il ira mieux.

ppppppValérie chercha alors à se raccorder avec Ginette, mais les yeux de sa voisine étaient comme deux pistolets.

pppppp— Si tu crois que ton mioche ou même toi, vous allez nous battre, tu te fais des illusions.

ppppppSur ces paroles, elle descendit les marches du perron et se dirigea vers le restaurant. Le vieux monsieur la suivait, bien obligé puisqu’elle le tenait fermement par les épaules. À son tour, Luc invita Valérie à prendre le chemin du restaurant. Marcel les suivit. Mais lorsqu’il arriva, il constata que ses trois compagnons de camping étaient assis à trois tables différentes. Jean-Michel mangeait à la table d’Adeline de Mongeau, Ginette était assise avec le chœur au grand complet. Luc et Valérie avaient repris la place habituelle. Il secoua la tête de découragement, se prit un sandwich au passage et décida d’aller le manger sur le bord de la piscine.

pppppp— Franchement, je n’y comprends rien. J’invite trois personnes à partager avec moi les joies du naturisme, une philosophie qui doit apporter à chacun le respect de soi-même, le respect des autres, le respect de l’environnement, la tolérance et la convivialité. Et c’est tout le contraire qui est arrivé. Vraiment, c’est le monde à l’envers.
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Re: Histoire de Roger : Le monde à l'envers

Message par roger »

LE MONDE A L’ENVERS
de
Roger Schaëffer
CHAPITRE 12

ppppppLa salle du restaurant était plongée dans un silence de mort. Les familles, en particulier les enfants, ressentaient instinctivement l’ambiance lourde imposée par les trois invités de l’oncle Marcel. Le seul son perceptible dans cette atmosphère pénible était la mastication provenant de la dentition de Ginette. Tel un ruminant elle broyait sa nourriture en déplaçant ses mâchoires de gauche à droite, tout en jetant un regard vide sur le monde qui l’entourait ; de temps en temps, elle sortait de cette torpeur pour fixer d’un œil impatient l‘arrière du bar, en direction de la cuisine, dans l‘attente sans doute de quelque chose ou de quelqu‘un qui ne venait pas.

ppppppÀ ses côtés, grignotant du bout des lèvres son sandwich, la tête entrée entre ses deux épaules osseuses, le chef de la chorale se recroquevillait et n’osait pas faire un geste. Il affichait un visage douloureux de victime et n’importe quel physionomiste aurait pu deviner dans ses traits combien il regrettait le recrutement de sa contralto.

ppppppSoudain, des cris parvinrent de la cuisine. La porte qui donnait sur l’extérieur claqua. Puis un bruit sourd de casserole rebondissant sur le carrelage, suivi par le son cristallin d’une vitre brisée, figea la salle tout entière. Toutes les têtes se tournèrent dans la même direction.  Pourtant rien d‘extraordinaire n‘apparut : seul Erwan, le fils de Marie-Josèphe sortit calmement de derrière le bar, en portant une carafe. Il affichait l’air de résignation de celui qui veut rester le plus neutre possible dans les événements qui se déroulaient dans la cuisine.

ppppppGinette, contrariée, suivit du regard le garçon. Il versait un verre d’eau à chaque convive. À la table d’Adeline de Mongeau, engoncée dans toute sa rectitude de grande dame, celle-ci ne daigna pas faire le moindre mouvement pour rapprocher les verres. Ses fils, Philippe et Antoine ricanèrent tandis qu’Erwan les servait. Jean-Michel fronça les sourcils devant l’attitude de ses nouveaux copains, mais cela n’alla pas plus loin.

ppppppLorsqu’il fut rendu à elle, Ginette scruta avec mépris le contenu de son verre. Elle avait toujours eu de l’aversion pour l’eau en tant que boisson. Ne lui avait-on pas dit dans sa jeunesse que les poissons faisaient leurs besoins et même l’amour dans ce liquide ? Au moins, l’alcool avait l’avantage de tuer les bactéries présentes dans le verre. Enfin, c’est ce qu’elle s’efforçait de croire.

pppppp— Enfant, où est donc passé ton père ?

ppppppElle eut sa réponse en entendant une nouvelle série de bruits provenant de la cuisine. Elle devina pourquoi son fournisseur en boisson alcoolisée ne venait pas lui apporter le liquide nécessaire à imbiber ses aliments.

ppppppErwan préféra ne pas répondre, surtout que le dernier remue-ménage dans la cuisine ne présageait rien de bon pour la santé physique de son père . Il s’approcha de la table de Valérie et de Luc qui le reçurent par un large sourire. Le jeune homme se tourna vers sa nouvelle amie.

pppppp— Valérie, je te présente Erwan, le fils de Marie-Josèphe et de Yannick.

pppppp— Oui, je sais ; nous nous sommes croisés tout à l’heure, juste avant que nous nous rencontrions nous-mêmes. J’allais à la piscine avec sa mère . Bonjour Erwan.

ppppppLuc crut remarquer de la gêne chez la jeune fille. Elle était rouge et c’est à peine si l’on avait entendu sa voix. Il prit cette attitude pour de la timidité comme certaines personnes en éprouvent devant de nouvelles relations. Mais ce n’était pas cela. Valérie venait de s’apercevoir que le jeune garçon portait non seulement un tablier, mais qu’il avait mis en dessous un chandail et un bermuda. Erwan était en fait entièrement habillé. Valérie fut envahie par un élan de pudeur. Elle était nue et éprouvait un sentiment de vulnérabilité devant Erwan. Elle ne comprenait pas pourquoi. Elle aurait voulu en parler à Luc, mais elle préféra attendre d’être seule avec lui. Elle se recroquevilla et plaça ses bras posés devant elle sur la table pour cacher sa poitrine. Puis elle s’attentionna à l’échange entre les deux amis.

ppppppLuc expliquait à Erwan son projet de numéros pour la soirée. Il proposait au garçon de participer avec eux et sa mère. Mais celui-ci cherchait par tous les moyens d’y échapper. « Je n’ai pas de voix, les gens vont se moquer de moi, je ne sais pas danser, etc. » Tous les arguments de l’adolescent typique y passaient. Le seul qu’il n’osa pas opposer au jeune homme était celui dont avait parlé Marie-Josèphe plus tôt : la crise de pudeur éprouvée à l‘âge de l‘adolescence par certains d‘entre eux. De son côté, Valérie s’étonnait de voir la détermination de Luc à monter un projet commun avec elle « qui n’avait pas dit oui » et surtout avec Marie-Josèphe qui pour l’instant n’était au courant de rien. Le jeune homme était un meneur né. Elle admirait les gens qui savent prendre des décisions, qualité qu’elle n’avait malheureusement pas elle-même. Finalement, les arguments d’Erwan glissèrent vers « Je ne sais pas... On verra... Peut-être... J’irai faire un tour... D’accord ». Cela fit sourire la jeune fille. Valérie chercha à connaître son rôle dans le numéro que voulait monter Luc. Mais tout ce qu’elle put lui faire dire c’était : « Au début, tu seras au piano. Nous retournerons après le déjeuner au chalet, pour télécharger les partitions et ensuite nous irons à la salle communautaire. Il y a un piano. » Valérie sentit bien qu’elle ne pourrait échapper à la décision de Luc. Celui-ci reporta son attention sur Marie-Josèphe qui arrivait, les bras chargés de plats .

ppppppAprès avoir servi les premières tables, la cuisinière vint prendre les commandes des suivantes. Son mari, dont c’était le rôle habituellement, s’était assis derrière le bar avec un air piteux. Il tenait une serviette mouillée sur son œil gauche. Les deux jeunes gens le regardaient avec des yeux étonnés lorsque la cuisinière se planta devant leur table. Elle toisa son mari du coin de l’œil avec un sourire moqueur .

pppppp— Il va s’en souvenir. Ce n’est pas son rôle de jouer les agents d’artistes ou les professeurs de chant. Mettre votre pauvre mère dans cet état. Ah non ! C’est vrai. Pas votre mère, votre voisine. Ah ! Là, là ! Lui et sa gnole, franchement ! Allez ! Dites-moi vite ce que vous désirez. Ce midi, le menu, c’est une crème de légumes « Mitou, Mitou”, ensuite c’est un sandwich et salade ou alors salade et sandwich.

ppppppCe fut Luc qui prit les décisions.

pppppp— Une crème de légumes Mitou Mitou ! C’est une recette créole, je suppose ?

pppppp— Non, c’est une recette de fin de saison. On ferme le restaurant demain.
J’ai donc « mis tous » les légumes qui me restaient. Bon, une soupe pour vous deux ?

pppppp— Eh bien ! Ma chère, d’accord pour ta soupe Mitou Mitou et ensuite pour moi ce sera sandwich et salade, mais dans mon sandwich, j’aimerais...

pppppp— Tut, tut. Pas de chinoiseries. Nous avons jambon-emmenthal ou saucisson-emmenthal. C’est tout ce qui reste dans le frigidaire. Demain on ferme, je vous le rappelle.

pppppp— Je te laisse le choix alors Marie-Josèphe.

pppppp— Et pour notre jeune fille ?

pppppp— La même chose. Jambon ou saucisson, cela m’est égal.

ppppppComme elle allait se retourner pour remplir la commande, Marie-Josèphe fut arrêtée d’un signe par une vieille femme assise dans un coin éloigné de la salle. Elle ressemblait vaguement à la voisine de palier de Ginette et également propriétaire de Valérie. Son air maussade la rendait antipathique au premier regard. La jeune fille crut que la femme voulait ajouter quelque chose à son repas, mais Luc n’était pas de son avis.

pppppp— C’est la directrice du camping. J’ai bien peur que ce qui s’est passé dans la cuisine entre Marie-Josèphe et son mari soit le sujet de leur conversation. Ce n’est malheureusement pas la première fois que le caractère, disons, et c’est un euphémisme, extravertie de notre amie, dérange la directrice.

pppppp— Oui, tu as sans doute raison. À voir le regard pincé de la madame et son doigt pointé en direction de la cuisine, c’est sûrement leur sujet de conversation.

ppppppIl n’y eut plus de doute lorsqu’ils virent Marie-Josèphe, les épaules basses retourner vers la cuisine pour chercher les commandes. Son mari inquiet la suivit tout en maintenant la serviette sur son œil tuméfié .

ppppppQuelques minutes plus tard, Erwan ressortait de la cuisine pour servir les plats commandés. Lorsqu’il fut à la table des jeunes gens, il crut bon de donner des nouvelles de ses parents.

pppppp— Maman pleure. Je crois comprendre qu’on ne reviendra pas ici l’année prochaine. La directrice ne veut pas renouveler le bail.

pppppp— Ne t’inquiète pas trop. Cela va se tasser. D’ici à l’année prochaine, il y a bien des choses qui peuvent arriver. Pourrais-tu dire à ta mère que je voudrais lui parler au sujet du spectacle ?

pppppp— Oh, je ne pense pas qu’elle veuille chanter ce soir. Vous la connaissez ?

ppppppEn disant cela, le garçon semblait soulagé, car il supposait que si sa mère ne chantait pas, Luc n’insisterait pas pour que lui-même monte sur la scène. Il avait tort : le jeune homme ne l’entendait pas de cette oreille. Il persuada l’adolescent que le numéro qu’il avait en tête aurait lieu avec ou sans Marie-Josèphe.

pppppp— Au contraire, si ta mère ne chante pas, nous aurons besoin de toi pour la remplacer. En fait, Valérie chantera à sa place et toi, tu prendras la place de Valérie dans le numéro auquel je pense.

ppppppLa jeune fille et l’adolescent le regardèrent avec un air de stupeur. « Dans quoi je suis en train de m’embarquer ? » pensa Valérie. De son côté, Erwan était trop timide pour refuser. Comme Valérie, il croyait à la fatalité des choses. Il hocha la tête lorsque Luc lui donna rendez-vous au chalet après le repas . Découragé, il reprit le chemin de la cuisine.
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Re: Histoire de Roger : Le monde à l'envers

Message par roger »

ppppppValérie et Luc entamèrent la fameuse soupe « Mitou, Mitou” de Marie-Josèphe. La jeune fille n’en revenait pas.

pppppp— C’est vraiment succulent. Je crois que je vais lui demander sa recette
ppppppLuc éclata de rire.

pppppp— Très facile à faire. Elle a ouvert le frigidaire et elle a tout mis, tout mis dans sa soupe Mitou Mitou. Non ?

pppppp— C’est ce que tu crois. Mais c’est plus complexe que cela. Moi, je pense que ce qui fait la différence entre une cuisinière comme notre amie et nous autres, c’est l’ingrédient secret.

pppppp— L’ingrédient secret ?

pppppp— Oui Luc. Une épice, une sauce. Une fois, j’ai ajouté à une fricassée de bœuf haché une cuillerée à soupe de ketchup, tu sais le truc américain à la sauce tomate avec du sucre et du vinaigre ? Eh bien ! Depuis, Jean-Michel se ferait couper un bras pour en avoir.

ppppppLa soupe finie, ils s’attaquèrent au sandwich, ce qui les condamna au silence. Valérie en profita pour revenir par la pensée à ce qui la préoccupait avant d’entrer dans le restaurant : cette relation toute nouvelle entre elle et le beau jeune homme assis à ses côtés. Elle était sûre de ne pas lui être indifférente. Lorsqu’il l’avait attirée hors de l’eau, le contact de leur peau avait produit comme une décharge électrique. Le bout de ses seins s’était durci en caressant les pectoraux bien formés du jeune homme. Des frémissements de plaisir lui avaient parcouru instantanément tout le corps. Elle avait cru même qu’au niveau de son vagin... Mais là c’était du fantasme. Luc, de son côté, avait rougi et s’était écarté d’elle très vite. Puis il avait souri en la regardant et ce sourire en était un d’appréciation. Tout en mastiquant le sandwich au jambon, elle se prit à rêver à une possible... Non, non, ce n’était pas concevable. Elle n’avait jamais eu d’autres relations que celle où... Enfin, c’était difficile de parler d’une relation, cette fois-là. Cela n’avait pas duré plus de dix minutes. Dix ans déjà ! D’ailleurs, son fils n’accepterait pas. Il avait eu sa mère à lui tout seul ces dix premières années et Valérie devait bien l’admettre, Jean-Michel établissait un barrage digne des fortifications de Vauban autour de la jeune femme chaque fois qu’une nouvelle personne voulait entrer en relation avec elle. Mais d’un autre côté... Il y avait bien eu Ginette qui avait réussi à percer les défenses dernièrement. C’est vrai que Valérie n’avait pas vu arriver cette drôle d’aventure qui lui avait mis les sens à l‘envers. Mais justement pourquoi n’y aurait-il pas un autre écart, mais dans le bon sens cette fois-ci ? Elle se disait qu’elle pourrait se contenter d’une petite aventure « vite faite bien faite » avec le jeune homme, une fois de temps en temps. Pourquoi pas ?

ppppppLuc était un beau jeune homme, bien fait de sa personne. Quel âge pouvait-il bien avoir ? Elle tourna la tête vers lui et avala la bouchée de son sandwich.

pppppp— Au fait, quel âge as-tu ?

pppppp— Vingt-six. Pourquoi ?

pppppp— Oh, pour rien. Pour savoir. On a le même âge.

ppppppSapristi ! Tout en mordant dans son pain, elle regretta ce qu‘elle venait de dire. Il allait faire le calcul. Il saurait pour Jean-Michel. Il va me prendre pour... Mais c’est ce qu’elle était. Ou plutôt non. Elle se refusait de se voir comme « une fille de mauvaise vie », c’était le terme employé par sa mère lorsque son statut de femme enceinte ne put être caché. C’était aussi le terme employé par les vieilles demoiselles chez qui à Alès elle avait dû passer ses premières semaines de grossesses. Elle avait été une innocente peut-être, mais pas une putain. Heureusement, quelqu’un avait été là pour lui maintenir la tête hors de l’eau. Une erreur, c’est cela, elle avait fait « une déplorable erreur ». C’était ce que le pasteur lui avait dit : « À partir de maintenant, tu as le devoir de te repentir et la meilleure façon de le faire, c’est de conduire ce bébé, cette nouvelle vie qui est en toi, vers un monde meilleur. » C’est bien ce qu’elle avait fait jusqu’à aujourd’hui. Dix ans d’abstinence, dix ans consacrés au seul bonheur de son fils. Chaque année, au moment des vacances d’été à Mobrac, le pasteur l’entourait affectueusement de ses bras et lui glissait tout bas dans l’oreille « Bravo, ma fille, mais un jour il va falloir penser à un père pour cet enfant-là. » Eh bien, elle l’avait là juste en face d’elle, ce possible père pour son fils. D’accord, à l’heure actuelle, c’était plutôt à elle qu’elle pensait, à sa jouissance de femme, à ses dix ans d’abstinence, mais pourquoi ne pas joindre l’agréable pour elle à l’utile pour Jean-Michel ? Au moins, ici, dans ce camp naturiste, elle avait pu constater la bonne conformité de l’objet convoité. Un beau jeune homme, sympathique, dont le physique attirait le regard et excitait les sens, mais aussi un maître nageur, en plein ce qu’il fallait pour Jean-Michel qui aimait tant la natation.

ppppppCe n’était pas comme l‘autre... Il y avait dix ans, à Mobrac. Elle avait du mal à y penser comme le père de Jean-Michel. Il devait avoir dans la vingtaine, le visage plein de boutons, le teint aviné déjà à l‘époque. Il était vulgaire, habillé de cuir et sentant la lotion après-rasage bon marché. « Quand je pense que je ne connaissais même pas son nom » . Une fois, elle avait lu un article dans une revue qui s’intitulait « Né de père inconnu . » C’était le cas de son fils. Jamais elle n‘aurait dû, mais elle était saoule, elle aussi. Et puis elle avait seize ans. Toutes les filles de son âge l‘avaient fait, mais pas elle. Elle était obnubilée par les regards ironiques de ses copines . Un soir, au bal, elle s’était laissée embobiner par ce beau parleur qui, entouré de sa bande la regardait avec des yeux de « tombeur de ses dames “. Elle avait bu pour se donner du courage. Ses copines l’avaient tellement tarabustée avec le fait qu’elle était encore vierge. Ce n’était pas croyable qu’elle se soit laissée aller pour une raison si stupide. Valérie l’avait suivi dans une ruelle derrière la salle des fêtes. Et là, ce fut le drame de sa vie. Il l’avait prise, sans aucun ménagement, sans précaution, debout, à la hussarde. Elle avait eu mal, très mal. Elle avait regretté tout de suite. Cela n’avait pas duré dix minutes et rien de ce qu’on lisait dans les romans-photos ne s’était passé. Il avait disparu, la laissant dans la ruelle comme un déchet. Le pire dans tout cela, c’était qu’un couple de personnes âgées était passé près d’elle alors qu’elle réajustait sa culotte sous sa robe. La dame l’avait regardée avec des yeux mêlés d’horreur et de pitié. Pendant longtemps, ce fut ce regard-là qui la hantait les nuits d’insomnie.

ppppppQuelques semaines plus tard, l’absence de menstruations ne l’avait pas inquiétée outre mesure. À l’époque, c’est à peine si elle savait qu’il y avait un rapport entre les règles et l’arrivée prochaine d’un bébé. Mais lorsqu’elle commença à avoir des nausées à tous les repas, lorsque son ventre s’arrondit, sa mère ne fut pas longue à deviner la vérité. Le médecin de famille confirma le diagnostic.

ppppppLe soir même, elle et sa mère prirent l’autobus pour Alès où elle prit pension chez deux vieilles demoiselles, percluses de rhumatismes et de culpabilité qui amorçait le signe de croix (elles étaient membres de l‘Église catholique romaine) chaque fois que leur regard croisait celui de Valérie. Mais elle n’y resta pas deux semaines.

ppppppHeureusement, peu de temps auparavant, son stage de commis en comptabilité avait été planifié. Ce fut sa chance. C’était comme si le monde à l’envers dans lequel elle était plongée venait de reprendre position. Elle se retrouva pensionnaire à Marseille chez une femme ‘qui en avait connu des choses’ comme elle le répétait souvent à Valérie. Tous les soirs, elle lui racontait des histoires qui rendaient la jeune fille plus rassurée quant à son avenir. Dans l’entreprise où elle était stagiaire, elle avait reçu le même accueil. Tout le monde était excité par la venue de l’enfant. Personne ne s’étonna de l’âge de la mère . Il ne fut question que du sexe du bébé à venir, de son prénom. ‘Tu verras, un jour il sera président de la République.’, lui avait dit le chef comptable. ‘Ou présidente’ avait précisé malicieusement la secrétaire du patron. Une autre collègue de Valérie passa les six mois à tricoter des layettes et des chaussons pour le bébé. Comme on ne savait pas son sexe, elle alterna les rayures bleu et rose. La jeune fille eut un sourire triste à la pensée de son bébé avec ses layettes rayées. Elle les gardait au fond d’un tiroir et Jean-Michel s’était même servi longtemps de l’une d’entre elles comme d’un doudou.

ppppppMais il y eut aussi la fameuse invitation de l’oncle Marcel, le repas au restaurant où elle lui avait annoncé la venue de son enfant. Il avait hoché de la tête avec un sourire d’approbation. Il n’y avait eu aucun étonnement au sujet de son âge, encore moins de jugement. Il avait accueilli la nouvelle en lui disant : ‘Chic, je vais pouvoir jouer l’oncle avec ton enfant.’ Valérie s’était sentie en confiance et elle, qui ne connaissait pas jusqu’alors le sacrement de la confession auriculaire avait tout raconté. Elle ne lui cacha aucun détail. Même elle sentit que plus elle se confiait à lui, plus elle se sentait libérée d’un poids qui lui pesait depuis le fameux bal. L’oncle, les yeux baissés sur son assiette de cachina hochait la tête pour l’encourager à continuer. Lorsqu’elle fut rendue à la scène dans la ruelle, Marcel rouvrit les yeux, frappa de ses poings la table et s’écria : ‘Ah, le salaud ! ’ Elle en resta tout ébahie. Il venait par ces mots crus de rejeter sa faute sur celui qui avait abusé de son innocence. Ce fut comme si elle venait de recevoir l’absolution pour son péché.

ppppppÀ la fin de son stage, la femme chez qui elle logeait insista pour qu’elle aille à Paris. Une de ses sœurs était sage-femme. Celle-ci l’aiderait à accoucher, mais aussi à lui trouver un travail. Toute une aventure qu’elle avait vécue dans ce grand Paris ! Jean-Michel y était né : il devenait d’année en année un vrai titi parisien. Comme à Marseille, elle avait eu de l’aide. Toute une communauté plus ou moins hippie, anarchiste entourait l’infirmière sage-femme. Dix ans après, ils étaient tous encore là, prêts à l’aider dans les coups durs comme dans les moments de joie. Chaque semaine, la jeune fille les rencontrait dans une sorte d’épicerie coopérative où elle s’approvisionnait. Pour Jean-Michel comme pour elle, ils formaient une vraie famille. On n’était pas à Mobrac, non, vraiment pas !
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roger
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Re: Histoire de Roger : Le monde à l'envers

Message par roger »

retraitC’était étrange comme toute cette époque avait ressurgi dix ans après. Que de nostalgies dans tous ces souvenirs ! Encore aujourd’hui, elle écrivait à ses amis de Marseille et elle promettait qu’un jour, elle viendrait leur présenter son fils. Mais la nostalgie n’a qu’un temps. Elle fut dérangée par quelqu’un qui lui touchait la main.

retrait-Où étiez-vous partie, Valérie ?

retrait — Hein ? Quoi ? Oh, sapristi ! Excusez-moi, Luc, j’étais plongée dans mes souvenirs.

retrait — Vous pensiez à vos vieux péchés peut-être ?

retrait Le visage de Valérie se figea de stupeur. Mais elle réalisa devant le sourire affectueux de son compagnon qu’il s’agissait seulement d’une expression que l’on disait machinalement lorsqu’une personne se laissait aller à rêvasser. Luc n’avait pas deviné qu’elle pensait réellement à son vieux péché d’il y a dix ans. Elle rougit tout de même comme seules les rousses savent le faire.

retrait — Vous ne savez pas si bien dire.

retrait — Ma chère Valérie, puisque vous êtes revenue dans le monde d’aujourd’hui, nous pourrions nous rendre tout de suite au chalet d’accueil. Qu’en pensez-vous ?

retrait Se rendre au chalet... ? ’, pensa très vite la jeune fille. Cela voulait dire se lever de la table, découvrir sa poitrine cachée par le rebord de la table et pire son... Sa.... Enfin se montrer nue devant toute la salle dont l’ambiance lourde aurait pour conséquence de faire tourner les têtes au moindre bruit. Cela voulait dire aussi marcher au côté du jeune homme qui l’excitait au plus haut point. Tous ces frémissements qui lui parcouraient le corps allaient se deviner aux yeux experts de ces gens habitués à la nudité.

retrait — Vous ne voulez pas attendre Marie-Josèphe ?

retrait Elle allait ajouter ‘ou Erwan’, mais elle se rappela que l’adolescent était habillé et que de marcher nue à côté d’une personne habillée, elle ne savait pas pourquoi, était au-dessus de ses forces. Heureusement elle se souvint de la serviette posée sur sa chaise par Marie-Josèphe. Tout en observant les autres convives, elle se leva prudemment à demi et s’empara de la serviette. Mais alors qu’elle allait s’en servir comme écran devant elle, Luc se leva lui-même avec beaucoup moins de précautions. Il traîna sa chaise sur le carrelage du plancher, ce qui provoqua un bruit terrible dans l’atmosphère sinistre du restaurant. Tout le monde se retourna vers eux. Ginette, la première, lança à Valérie un regard qui l’aurait tuée net si ses yeux avaient été des pistolets. Jean-Michel lui aussi tourna la tête vers sa mère et la rebaissa brusquement lorsqu’il rencontra son regard. Valérie à moitié levée de sa chaise se figea comme la sculpture de ‘Vénus sortant du bain’ d’Antonio Canova. Luc ne ressentait rien de tout cela. Comme si de rien n’était il s’avança au milieu des tables tout en lançant des remarques aimables aux divers convives qu’il connaissait. Valérie en profita pour le suivre de près, se cachant ainsi partiellement dans le dos de son compagnon. Malheureusement la remarque de l’une de ses connaissances fit que Luc s’arrêta brusquement, ce qui eut pour conséquence que la jeune fille s’écrasa sur les fesses de son compagnon. Il se retourna et lui sourit. La vieille dame à qui il parlait s’adressa alors à la Valérie.

retrait — Bonjour ! Vous êtes nouvelle ici, je crois ? Moi je m’appelle Lucille. Seriez-vous la nouvelle petite amie de notre beau Luc ? Vous savez, c’est un cœur à prendre. Il n’est toujours pas marié. Il est libre. Mais peut-être (elle jeta un œil vers Jean-Michel) ne l’êtes-vous pas vous-même ?

retrait Luc crut bon d’intervenir. Il entoura de son bras les épaules de Valérie et lança une plaisanterie à la vieille dame
retrait— N’ayez aucune crainte, ma chère Lucille. Dès que les bans seront publiés, nous vous enverrons une invitation pour la noce.

retrait Puis il entraîna la jeune fille vers la porte du restaurant. À l’extérieur, il tint à excuser la vieille dame.

retrait — Vous savez, on affirme que le naturisme est une philosophie qui a une dimension sociale de respect d’autrui, de tolérance et de convivialité. Mais comme vous venez de le constater, ce n’est pas toujours vrai, malheureusement.

retrait — Oh, Luc ne vous inquiétez pas. Je ne sais plus où j’ai lu cela, mais on dit : ‘Là où il y a des hommes, il y a de l’hommerie.’ alors philosophie naturiste ou pas, on devra s’attendre à ce genre de personnes.
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LE MONDE A L’ENVERS
de
Roger Schaëffer
CHAPITRE 13

retrait Avant de prendre la direction du chalet d’accueil, Luc entraîna Valérie vers l’arrière du restaurant dans un minuscule sentier qui passait devant la porte de la cuisine. Celle-ci était entr’ouverte. Luc voulait se renseigner auprès de Marie-Josèphe. Il frappa sur le cadre de la porte. Valérie pensait découvrir une Marie-Josèphe en larmes. Elle fut étonnée au contraire d’entendre la voix grave de la cuisinière qui répétait les paroles de la chanson la plus célèbre de Joséphine Baker : j’ai deux amours. Aidée de son mari au rinçage et de son fils à l‘essuyage, elle faisait la vaisselle, tout en chantonnant. Ils faisaient tous les trois le plus beau noyau familial que Valérie put admirer. Luc s’approcha de l’évier.

retrait— Alors que fais-tu pour ton numéro de ce soir ? J’ai cru comprendre par Erwan que la directrice t’avait frotté les oreilles.

retrait— Oh pour ça, pas de problèmes mon chéri. Non, pas de problèmes. Elle n’est pas d’accord la madame. Eh bien, pas de problèmes. On ira faire la cuisine pour d’autres . Elle n’est pas bonne la Marie-Josèphe pour la madame. Pas de problèmes. Demain, on va partir et mes clients, ils vont partir aussi. De quoi se plaint-elle, la madame ? Elle a reçu la main de Marie-Josèphe dans l’œil. Non. Alors de quoi se plaint-elle la madame ? Mon homme, il ne se plaint pas, lui. Hein que tu ne te plains pas toi ? Tu l’as mérité, ma main ? Alors chaque fois qu’il dépassera les bornes, c’est cela qu’il aura de sa doudou ?

retraitValérie regardait Yannick. Il n’avait pas l’air en effet de se plaindre. Au contraire, il jetait un regard amoureux à sa grosse antillaise et l’œil au beurre noir donnait même une petite touche de romantisme. Erwan lui-même, tout en passant le torchon sur une assiette, regardait avec affection son père et sa mère. Comparée à la froideur de ses relations avec sa propre mère, la jeune fille aurait presque envié le tableau familial. Luc sourit au discours de la cuisinière, mais voulut avoir une réponse à sa première préoccupation.

retrait— Et pour ce soir, vas-tu chanter « J’ai deux amours » ? Tu la chantes très bien et comme c’est la plus populaire, je crois que tu pourrais ramasser pas mal de votes avec cette chanson-là.

retrait— Non, pas du tout. Ça, c’est trop doux, c’est une chanson pour les femmes. Ce soir, je veux enflammer les hommes, exciter les hommes, leur faire lever le zozo. Ce soir, je vais chanter « La petite Tonkinoise ». Oui monsieur ! Oui madame ! Tu vas voir, mon garçon. Quand la grosse négresse va se faire aller le popotin, quand je vais faire valser mes gros nénés au rythme de la musique, il n’y a pas un homme qui va rester indifférent. Non, monsieur ! Si tu veux être populaire, ce sont les hommes que tu dois satisfaire : de toute façon, il y a toujours plus d’hommes que de femmes dans un camp naturiste, tu le sais bien.

retrait— Et tu as prévu une ceinture de bananes pour mieux éblouir ton public ?

retrait— Tu as tout compris, mon chéri. J’en ai même une pour Valérie. Regardez, les enfants.

retraitElle présenta aux deux jeunes gens un chapelet de bananes qu’elle avait ajusté sur une ceinture en toile de son mari. Pour Valérie, elle en avait fait une plus étroite . Luc les soupesa avec un air dubitatif. Il avait du mal à imaginer les deux femmes danser avec toutes ces fruits autour de la taille. De son côté, la jeune fille paniquait en se voyant sur une scène en train de se trémousser en compagnie de Marie-Josèphe. Elle voulut lui faire part de ses sentiments présents, car à ce stade ce n’était pas le trac de l’artiste qu’elle ressentait, mais de véritables angoisses. Elle s’avança toute rougissante dans la cuisine en levant l’index pour se faire entendre.

retrait— Mais je n’ai pas dit oui, tu te souviens, Marie-Josèphe. D’ailleurs, je n’ai pas de voix, les gens vont se moquer de moi et en plus je ne sais pas danser...

retraitElle regardait Erwan dont elle reprenait les mêmes arguments et l’adolescent, qui sans doute paniquait autant que la jeune fille, hochait la tête pour l’appuyer. Mais tous les deux étaient prisonniers de leur timidité. Luc et Marie-Josèphe n’en démordaient pas. Ils participeraient au spectacle. Par contre, le jeune homme n’était pas tout à fait d’accord sur le rôle joué par Valérie. Il aurait voulu lui épargner la danse en l’installant au piano. La cuisinière ne voulait rien entendre.

retrait— Non, non et non. J’ai préparé une ceinture de bananes pour la petite . Imagine le succès que nous allons avoir. Le contraste entre nous deux : moi, grosse et Valérie toute délicate, ma peau de grosse négresse à côté de cette petite rousse toute blanche . Ça va déterminer le nombre de votes. Ah, je te le dis. On va avoir tout un succès. Débrouille-toi avec ton piano.


retraitValérie était catastrophée. Elle ne se voyait pas vraiment monter sur une scène, les fesses et les seins à l’air et en plus se trémousser comme une gourgandine. Non, vraiment pas. Il lui fallait trouver le courage de dire non un jour et, pourquoi pas, ce soir.
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retrait Luc, contrarié par la décision de Marie-Josèphe, entraîna sa nouvelle amie vers l’extérieur de la cuisine. Il avait posé son bras sur ses épaules et alors que Valérie s’attendait à reprendre le chemin principal, il la dirigea d’une poussée de la main sur la droite pour suivre le petit chemin creux.

retrait— Nous arrivons en arrière du chalet par ici. En marchant dans cette sente, nous serons à l’ombre. Le soleil commence à taper. En automne, il est moins fort et l’on s’en méfie moins. Mais il peut être dangereux. Ici, nous serons cachés par les feuilles. Ce sera plus sécuritaire pour ta peau.

retrait— Oui c’est vrai. Je ne sais pas pourquoi, mais j’ai un peu chaud .

retraitValérie n’était pas sûre si c’était les rayons du soleil ou le bras de Luc sur ses épaules qui lui donnaient cette sensation. Elle sentait le creux de l’aisselle du jeune homme qui lui caressait l’épaule gauche tandis que la main était posée sur son épaule droite. Des frissons de plaisirs lui parcouraient tout le corps. Elle n’était pas vraiment certaine que le soleil puisse lui donner cet effet-là. Tout en marchant, Luc la regardait du coin de l’œil et ses doigts caressaient délicatement la peau de la jeune fille.

retrait— Tu sais. Tu es très jolie Valérie. As-tu remarqué le contraste entre le bronzage de mon bras et la couleur blanche de ton corps ? Ta peau a la nuance de l’ivoire. On y voit même des reflets de roux. J’adore la toucher. Elle est tellement douce, soyeuse.

retrait— Luc, je crois que tu..., que nous...

retrait— Oh, Valérie ! Quand tu rougis, c’est tout ton corps qui s’enflamme. Franchement, tu es la preuve même que l’on ne devrait jamais cacher notre corps sous de méchants vêtements.

retrait— Luc, le chalet est-il encore loin ? J’ai... Je suis... Je ne sais pas, mais il me semble que...

retrait— Non, nous arrivons bientôt. Mais tu ne devrais pas être gênée. Tu es vraiment jolie. Je te l’assure. On te l’a sûrement déjà dit. Non ?

retraitValérie n’osa pas répondre. Il pensait sans doute au père de Jean-Michel et elle aurait dû avouer que malheureusement, cela n’avait pas été le cas. Plus récemment, elle aurait pu lui dire qu’une femme, Ginette, lui avait répété combien elle était ensorcelante, fascinante et magique. Le souvenir de cette nuit un peu spéciale n’était pas pour calmer les sensations que le bras de Luc sur ses épaules lui rappelait. Elle aurait voulu s’écarter du jeune homme, mais l’étroitesse du chemin l’en empêchait.

retraitHeureusement, le toit du chalet apparut bientôt. Une porte en arrière permettait d’entrer, mais pour cela il fallait grimper un talus. Luc proposa de passer le premier . La vue des fesses du jeune homme contractées par l’effort tandis qu’il s’accrochait aux branchages d’un buisson, ne fut pas pour calmer les frissons de Valérie, surtout qu’il avait de la difficulté à atteindre le haut de la butte. Elle pensa un moment qu’elle devrait peut-être le pousser en posant ses mains sur... mais non, ce n’était pas vraiment une bonne idée. Finalement, il réussit à atteindre le sommet. Tout en se tenant à une branche de la main droite, il tendit la gauche à Valérie pour qu’elle puisse monter.

retraitElle s’étira pour pouvoir lui prendre la main et tout comme à la piscine, il l’attira vers lui avec tant de force qu’elle se retrouva collée au corps du jeune homme. Comme les pieds de Valérie étaient en déséquilibre sur la pente du talus, elle dut passer son bras autour de la taille de Luc pour se maintenir, ce qui plaça ses doigts à la naissance des fesses du garçon. Luc se figea. C’était à son tour de rougir et d’avoir des frissons. Il hésita quelques secondes. Ils se regardèrent les yeux dans les yeux et comme s’il était pris de frénésie, Luc s’empara rageusement des lèvres de Valérie. On aurait dit que son destin en dépendait. Elle ne résista pas une seconde. Au contraire, elle pencha sa tête de côté pour mieux accueillir les lèvres de son compagnon. Très vite, Luc eut une réaction au niveau du bas ventre et Valérie ferma les yeux de plaisir.

retraitPuis il attira la jeune fille sur le plat du talus et lentement sans desserrer l’étreinte des deux corps, ils se couchèrent dans les hautes herbes qui poussaient au milieu des buissons. Valérie n’en croyait pas ses sens. Elle était là, couchée sous les branches des arbustes en pleine lumière dans toute cette belle nature qui leur servait d‘écrin. Elle ne savait pas pourquoi, sans doute à cause de leur nudité, elle s‘imagina dans le jardin d‘Éden. Il n’y avait plus personne au monde. Ils étaient seuls. Il était Adam, elle était Ève. Elle fondait sous les caresses de son compagnon. Il mâchonnait les lèvres de la jeune fille puis son visage s’écartait de quelques centimètres pour la fixer du regard et il s’écriait « Oh, mon Dieu ! Oh mon dieu ! » Puis il reprenait possession de sa bouche ou jouait avec sa langue autour de son oreille. Enfin il s’emparait du bas de son cou à la naissance de son épaule et il la mordillait comme l’étalon le fait lorsqu’il monte la jument. Ils vivaient tous les deux ce coït animal comme le vivait sans doute toute la faune sauvage de la terre. Valérie avait souvent senti, les soirs de solitude, le désir monter en elle. Mais cette fois, elle en fut plus consciente. Le sexe de son compagnon s’était durci. Il était là, dans toute sa jeune virilité, le long de sa cuisse. Dans l’attente de la pénétration, le vagin de la jeune fille s’enfla et elle lubrifia comme jamais elle ne l’avait jamais fait. L’excès de cyprine s‘écoulait d‘elle sur le corps de son compagnon. Luc se souleva légèrement et pénétra avec la plus grande douceur sa compagne. Valérie connaissait enfin le nirvana. « C’était donc cela faire l’amour. », pensa-t-elle. Elle écarta le plus possible ses cuisses pour mieux sentir le membre viril de Luc. Le garçon amorça un mouvement rapide de va-et-vient et elle se mit à pousser de petits cris stridents qui étaient proches de « Oh, oui ! Oh, oui ! », et plus elle augmentait le rythme de ses cris, plus Luc intensifiait la cadence.

retraitPuis soudainement, Valérie ouvrit les yeux. Elle fronça les sourcils. Comme si un secret instinct l’avait avertie de quelque chose, les oiseaux s‘étaient tus. Les ébats amoureux ne les avaient pourtant pas jusqu‘ici empêchés de piailler et de se disputer au-dessus des deux jeunes gens. Pour les animaux, le coït était dans l‘ordre de la nature. Valérie leva légèrement la tête, elle jeta un œil par-delà les épaules de son compagnon. En arrière d’eux, au-dessus des hautes herbes, la porte vitrée du chalet n’était plus sombre. Un rond plus pâle se détachait. C’était le contour d’un visage : Valérie poussa un cri. Des yeux sévères les regardaient : la directrice du camping
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retrait « Ah, mon Dieu ! », s’écria-t-elle. Tout son corps se contracta sur le coup de la surprise. Elle serra tellement les cuisses que même son vagin se contracta très fort sur le pénis de son compagnon. Celui-ci surprit par la réaction de la jeune fille laissa échapper ce qu’il cherchait à retenir depuis un moment. Il se cambra pour pousser un cri de jouissance, mais il fut arrêté par les ongles de la jeune fille qui lui labouraient le dos. Elle cherchait à le repousser. Luc s’étonna de la réaction de sa compagne, mais il commença à deviner le problème lorsqu’il chercha à croiser le regard de la jeune fille. Celui-ci était fixé à l’arrière et Valérie poussait de petits cris désolés. Les « ah oui ! » avait été remplacés par des « ah non ! ».

retraitLe jeune homme, très lentement, se redressa sur ses genoux et tout en caressant la jeune fille, lui fit signe de rester à l’abri du fourré. Il se leva sur ses jambes, prit des herbes pour s’essuyer et se dirigea vers la porte du chalet. Sa tête baissée exprimait le fatalisme.

retraitValérie, elle, prit la position fœtale, pour mieux cacher son corps, les yeux tournés vers la porte vitrée. Sa première pensée fut pour les paroles de la Genèse : « ils connurent qu’ils étaient nus, et ayant cousu des feuilles de figuier, ils s’en firent des ceintures ». La serviette que lui avait donnée Marie-Josèphe au restaurant pour s’asseoir traînait à terre près de l’endroit où ils avaient... Elle étendit la main pour la ramasser, puis regagna son buisson, toute rouge de honte.

retraitPlus curieusement, elle se souvint d’une anecdote de son enfance. À sept ou huit ans, elle avait volé des fraises dans le jardin d’un voisin sans que celui-ci s’en aperçoive. Lorsqu’elle le rencontra par hasard sur la rue le lendemain, prise de culpabilité elle fondit en larmes. L’homme l’avait regardée, étonné.

retraitElle attendit que son compagnon soit entré dans le chalet. Lorsque la porte se referma, elle jeta un œil vers la vitre. Le visage de la directrice ne s’y encadrait plus. Alors, imitant Luc, elle arracha des herbes et s’essuya. Cachée par le buisson, elle se redressa et attendit.

retraitTrès vite, le jeune homme ressortit avec le même air résigné. Il vint s’asseoir sur le rebord du talus en faisant signe à la jeune fille de faire de même. Mais Valérie préféra rester debout cachée par le buisson tout en jetant un œil coupable vers la porte vitrée. Ce fut Luc qui brisa le silence.

retrait— Mais Bon Dieu, c’est une chose naturelle ce que... Nous avons... Enfin. Quelle hypocrite ! Comme si nous les naturistes, on naissait dans les choux. C’est la nature ça ! On vit dans un monde à l’envers.

retraitValérie hocha de la tête, mais se rappela le couple de personnes âgées qui... l’avait vu dans la ruelle, il y a dix ans. Et aujourd’hui, cette femme, la directrice. Elle osa ouvrir la bouche.

retrait— Oui, mais les gens, tu sais. Ils peuvent nous voir. On n’est pas des bêtes quand même. D’ailleurs, c’est rare que l’on voie des bêtes...

retrait— Je sais, je sais. Elle n’a pas tort. Pas les gens seulement. Il y a des enfants aussi. Des fois, ils viennent jouer par ici. On aurait pu... Se maîtriser... Tout cela, c’est de ma faute. Je m’en excuse.

retraitLa jeune fille rougit parce qu’elle savait elle que de son côté, elle avait perdu le contrôle de ses sens. Et ce n’était pas la première fois. Comment avait-elle pu se laisser aller encore à ses instincts ? Tout cela était de sa faute. Elle n’aurait pas dû accompagner le jeune homme dans ce coin isolé. Et puis, elle était jolie. Elle savait que Luc était attiré par elle. Non ! Elle n’aurait pas dû. Mais maintenant que devait-elle faire ? Elle aurait voulu courir à la cabane pour se couvrir le corps.

retrait— Je suppose que la directrice t’a dit quelque chose.

retraitLuc leva les sourcils en secouant la tête.

retrait— Ouais, tout un discours. Je suis expulsé du camp. L’été prochain, il va falloir que je me trouve un autre terrain. Quant au travail dans une piscine, je n’ai plus qu’à espérer que mon dossier ici ne soit pas consulté par mes futurs employeurs. Je me demande comment je vais payer mon loyer cette année... Les frais de scolarité, enfin tous ces trucs-là.

retrait— Mon dieu, Luc. Je suis désolée pour toi. Et moi, est-ce qu’elle a dit quelque chose à propos de moi ?

retrait— Expulsée aussi. Enfin ! Pas toi spécialement, c’est plutôt ton oncle Marcel puisque c’est lui qui t’a parrainée pour séjourner ici.

retrait— Oh non ! Pas Marcel, pas mon oncle ! Lui qui est si gentil. Il ne va plus vouloir nous voir. Mon Dieu ! Pas Marcel ! Quand mon Michou va savoir cela, il va me tuer. Il tient tellement à la visite annuelle de son oncle. Oh non ! Par pitié !

retraitDevant le désarroi de Valérie, Luc se leva et voulut prendre la jeune fille par les épaules. Mais elle frémit de peur en jetant un coup d’œil vers la porte. Elle s’écarta, puis tout en tournant la tête de tous les côtés pour s’orienter, elle partit vers les bungalows. Luc la regarda s’éloigner.

retrait— Mais où vas-tu ?

retraitValérie, sans le regarder dans les yeux, bredouilla.

retrait— Je vais m’habiller.

retrait— Mais pour ce soir ? Tu vas participer au spectacle de Marie-Josèphe, non ?

retraitPour la première fois de sa vie, Valérie eut le courage de dire non. Ce ne fut qu’un souffle qui sortit de sa bouche, mais le mouvement de la tête était assez fort pour que Luc comprenne qu’elle ne reviendrait pas sur sa décision. Lui-même dut reconnaître qu’il ne contrôlait plus les événements. Il avait fait une chose qui ne relevait pas de la volonté, mais de l’instinct. Il en avait partiellement honte. Il releva la tête en direction de la jeune fille. Elle n’était plus dans son champ de vision, cachée par les buissons qui entouraient le chalet d’accueil. Il tint pourtant à exprimer sa décision.

retrait— Tu as raison. On va laisser faire le spectacle pour ce soir. Moi non plus je ne tiens pas vraiment à monter sur scène ce soir.

retraitIl se dirigea vers le dortoir où les employés couchaient. Il ne lui restait plus qu’à préparer son paquetage pour le lendemain.

retraitAprès avoir contourné le chalet, Valérie hésita. Elle aurait préféré reprendre la petite sente à l’arrière, plus abritée du soleil, plus discrète surtout, mais pour cela il lui aurait fallu descendre le talus et donc demander l’aide de Luc. Le garçon lui aurait pris la main. Il l’aurait touchée et ça, c’était au-dessus de ses forces. Le désir et la culpabilité luttaient furieusement sur toute la surface de sa peau. C’était horrible. D’un autre côté, l’allée qui menait de la porte d’entrée du camping jusqu’à la zone résidentielle était large et en plein soleil. Elle constituait la rue principale du terrain. Mais c’était la seule façon de se rendre jusqu’à son bungalow. Là, elle pourrait se réfugier à l’intérieur, couvrir sa honte et attendre, attendre son oncle Marcel. Elle frémissait d’angoisse à la pensée de ce qu’elle avait fait. Cette fois-ci, ce n’était pas seulement sa réputation qui était entachée, mais celle de son oncle, de Ginette, même si cette dernière n’avait pas besoin de la jeune fille pour faire une folle d’elle. Le pire, c’était son fils, son Michou, qu’est-ce qu’il allait penser d’elle si jamais des rumeurs l’atteignaient ? Les enfants de madame de Mongeau ne se priveraient pas de rapporter à Jean-Michel des propos salaces sur Valérie si ce qu’en avait dit Luc était vrai. Même leur mère, madame de Mongeau, d’après Ginette, pourrait se mettre de la partie, en voyant les goûts de la jeune fille pour la gent masculine . Elle devait retrouver le plus vite possible son oncle, lui demander pardon pour tout le mal qu’elle avait fait. Et surtout, elle devait l’exhorter à quitter cet endroit au plus vite. C’était vraiment l’horreur.
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