Histoire de Roger : JE VEUX MA MAMAN

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JE VEUX MA MAMAN
Par Roger SCHAEFFER
-CHAP.13-


retrait Les deux hommes dégustaient un café assis nonchalamment dans les grands fauteuils en cuir qui faisaient face au lac. Sophie ne voyait que leurs épaules, mais elle comprenait avec stupéfaction qu’ils avaient suivi l’exemple de la jeune fille : ils étaient nus. Sentant sa présence, le mécanicien tourna la tête vers elle. Il la détailla des pieds à la tête et éclata de rire.

retrait — Mon Dieu ! Avec ce vêtement trop long vous me faites penser à Simplet dans le dessin animé des sept nains. Votre oncle était diablement plus grand que vous. Allez ! Venez-vous asseoir avec nous.

retrait Il se leva pour l‘y inviter. Sophie ne pût s’empêcher d’avoir un geste de recul. Le mécanicien était le premier adulte qu’elle voyait nu en chair et en os : un géant recouvert de poils des pieds à la tête. La jeune fille pensa instantanément aux ours qui étaient selon le notaire fréquents dans la région. Il était très gros et sur la poitrine, la blancheur de sa pilosité faisait contraste avec le teint cuivré de sa peau. Gênée, elle détourna le regard vers l’homme à la camionnette rouge. « Comment s’appelait-il donc celui-là ? » pensa-t-elle pour détourner ses pensées. Il le lui avait dit sur la plage. « Ah oui ! Philippe quelque chose ». Sophie cherchait ses mots. Elle aurait voulu obtenir de lui des explications au sujet de l’accident qu’il avait provoqué, mais tout s’acharnait à la déstabiliser : La nudité des enfants et la sienne, son plongeon dans le lac et surtout ce mécanicien qui se comportait comme chez lui. Et maintenant dans un instant, elle allait découvrir l’homme qui l’avait tant troublée sur les croquis de son oncle. Il lui suffisait d’avancer puis de contourner le fauteuil de cuir. Elle découvrait que se mettre nu n’était pas la chose la plus difficile. C’était côtoyer d’autres adultes qui la déstabilisaient… en particulier des hommes. Comment allait-elle se comporter ? Elle n’eut pas à se poser plus longtemps la question. L’homme s’était levé pour l’accueillir. Exactement comme sur le croquis de son oncle, il tenait dans sa main un café et arborait le même petit sourire moqueur. Elle reconnaissait les larges épaules, les pectoraux bien dessinés, les abdominaux,... tous les détails du croquis, mais en trois dimensions et en couleur . Sophie se sentit pris de vertige. En essayant de se retenir, elle s’empêtra dans le peignoir trop long et s’étala au pied de l’homme.
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-CHAP.14-




retrait Celui-ci, au lieu de l’aider, partit d’un grand éclat de rire tonitruant auquel son compagnon fit écho.

retrait — Bravo ! Un troisième plongeon en si peu temps ! Le ruisseau, le lac et maintenant dans votre salon, vous avez un gros problème d’équilibre.

retrait Sophie resta bouche-bée devant une telle réaction. La jeune fille, mue par la colère, chercha à se relever lorsqu’elle sentit des mains sous ses aisselles qui l’aidaient dans son mouvement. Une voix féminine lui fit tourner la tête.

retrait — Voyons, Philippe, ne soyez pas ainsi moqueur. Je parie que notre Sophie apprécierait un peu d’empathie de votre part.

retrait Il s’agissait de la vieille dame dessinée par son oncle. Elle était presque nue, le corps à moitié couvert par un tablier de cuisine. Sophie bégaya un rapide remerciement.

retrait — Vous… vous êtes…

retrait — Oui, je suis Louise Dumais. Nous ne vous attendions pas si vite. Dès le message du notaire, j’ai couru hier au soir pour vous préparer un petit en-cas. Mais pour le ménage, vous allez devoir être patiente. Mon mari va m’aider de temps en temps. Les enfants de Philippe nous occupent à plein temps, vous comprenez ?

retrait Sophie hocha la tête même si ce n’était pas clair. « Cinq enfants, ce n’est tout de même pas la mer à boire pour trois personnes. » Elle tourna le regard vers les deux hommes. Le mécanicien était donc monsieur Dumais. Elle comprenait enfin quelque chose à tout cet imbroglio. Il possédait la clé de chez elle parce que lui et sa femme entretenaient à temps partiel le domaine de son oncle. Son voisin, lui, devait être bien riche pour se permettre d’employer à plein temps le couple sur son propre domaine. Elle se rappela que le petit Rémi pleurait le décès de sa mère. Il avait dû demander l’aide des Dumais pour cette raison. Maintenant il lui restait à découvrir si tous les gens du Québec se promenaient ainsi nus à la campagne. Personne ne lui avait parlé de cette tradition. Devrait-elle aussi se plier à cette coutume ? Son expérience depuis la veille n’avait pas été aussi pénible finalement. La vue des adultes, en particulier des hommes serait une grosse pilule à avaler. Elle aurait des centaines d’années de pudibonderie à effacer de sa mémoire, mais si les gens du Québec étaient si ouverts à la nudité, pourquoi ne le serait-elle pas ? Elle eut presque envie d’ôter son peignoir, mais un coup d’œil vers le corps athlétique de son voisin l’en dissuada pour le moment. Heureusement madame Dumais les invita à passer à la salle à manger. Sophie soupira d’aise. Le bord de la table allait cacher, le temps du déjeuner, l’objet principal de sa gêne. Elle crut un moment que son voisin avait deviné sa pensée lorsqu’elle le vit déposer sa serviette de table sur ses cuisses. Mais elle se ravisa : « Quelle idiote je fais ! Toute personne sensée fait cela au moment du repas... Pour ne pas salir ses vêtements... C’est vrai que là... Bon Sophie, calme toi... Un adulte nu, c’est juste un enfant qui a grandi... Enfin presque... C’est drôle... Si je regarde monsieur Dumais, je ne ressens pas le même trouble... Serait-ce que ? Oh non, mon Dieu ! Je crois que je suis en amour... »
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-CHAP.15-


retrait Elle sursauta. Madame Dumais venait de lui tapoter l’épaule.

retrait — Excusez-moi, Sophie. Je crois que je vous ai sortie de vos pensées. Vous les voulez comment vos œufs ?

retrait — Mes œufs ! Quels œufs ?

retrait — Eh bien, vos œufs ! Les voulez-vous miroirs, tournés, brouillés ? Vous prenez bien des œufs le matin, non ? Avec quoi les voulez-vous ? De la saucisse, du bacon ? Des patates rissolées ? Le plat de fèves au lard à l’érable est sur la table. Servez-vous. Vos crêpes, les voulez-vous tout de suite ou après ?

retrait À l’énoncé de ce petit-déjeuner traditionnel au Québec, Sophie eut un haut-le-cœur.

retrait — Le matin, madame Dumais, je prends juste deux tranches de pains beurrées avec mon café.

retrait — Vous me faites penser à votre oncle, ma petite . Il ne mangeait presque rien le matin et le soir, juste avant de se coucher, il vidait une pleine assiette de rôti de porc frais.

retrait La réflexion de madame Dumais amena Sophie à se poser une question étrange. Son oncle se promenait-il tout nu lui-aussi ? Elle en fut toute gênée. Comment aurait-elle réagi si elle était venue le visiter de son vivant ? Il lui semblait alors que sa pudeur aurait été mise à mal. Elle entrevoyait toute la difficulté de pratiquer ce mode de vie dans une famille. Pourtant les enfants et le père ne semblaient aucunement dérangés par leur corps. Sophie ne se voyait pas agir ainsi avec son oncle et encore moins avec sa mère . La pauvre ! Il était prévu qu’elle vienne passer quelques semaines au Québec. La jeune fille se garderait de l’amener au Lac des Cornes durant son séjour.

retrait Au moins madame Dumais et les deux hommes qui lui faisaient face à table étaient de parfaits inconnus. Pourtant elle sentait bien que là aussi, elle ne réagissait pas de la même façon à la vue des deux hommes. Monsieur Dumais n’était pour elle qu’un gros ours poilu et il lui suffisait de le fixer dans les yeux lorsqu’elle lui parlait. Avec le temps, elle s’habituerait et oublierait le corps pour ne s’attacher qu’à la nature même de l’homme, son esprit. Ses yeux passeraient alors à travers son corps pour ne voir que son âme.

retrait C’était une toute autre affaire en ce qui concernait le dénommé Philippe. Pour Sophie, il n’était pas simplement un être humain comme l’était monsieur et madame Dumais ou encore les enfants : il était pour la jeune fille la représentation du mâle qu‘elle avait depuis quelque temps idéalisé dans ses rêves d‘adolescente. Elle était la biche, il était le cerf au moment du brame. Ses larges épaules, ses pectoraux puissants et ses abdominaux biens dessinés étaient comme des aimants vers lesquels ses yeux ne manquaient pas de se poser. Le plus difficile était de ne pas descendre plus bas. On aurait dit que son regard était attiré par ce qui avait été caché depuis des milliers d’années. Pourtant les lèvres aussi étaient une zone érogène et on ne les cachait pas. Dénuder son corps permettait de le banaliser. La jeune fille avait découvert la veille le plaisir sensuel d’être nue. Ce matin, elle découvrait l’un des côtés rationnels de cette pratique. Mais elle savait qu’elle aurait de la difficulté à le comprendre.

retrait Elle avait beau chercher à fixer le jeune homme dans les yeux, elle baissait immanquablement son regard devant l’énergie magnétique qui émanait du sien. Il l’hypnotisait comme le serpent. Et il le savait. Elle ne pouvait s’empêcher d’admirer ce corps, tellement bruni par le soleil qu’il en était devenu olivâtre . Elle se demandait si, en adoptant l’habitude de se promener sans le moindre vêtement, elle ne deviendrait pas comme lui . Aujourd’hui le contraste entre la blancheur de sa peau et le bronzage de son vis-à-vis lui apportait des bouffées de chaleur. Heureusement, le peignoir de son oncle cachait la réaction physique de sa poitrine. Elle sentait les aréoles de ses seins se durcir. Il lui fallait faire quelque chose.
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-CHAP.16-




retrait Madame Dumais se préparait à laver la vaisselle : elle décida de l’aider. Au moins elle tournerait le dos à son désir brûlant. Elle eut de la chance : lui et monsieur Dumais se levèrent de table juste à ce moment. Un silence suivit puis les deux hommes s’éloignèrent vers le côté gauche du salon . Monsieur Dumais s’adressa à son compagnon.

retrait — J’aimerais appeler à Mont-Laurier. Peut-être pourrions-nous avoir les pièces pour la voiture là-bas. Ce serait toujours cela de gagné.

retrait Une porte s’ouvrit puis se referma. Sophie se détendit un instant, mais cela ne dura que quelques minutes. Les deux hommes revinrent très vite dans le salon. L’un d’eux s’approcha de la jeune fille. Était-il encore nu ? Pour se donner une constance, elle prit une assiette pour l’essuyer et comme elle allait la reposer sur le comptoir, l’homme ouvrit la bouche, « Sophie,... ». Il ne s’agissait pas de monsieur Dumais. Elle se contracta sans oser se retourner, il lui tapota l’épaule. La surprise du contact, lui fit ouvrir la main trop vite : l’assiette tomba sur le carrelage. Elle resta figée à regarder les débris à ses pieds.

retrait — Eh bien ! Vous avez une jolie façon de disposer de votre héritage. Au moins, cette fois-ci, ma chère Sophie, ce n’est pas vous qui êtes tombée.

retrait — Allons Philippe, arrêtez de vous moquer. Vous la rendez nerveuse, cette pauvre enfant.

retrait Madame Dumais se précipita sur le balai. La jeune fille se déplaça et Sophie se retrouva face à face à son voisin. Il s’était habillé, sans doute dans le bureau, pendant que monsieur Dumais faisait son appel. Elle avait cassé une assiette, tout simplement parce qu’elle s’imaginait que l’homme derrière elle était nu. Elle découvrait que l’imagination déformait la réalité et la faisait réagir de façon émotive. L’homme la laissa reprendre ses esprits. Il la regardait avec un petit sourire qui n’avait plus rien d’ironique. Elle y voyait de la tendresse. Elle crut même voir transparaître sous son hâle une certaine rougeur. Il dût lui-même se ressaisir en toussant avant de lui parler.

retrait — Sophie, nous pourrions avoir les pièces pour votre voiture à Mont-Laurier dès aujourd’hui. Arthur va remorquer votre voiture jusqu’à son atelier de mécanique à Saint-Philippe, puis de là nous irons avec ma camionnette chercher les pièces. Voulez-vous nous accompagner ? Ce serait une occasion pour vous de visiter la région, non ?

retrait Madame Dumais, le sourire aux lèvres, s’approcha de la jeune fille.

retrait -Quelle bonne idée vous avez là, mon cher Philippe. Sophie, dites oui. Vous n’aurez pas un meilleur guide. Pendant ce temps, nous allons, les enfants et moi préparer une petite fête de bienvenue pour notre nouvelle amie. Allez, ouste, partez !

retrait Sophie n’eut pas le choix. Son compagnon était déjà en direction de la porte d’entrée. Elle le suivit en hésitant. Un après-midi en compagnie de cet homme pouvait être dangereux. Maintenant elle connaissait ses sentiments : il avait eu un regard d’admiration près du lac puis un regard de tendresse, quelque minutes avant dans la cuisine. Elle savait aussi que de son côté, elle ne résisterait pas. Ce qui la rassura, c’est que monsieur Dumais serait là. Il servirait de gardien de la moralité. C’était dit. Elle irait à Mont-Laurier avec les deux hommes. Mais comme elle approchait avec détermination de la porte, le jeune homme relâcha la poignée de la porte et la regarda.

retrait — Sophie, je suppose que vous n’avez pas l’intention de vous promener en ville dans cette tenue tout de même.

retrait La jeune fille ricana. C’était la première fois qu’elle pouvait faire de l’ironie à l’encontre de son compagnon.

retrait — Non je suppose que les gens de Mont-Laurier sont comme ceux de Montréal ou d’ailleurs, un tantinet pudique. Pas comme ici par exemple. Mais voyez-vous, si je suis nue ou presque depuis hier soir, c’est que ma valise se trouvait dans le coffre arrière de la voiture. Maintenant que la voiture est à l’horizontale, je vais pouvoir m’habiller. Comprenez-vous ?

retrait Le jeune homme la regarda un instant avec stupéfaction puis partit d’un rire tonitruant. Il en faillit s’étouffer. Sophie se demandait bien ce qui pouvait être aussi hilarant. Quand il put se calmer, il remit la main sur la poignée et ouvrit toute grande la porte.

retrait — Vous vous demandez pourquoi je ris de si bon cœur. Eh bien ! Regardez où est le problème.

retrait La jeune fille n’avait pas de mots pour exprimer son désespoir. Monsieur Dumais, la dépanneuse et sa voiture disparaissait dans un nuage de poussière en direction de Chute Saint-Philippe. Elle était condamnée à passer le reste de la journée sans vêtements.
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-CHAP.17-

retrait Qu’allait-elle faire ? Sophie avait le choix entre la nudité ou le peignoir de son oncle. Elle resta muette de stupeur. Philippe eut pitié d’elle. Il la prit par les épaules et d’un air de compassion d’où émanait un reste d’ironie.

retrait — Ne vous inquiétez pas. Vous irez jusqu’à Saint-Philippe ainsi vêtue puis de là, vous pourrez vous choisir une tenue plus adéquate dans votre coffre.

retrait Sophie instinctivement trouva refuge dans les bras du jeune homme. Comme lors de son sauvetage sur le bord du lac, elle ressentit des sensations nouvelles qui lui plaisaient. Sans doute à cause d’une gêne réciproque. Ils se séparèrent.

retrait — Allez, venez Sophie. Nous allons rattraper Arthur au village.

retrait Les deux jeunes gens rejoignirent la camionnette rouge et, comme Sophie allait embarquer dans le véhicule, ses yeux furent attirés par un paquet de vêtements posé sur le capot du moteur. C’était ceux de François. Après le sauvetage, l’adolescent n’avait pas pris la peine de les remettre et, arrivé dans l’allée, il s’était contenté de les poser n‘importe où. Sophie reconnaissait bien là l’insouciance de la jeunesse ajoutée à l’indifférence de la nudité. Personne ici ne se préoccupait d’un détail aussi futile que l’obligation de s’habiller. C’était comme si elle se trouvait revenue au paradis avant le péché originel . Cette pensée la fit sourire et pour la première fois de sa vie, elle se sentit délivré du poids des conventions. Philippe la regardait tout en souriant lui-aussi.

retrait— Pourquoi ne pas enfiler les affaires de François ? Vous n’êtes pas plus grande que lui. Vous aurez l’air d’une vraie coureuse des bois avec ce jean et cette chemise carottée.

retrait C’était une bonne idée. Sophie s’empara des affaires, mais réalisa très vite qu’elle n’avait pas encore tout à fait perdu ses préjugés. Elle se servit de la portière pour se dissimuler quelque peu à la vue de son compagnon. Là encore, elle découvrait un effet de la nudité : être nue importait peu ; c’était au moment de se rhabiller que l’on ressentait de la gêne face aux autres comme si les préjugés acquis au cours de milliers d‘années reprenaient leur droit . Lorsqu’elle réapparut, le jeune homme et elle restèrent à se regarder un instant : ils portaient la même chemise avec un logo stylisé qu’elle eut du mal à identifier. Sans doute le père et le fils faisaient partie d’une même association. Le sigle « J.N.Q. » ne lui disait rien. Lui la regardait avec un grand sourire d’approbation.

retrait — Eh bien ainsi, Sophie, vous faites partie maintenant de notre grande famille. Allons ! Embarquez. Sinon nous ne serons jamais revenus ici pour la soirée de bienvenue que vous préparent les enfants.

retrait Tout en s’assoyant, la jeune fille fronça les sourcils. Qu’avait-il voulu dire par « notre grande famille » ? Venant d’un milieu plutôt réservé, elle avait du mal à s’intégrer dans des cercles familiaux élargis. Même si elle se sentait physiquement attiré par son compagnon, elle n’était pas prête à faire partie de sa « grande famille ». Puis soudain, en voyant le jeune homme embarquer ses pensées changèrent complètement de sujet.
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-CHAP.18-

retrait Sophie le regarda attacher sa ceinture, poser les mains sur le volant et c’est là qu’elle comprit où voulait l’entrainer sa pensée
.
retrait — Mais, mais vous êtes assis à la place du chauffeur.

retrait Philippe la regarda interloqué puis lui répondit en esquissant un sourire sardonique.

retrait— C’est en effet la meilleure chose à faire si nous voulons démarrer. A moins que vous vouliez prendre le volant. Je vous préviens : un « pick-up » ne se conduit pas aussi facilement qu’une BMW et je vous rappelle que cette dernière, vous l’avez envoyée dans le fossé alors que vous rouliez dans cette large allée bien droite.

retrait — Non, non, ce n’est pas ce que je voulais dire. Je viens de réaliser que vous êtes assis à la place du chauffeur.

retrait — Vous avez raison, ma chère Sophie. Je suis assis en effet à la place du chauffeur. Mais que voulez-vous que l’on fasse. Il faut bien que l’un de nous s’y assoie sinon nous ne partirons jamais.

retrait - Philippe (c’était la première fois qu’elle prononçait son prénom, cela la fit rougir), laissez-moi vous expliquer. Hier, si j’ai braqué le volant de ma voiture vers le ruisseau, c’est tout simplement que la vôtre sortait du chemin qui mène chez vous. J’ai été surprise tout simplement.

retrait - Mais voyons donc Sophie. C’est impossible. Monsieur Dumais et moi-même, nous étions à Mont-Laurier. Personne ne pouvait conduire. Louise, la femme d’Arthur n’a jamais passé son permis.

retrait — Non, c’est ce que je viens de comprendre. Ce n’est pas vous qui conduisiez ni monsieur ou madame Dumais.

retrait — Je suis bien aise de vous l’entendre dire chère amie. Vous allez prétendre maintenant que ma voiture roulait sans chauffeur. Nous avons eu déjà le vaisseau fantôme. Nous aurons maintenant la camionnette fantôme.

retrait — Arrêtez de vous moquer de moi et laissez-moi m’expliquer. Hier, c’était François qui était au volant.

retrait — François, vous êtes folle, Sophie. Il a à peine quatorze ans. Jamais il n’aurait eu l’idée de prendre le volant.

retrait — Philippe (elle commençait peu à peu à s’habituer à son prénom), hier dans l’affolement, j’ai bien vu François. A cause de son air juvénile, j’ai cru qu’il était assis sur le siège passager, mais aujourd’hui je viens de réaliser que ce que je voyais de mon côté de route, c’était le siège du chauffeur.

retrait — Vous voulez dire que François était au volant...

retrait — C’est ce que je me tue à vous dire.

retrait — Mais alors, rendu à la route, il a rebroussé chemin. Vous l’avez vu revenir. N’est-ce pas ?

retrait — Pas du tout. Lorsque la poussière est retombée, l’allée était déserte. C’est la raison de ma nudité. Mon tailleur était recouvert de boue et poussière. Je n’étais plus présentable.

retrait — Philippe retrouva son sourire ironique . Il la détailla un moment. Puis il posa une main chaude et sensuelle sur celle de Sophie.

retrait — Je dois avouer que je vous ai trouvé très présentable sur le bord du lac ce matin et maintenant les vêtements de François vous vont à ravir. Un tailleur au fond des bois comme ici, ce n’est pas l’idéal.

retrait Sophie ne savait plus quelle attitude adopter. Le contact de la main sur la sienne lui donnait des sensations incontrôlables. Pour se donner une constance, elle se retourna vers le côté droit du siège et attacha sa ceinture. Mais le geste empira la situation : son compagnon voulut se pencher pour l’aider. Leurs deux poitrines se touchèrent, leurs visages étaient à quelques centimètres l’un de l’autre. Leurs deux regards se fixèrent quelques secondes. La poitrine de Sophie se mit à battre la chamade. Philippe instinctivement se recula, le dos bien calé à son siège, les mains sur le volant et son regard redevenu sérieux scrutait la route au bout de l’allée.
retrait — Je me demande bien ce qui a pu se passer dans la tête de cet enfant.
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-CHAP.19-

retrait — Au moins votre camionnette est revenue sans bosses ni même éraflures... Pas comme la mienne. Si je n’avais pas été surprise par son arrivée soudaine, il ne se serait rien passé. En fait François conduisait tout à fait correctement, peut-être un peu vite. Où a-t-il appris à conduire, le savez-vous ?

retrait À la question de Sophie, le jeune homme, les dents serrées, frappa de la paume de la main le volant.

retrait — C’est moi, bon dieu. C’est moi, je l’avoue. Au début de l’été, je trouvais que François était trop renfermé sur lui-même, trop gentil, toujours prêt à rendre service. Vous l’avez vu ce matin. Il a sauté à l’eau sans hésiter pour vous ramener à la rive. Il aurait pu s’en glorifier auprès des autres . Non pas un mot, rien. C’est un timide. J’ai voulu qu’il soit plus mature et surtout plus homme. Je l’avoue. J’ai commencé à lui montrer à conduire, ici dans les chemins aux alentours. Un peu aussi sur cette allée, mais pas sur la route, jamais je n’aurais pensé qu’il prendrait la voiture seul. Non vraiment, je ne sais pas ce qui lui a pris. Où est-il allé ?

retrait Ce fut à la jeune fille de poser la main sur le bras de son compagnon.

retrait — Au moins, votre véhicule est intact et il n’est rien arrivé à François. C’est le principal .

retrait — Attendez-moi ici Sophie. Je vais lui demander des explications.

retrait — Non Philippe ! Savez-vous ? Allons rejoindre monsieur Dumais à Chute-Saint-Philippe. Nous aurons toujours temps d’éclaircir ce mystère à notre retour.

retrait — Vous avez raison. Arthur va s’inquiéter. Allons-y.

retrait La voiture démarra sans qu‘aucune parole ne fut échangée durant le trajet jusqu’au village. Lui devait s’interroger sur la conduite de l’adolescent. Sophie, par contre, analysait les sentiments qui se développaient entre eux. Elle découvrait peu à peu que l’attirance qu’elle éprouvait pour son compagnon était de plus en plus partagée. Le moindre toucher, le moindre regard échangé était emprunt de sensualité. Les allusions sur sa tenue du matin avaient excité la jeune fille. Elle avait osé l’appeler par son prénom, oubliant la timidité qu’elle éprouvait face aux hommes. C’était comme si toute la tension accumulée depuis le début de sa puberté venait d’exploser. Sa mère ne la reconnaîtrait plus. Mais ce qui l’étonnait encore plus, c’est le nous qu’elle avait prononcé en lui parlant de résoudre le mystère. Elle s’était associée au jeune homme comme si ils avaient formé un couple, comme si François était leur enfant à tous deux. Elle n’en revenait pas. Inconsciemment elle disait oui à une hypothétique union entre eux. Mais lui, qu’en pensait-il ? Voyait-il au-delà d’une possible aventure physique ? Il avait déjà cinq enfants d’un premier mariage si elle avait bien compté le matin même. Serait-il prêt à fonder une nouvelle famille avec elle ou ne se contenterait-il pas d’une simple liaison ?

retrait La jeune fille en était dans toutes ses divagations lorsque la camionnette ralentit. Ils étaient au village de Chute Saint-Philippe. Sa voiture était stationnée sur le terrain d’un garage de mécanique. Monsieur Dumais, appuyé sur le coffre arrière les attendait en souriant. Il s’approcha d’eux.

retrait — Cela vous a pris bien du temps. Vous seriez-vous arrêté pour jouir du paysage, par hasard ? Oh, je vois que mademoiselle Sophie s’est habillé au goût du jour.

retrait Monsieur Dumais sourit en s’éloignant puis, comme s’il eût senti la tension qui régnait, il se retourna, les sourcils foncés.

retrait — Que se passe-t-il mon cher Philippe ? Auriez-vous eu une chicane de couple avec notre Sophie ?
(à suivre)
p.s. je m'aperçois en relisant chaque jour cette nouvelle qu'elle n'est pas faite pour être lue ainsi peu à peu mais plutôt d'une seule traite. On a hâte de savoir qui est le responsable de l'accident. Je me rappelle d'une réflexion de l'éditeur Hertzel à son écrivain vedette, Jules Verne sur sa tendance à écrire des longueurs. Je me souviens en particulier du roman non publié (L'oncle Robinson) dans lequel les naufragés passaient des chapitres entiers à tenter d'allumer un feu.
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Par Roger SCHAEFFER
-CHAP.20-

retrait Il éclata de rire comme si il venait de faire la meilleure blague du moment. Les deux jeune gens se regardèrent comme si ils ne s’étaient jamais vus. Puis Philippe, tout en descendant du véhicule.

retrait — Non, non Arthur. Il ne s’est rien passé entre nous. Mais Sophie m’a appris toute une nouvelle . Son accident ne s’est pas passé comme on le croyait, une distraction dû à la fatigue de la conduite. Il a été provoqué par ma propre camionnette. Pendant que nous étions à Mont-Laurier…

retrait — Ah, sapristi ! C’est vrai. Louise m’en a parlé avant de se coucher et j’ai oublié de vous le dire ce matin. Lorsque je suis arrivé pour sortir la voiture de Sophie du fossé, vous êtes parti en courant comme un véritable chevalier pour sauver notre amie de la noyade. Je n’y ai plus pensé après cela.

retrait — Que s’est-il passé ?

retrait — Hier au soir, Éric a eu une crise d’asthme. Louise a paniqué lorsqu’elle s’est aperçu que sa pompe était vide. Ni vous, ni moi nous n’étions là. C’est François qui a décidé de prendre votre camionnette pour se rendre à Mont-Laurier.

retrait — Hein ! À Mont-Laurier, il est allé à Mont-Laurier en voiture... Mais voyons donc.

retrait — C’était cela ou rien. Nous n’avons pas de pharmacie à Saint-Philippe. J’ai voulu vous le dire ce matin, mais les événements se sont précipités. François et Éric ont fait le voyage sans encombre, à part pour votre voiture ma chère Sophie.

retrait Il eut un petit sourire gêné en direction de la jeune fille. Philippe regardait le sol en secouant la tête. Il ne savait pas si il devait être fâché ou être heureux que le jeune garçon se soit débrouillé seul pour conduire une trentaine de kilomètres. Il releva la tête et regarda le mécanicien.

retrait — Finalement c’est une bonne leçon. Nous n’aurions dû jamais partir ensemble. Il devrait y avoir toujours un conducteur en cas d’urgence.

retrait — Oui Philippe. Vous avez bien raison. Justement je me préparais à vous accompagner à Mont-Laurier, mais finalement, savez-vous, je vais plutôt retourner avec les enfants. Voici la liste et les numéros des pièces ainsi que l’adresse. C’est sur le boulevard Albiny-Paquette. Allez-y avec Sophie. Je vous attendrai.

retrait La jeune fille regarda les deux hommes. Philippe hochait la tête en signe d’approbation, les yeux fixés au sol. Il était préoccupé par ce qu’il venait d’apprendre. Il regrettait sans doute d’avoir donné à François des notions de conduite et en même temps il regrettait d’avoir laissé les enfants seuls. Il leva la tête, laissa échapper un soupir puis retourna à la camionnette.

retrait — Allez ! Venez-vous-en Sophie. Ce ne sera pas long.
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Re: Histoire de Roger : JE VEUX MA MAMAN

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-CHAP.21-


retrait En l’entendant, elle réalisa qu’ils allaient passer une partie de la journée seuls. Devait-elle s’en réjouir comme son corps l’exigeait ou paniquer comme le suggéraient tous les diktats que sa mère lui avait insufflés durant toute son adolescence. Elle était persuadée que cette courte randonnée d’à peine trente kilomètres allait être le point tournant entre son adolescence et son avenir de femme. Elle regarda monsieur Dumais qui l’encouragea d’un sourire à suivre Philippe.

retrait Le jeune homme éprouvait lui-aussi de la nervosité. Il démarra en faisant crisser ses pneus. Un nuage de poussière enveloppa le mécanicien. Sophie, surprise, réussit à s’attacher rendu à la sortie du village. Il la regarda d’un coin de l’œil et comprit qu’il devait ralentir. En s’engageant sur la route 311 menant à Mont-Laurier, il lui sourit.

retrait — Et puis, ma chère Sophie, nous n’avons pas eu trop le temps de bavarder depuis ce matin. Venez-vous d’arriver d’Europe ? Cela doit faire toute une différence pour vous la vie ici . Non ?

retrait — Je suis à Montréal depuis trois mois. Vous savez ? Les papiers notariés, mon inscription à l’université. Tout cela a pris du temps.

retrait — Avez-vous laissé un petit ami dans les vieux pays ?

retrait Sophie reçut la question comme un coup de poing. En Europe, ses tantes lui la posaient souvent. Et sa mère répondait à sa place. « Elle a bien le temps d’en avoir. Les hommes, tous des cochons. » Que devait-elle répondre cette fois-ci ? Sa mère n’était pas là pour le faire. Elle avait bien en Europe un camarade, étudiant comme elle. Ils allaient chaque semaine voir des films et passaient des heures dans un café à les commenter. Mais il n’y avait jamais eu cette sensation « électrique » entre eux, comme elle le ressentait avec son compagnon de route. Par peur de paraître innocente, elle préféra mentir.

retrait — Oui j’ai un ami. Il s’appelle Christian.
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roger
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Re: Histoire de Roger : JE VEUX MA MAMAN

Message par roger »

JE VEUX MA MAMAN
Par Roger SCHAEFFER
-CHAP.22-


retrait Les mains de son voisin se crispèrent sur le volant. La jeune fille sut alors que sa réponse avait touché une corde sensible chez lui. Le ton de la voix de ce dernier résonna étrangement dans la cabine.

retrait — A-t-il l’intention de vous rejoindre, au moins pour le temps de vos études ?

retrait Sophie ne savait plus comment réagir. Elle avait écrit plusieurs lettres à Christian pour lui raconter les péripéties de sa nouvelle vie au Québec. C’était toujours dans un style amusant et superficiel. Intelligent et délicat, il lui répondait de la même façon. Il avait de l’humour. Elle l’aimait bien. Elle avait bien une fois pensé à un avenir entre elle et lui. Après avoir décrit l’amabilité des gens, la beauté des paysages et le coût bon marché des études, elle s’était décidée à lui poser la question, mais la réponse de Christian avait tardé. Au bout de quelques semaines, elle reçut la lettre où il lui avouait qu’il n’avait aucune attirance pour les femmes. Ébahie par cette annonce, Sophie n’avait toujours pas répondu, car elle ne savait pas quelle attitude prendre face à cette nouvelle . Pour elle jusqu’ici, le mariage était une convention sociale et le fait que l’on ait les mêmes goûts, comme celui d’aimer les mêmes films, devait suffire pour se marier. Mais depuis, elle avait goûté à cette sensation physique d’être attirée par un homme. Et elle pressentait que son compagnon de route ressentait les mêmes émotions. La jeune fille jeta un coup d’œil furtif dans sa direction. Il fit la même chose au même instant, sauf qu’un sourire sardonique s’étalait sur le visage du jeune homme.

retrait — Alors qu’allez-vous me répondre, belle demoiselle ? Votre soupirant soupire-t-il toujours pour vous maintenant que vous êtes loin de lui ? Loin des yeux, loin du cœur, non ?

retrait Sophie fixa intensément ses chaussures. Elle ne savait pas quoi répondre. Si elle disait la vérité, cela décuplerait l’assurance de Philippe. Il se sentirait le roi du monde et elle ouvrirait ainsi la porte à ses avances. Comme disait sa mère, « Les hommes, tous des cochons. » Mais si elle lui mentait, si elle lui faisait croire que Christian était plus qu’un ami, Sophie était sûre que Philippe serait assez honnête pour se retenir de la poursuivre. Que désirait-elle ? La réponse qu’elle allait donner serait suivi d’un grand bouleversement dans la vie de la jeune fille ou bien alors... elle resterait l’adolescente préférée des enfants comme le petit Rémi.

retrait Un silence de plomb régnait dans la cabine. C’était à elle de le briser. Sophie laissa échapper un large soupir avant de répondre.

retrait — Vous savez. Christian et moi, nous ne sommes pas fiancés... Vous comprenez ce que je veux dire ?

retrait Elle tourna son visage rougie par la pudeur vers son compagnon. Celui-ci jeta un regard furtif et lâcha un petit rire moqueur .

retrait — Je comprends très bien, jeune fille. Votre soupirant n’a pas eu la hardiesse de ses compatriotes. Il a failli à la réputation de la France. Le coq gaulois n’a pas lancé son cocorico vainqueur après vous avoir conquise.

retrait Les paroles sarcastiques furent suivies d’un éclat de rire si tonitruant que les mains de son compagnon en furent secouées et la voiture fit un écart. Sophie s’accrocha au tableau de bord. Mais le jeune homme reprit le contrôle. Il la réconforta en lui posant une main sur l’épaule. Elle ne savait plus si elle devait se sentir humiliée par les remarques de son compagnon ou rire avec lui de ses blagues sur les supposées qualités de « séducteurs » de ses compatriotes mâles. Son compagnon de route laissa passer un léger « excusez-moi » entre ses lèvres. Il fallut quelques minutes pour retrouver une ambiance sereine dans la cabine. Le jeune homme soupira, puis il indiqua de la main une colline sur la gauche.

retrait — Tenez Sophie, nous allons faire un léger détour. Nous aurons d’ici un beau point de vue sur la région. Ce ne sera pas long et vous verrez dans le lointain votre maison au travers des arbres.

retrait Le véhicule s’engagea dans un chemin forestier très étroit. Les branches basses des arbres fouettaient le pare-brise et Sophie eut l’impression de quitter la civilisation. C’était l’un des attraits de ce beau pays . On pouvait se sentir loin de tout en quittant simplement une petite route de campagne. Elle regarda son compagnon. Il fixait intensément l’avant, évitant les pierres ou les troncs abattus. Sans quitter des yeux le chemin, il passa sa main droite proche du visage de la jeune fille pour lui indiquer entre les arbres un petit lac : « Le lac Denis ». Puis peu à peu, la végétation se fit plus rare. Le ciel reparut. Le véhicule s’arrêta sur le sommet dénudé de la colline. Les deux jeunes gens dominaient la région. Philippe invita Sophie à descendre. Ils firent lentement le tour du plateau et il lui indiqua les lacs et les rivières qu’ils dominaient.

retrait — Et le Lac des Cornes dans tout cela ?

retrait — Bon, vous voyez Saint-Philippe ici en contrebas ? Eh bien, dirigez votre regard vers la droite . Un peu plus haut. Le Lac des Cornes est là-bas.

retrait Sophie était abasourdie, tellement les étendues d’eau étaient nombreuses dans cette région. Elle fixa un lac très grand qu’elle crût reconnaître. Elle le pointa de son bras tendu .

retrait — Celui-ci ?

retrait Philippe se pencha vers elle pour vérifier. Son visage frôlait le sien. La nervosité s’empara de la jeune fille. Elle sentait le parfum ambré de son compagnon.

retrait — Non, vous montrez le lac Rochon. Tenez, regardez.

retrait Puis il enveloppa la jeune fille de son bras et dirigeant le sien un peu plus vers la droite, il lui fit pointer un lac immense avec comme une très grosse île au milieu. La forme de ce lac évoquait très justement des cornes d’animaux. Mais Sophie ne voyait plus vraiment le lac ; elle était paralysée par la peur. Elle n’avait qu’à tourner légèrement la tête sur la droite et ses lèvres toucheraient celles de son compagnon. Elle se devait de résister. Une sensation de chaleur lui parcourut le corps tout entier : elle frissonna. Et comme si la nature se mettait au diapason de ce qu’elle ressentait, un éclair zébra le ciel dans le lointain. Philippe s’écarta de la jeune fille et regarda fixement l’apparition progressive de gros nuages dans l’ouest.

retrait — Nous allons bientôt être sous la pluie, Sophie.

retrait — Très bien. Dans ce cas, il serait plus prudent que nous reprenions la route avant que l‘orage n‘éclate…

retrait — Oui, sans doute.

retrait Pourtant, ni l’un ni l’autre ne bougea. Leurs regards se croisèrent. Comme Sophie s’y attendait, Philippe s’approcha d’elle, glissa un bras autour de ses épaules et l’attira tout contre lui. De sa main libre, il écarta une mèche de cheveux de son visage, puis souleva le menton et embrassa ses lèvres. Sophie crût qu’elle allait s’évanouir. Son tout premier baiser, digne de tout ce dont elle avait rêvé dans les salles obscures des cinémas. « Comme c’était bon de goûter aux lèvres charnues de cet homme. « La main de Philippe descendit lentement comme une caresse le long de sa colonne vertébrale, se posa sur le bas de son dos et la pressa sur son corps.

retrait — J’ai eu envie de faire cela depuis que je vous ai vue allongée sur la rive du lac ce matin, dit-il enfin.

retrait Sophie n’osa pas lui répondre, mais elle pensa très fort : « J’ai eu toute la journée envie que vous le fassiez. » Les lourds nuages changeaient de forme, grossissaient pour occuper le ciel tout entier. Les éclairs éclataient de plus en plus souvent, transmettant leur électricité aux deux corps enlacés. Puis l’orage creva au-dessus de leur tête.

retrait Ce fut un réveil brutal . Philippe s’écarta brusquement d’elle en la maintenant par les épaules et s’écria : « Mon dieu, que faisons-nous ? » Il leva la tête vers le ciel. Les premières gouttes explosèrent sur leur visage. « Venez Sophie, nous allons être trempés. » Et il partit en l’entraînant vers la voiture.

retrait Sans même prendre le temps de refermer les portes, il démarra et reprit le chemin forestier. La pluie battait déjà le pare-brise. Les gouttes martelaient avec force le toit de la cabine. Concentré sur sa conduite, Philippe évitait les branches à terre, fonçant dans les buissons lorsqu‘un tronc barrait le chemin. Les premiers ruisseaux formés par l’orage dévalaient la pente vers le lac Denis. Le jeune homme eut plusieurs fois toutes les peines du monde à contrôler le dérapage dans la boue. Sophie était paralysée par la peur même si elle était soulagée d‘être en compagnie de Philippe. Comment aurait réagi un garçon gentil comme Christian dans une telle circonstance ? Ils auraient sans doute tous les deux paniqué au sommet de la colline, entourés par le tonnerre et les éclairs. Mais au milieu de toute cette aventure, une autre interrogation plus importante vint frapper l’esprit de Sophie. « Qu’avait voulu exprimer Philippe lorsqu’il s’était écrié : « Mon dieu, que faisons-nous ? ». Pourquoi avait-il eu un regard horrifié ? Pour elle, c’était le moment du premier baiser dont elle se rappellerait toute sa vie. Dans un tel décor digne du plus beau film d‘amour hollywoodien de série B, au-dessus d’un tel paysage de forêts et de lacs où l’on se sentait comme les maîtres du monde, avec pour toile de fond les éclairs et le tonnerre à l’horizon, la jeune fille romantique ne pouvait espérer mieux d’un tel moment. Elle aurait été prête à offrir sa nudité virginale à ce coureur des bois. Quel souvenir sublime elle aurait gardé de cet accouplement sauvage au milieu des éclairs et des trombes d’eau déversées sur leur corps ! Au lieu de cela, elle était assise, trempée jusqu’aux os, dans une camionnette au milieu d’une forêt hostile, cherchant à regagner la route 311, signe de la réalité civilisatrice. Qu’avait voulu exprimer le jeune homme dans son « Mon dieu, que faisons-nous ? » Elle le regarda. Arrêté un instant par une ravine, il lui jeta un regard furtif, puis s’emparant d’une serviette de bain en arrière de son siège, il la lui tendit : « Tenez Sophie, essuyez-vous au moins le visage et les cheveux avec cela, vous avez l’air d’un chaton mouillé. » Après avoir esquissé un sourire affectueux vers Sophie, Philippe reprit le volant en découvrant un resserrement du ruisseau à quelques mètres de là. Il le passa sans trop de difficultés et regagna le chemin forestier . Ils débouchèrent enfin sur la route. Ce ne fut que lorsque les quatre roues agrippèrent l’asphalte que Philippe consentit à respirer. Sophie, elle, était prostrée et n’osait pas regarder son compagnon. Elle jeta tout de même un coup d’œil vers la gauche. Sa tête posée sur le volant, il reprenait peu à peu sa respiration comme si il avait couru au lieu de conduire. Lorsqu’il eût retrouvé son calme, ils reprirent la route vers Mont-Laurier sans échanger un seul mot. L’orage déversait un véritable déluge d’eau comme Sophie n’en avait jamais vu en Europe. Les essuie-glaces avaient peine à fonctionner tellement l’eau était puissante. Philippe dut allumer les phares et ralentir dans les virages. Puis la pluie se fit moins forte, la visibilité s’accrut et aussi soudainement qu’il était arrivé, l’orage s’arrêta brusquement. Tout de suite après avoir traversé le village de Lac-des-Écorces, la camionnette qui roulait sous des trombes d’eau traversa un dernier rideau de pluie et se retrouva sur la chaussée sèche. Un immense arc-en-ciel barrait l’horizon au-dessus du lac. Un hydravion se préparait à décoller. Les deux gens se regardèrent en souriant, soulagés d‘en avoir fini. Ils s’engagèrent sur le boulevard Albiny-Paquette qui s’étirait jusqu’à Mont-Laurier.

retrait — Nous arrivons bientôt Sophie. Le temps de charger les pièces et nous retournons sur Saint-Philippe.

retrait La jeune fille resta silencieuse. Il la regarda furtivement puis après un bref silence, il continua.

retrait — Croyez-vous en une puissance supérieure ? ... Des fois, moi oui . Cet orage m’a été envoyé par la providence. Je crois que ce que j’ai fait…

retrait — Non Philippe, dites plutôt : « ce que nous avons fait ».

retrait — Oui, si vous voulez. Je crois que... ce que nous avons fait n’était pas, comment dire, conforme au bon sens. Nous nous connaissons depuis moins de douze heures. Je dirai que j’ai abusé... Non, non je sais ce que vous allez dire. Vous aussi, vous n’étiez pas vous-même, mais écoutez-moi. Lorsque Michel, votre oncle, a dû être hospitalisé, il m’a beaucoup parlé de vous. Il vous considérait comme sa fille. Sans vraiment me le dire, il s’attendait à ce que je me comporte avec vous avec respect. Il s’attendait aussi à ce que je sois votre guide. Vous connaissez mes responsabilités, les charges que m’imposent les enfants. Je ne peux pas laisser mes instincts, oui oui d’accord, nos instincts briser un lien de confiance entre vous et moi.

retrait Sophie resta silencieuse durant les derniers kilomètres. Le boulevard après avoir été une route bordée d’épais rideaux d’arbres se transformait en un long ruban de bâtisses commerciales jusqu’aux abords de Mont-Laurier. Philippe consulta l’adresse donnée par monsieur Dumais et finit par s’arrêter sur le stationnement d’un concessionnaire automobile .

retrait — Sophie attendez-moi ici. Ce ne sera pas long. Ils ont dû préparer les pièces commandées par Arthur ce matin. J’en ai pour une minute.

retrait La jeune fille acquiesça et descendit pour se dégourdir les jambes. Accotée sur le véhicule, elle revint par la pensée aux dernières paroles de son compagnon. Selon ses paroles il se considérait comme un tuteur moral de la jeune fille, confié à lui par l’oncle Michel avant de mourir. C’était sans doute la pensée d’une telle promesse qui lui serait venu à l’esprit lorsqu’il avait réalisé son acte sur la colline et qu‘il s‘était écrié « Mon dieu, que faisons-nous ? ». Il avait parlé aussi de sa responsabilité envers les enfants. Sans doute, là encore, il ne se voyait pas entretenir une relation avec Sophie alors que les cinq enfants étaient encore jeunes. Sophie n’était pas beaucoup plus vieille que François et cela aurait été un handicap. Elle sourit en réalisant l’étrange belle-mère qu‘elle ferait pour cet adolescent. La situation aurait été ridicule. Elle leva la tête : Philippe revenait avec les pièces.

retrait — Qu’est-ce qui vous fait sourire, jeune fille ? Non, non, laissez-moi deviner. Vous souriez parce que vos vêtements sont mouillés et que vous aimeriez les enlever. Moi aussi d’ailleurs. Ce serait logique, mais les conventions sociales nous empêchent de le faire ici, devant ces gens.

retrait Il désigna d’un geste les employés du magasin qui les regardaient charger les pièces dans la camionnette.

retrait — Vous avez bien raison Philippe. Les conventions sociales nous amènent à nous exposer aux maladies et parfois à la mort. Vous souvenez-vous du roman « Paul et Virginie » ? La pauvre fille préfère mourir noyée devant son bien-aimé plutôt que d’ôter la robe qui l’entraîne au fond de l’eau.

retrait — Ah Sophie, Sophie ! À la première toux que j’entends, je vous arrache la chemise que vous portez. Allez montez. Nous partons.

retrait — C’est cela. Allons-y. Le plus tôt nous serons revenus à Chute-Saint-Philippe, le plus tôt je pourrai récupérer mes vêtements.

retrait Dès que la camionnette fut engagée sur la route, Sophie n’eut plus qu’une idée, celle de retrouver sa voiture, ouvrir le coffre pour y retrouver des vêtements secs et confortables. Elle se prit à sourire : l’idée d’enlever sa chemise mouillée ne lui paraissait pas absurde. Elle avait expérimenté le matin même la nudité auprès de cinq enfants et trois adultes qui semblaient ne voir là qu’un mode de vie tout à fait ordinaire. Elle se verrait très bien, la fenêtre ouverte, le torse nu, aspirant à grandes gorgées les senteurs fortes venant de la forêt après l’orage. Elle détacha les premiers boutons, mais s’arrêta au troisième . L’épisode de la colline était trop récent pour ne pas lui faire venir des chaleurs au visage. Philippe ressentait les mêmes impressions. Comme ils approchaient de Chute-Saint-Philippe, il lui indiqua un chemin.

retrait — Sophie, en prenant cette route à gauche, nous avons une rareté : un pont couvert . Connaissez-vous cela les ponts couverts ?

retrait La jeune fille se souvenait de photos prises par son oncle. Il lui avait précisé que la couverture ne servait pas seulement à protéger le tablier en bois : bien des idylles s’étaient nouées à l’abri de ces ponts dans le passé. Par prudence elle répondit.

retrait — Oui j’en ai déjà entendu parler. Nous pourrions organiser un de ces jours une sortie... avec les enfants.

retrait — Oui, avec les enfants, ce serait bien en effet.

retrait Puis un silence gêné s’établit jusqu’au village. Lorsqu’ils furent en vue du garage, une toute autre préoccupation vint occuper leur esprit : la BMW de la jeune fille avait disparu. Elle fut la première à descendre pour faire le tour de la bâtisse. Philippe la rejoignit et scruta l’intérieur à travers les vitres des portes. Ils durent se rendre à l’évidence : monsieur Dumais avait enfermé le véhicule dans le garage. Il ne savait pas qu’il enfermait aussi la seule possibilité pour Sophie de récupérer des vêtements secs.
(à suivre)
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